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Partie 1 : Etat de l’art

III. Ouvrages spéciaux et singularités rencontrés en réseau d’assainissement

1) Jonctions

On parle de jonction lorsque deux canalisations en amont se rejoignent pour ne former qu’une seule canalisation à l’aval. La jonction peut se faire avec des angles variés (généralement 30°, 45°, 60° et 90°), pour des canalisations de forme diverse (circulaire, rectangulaire, trapézoïdale, triangulaire, ovoïde).

Taylor (1944) est probablement le premier chercheur à avoir mené une analyse théorique et expérimentale sur une confluence de deux canaux en régime fluvial. Il a proposé un modèle 1D, basé sur les équations de quantité de mouvement et de conservation de la masse pour calculer le ratio entre les hauteurs d’eau amont et aval, négligeant les effets des parois et en supposant l’égalité des hauteurs dans les deux canaux amont. Suivant les mêmes hypothèses, Webber et Greated (1966) ont mené des expériences avec des jonctions formant des angles à 30, 60 et 90°, proposant une correction empirique au modèle de Taylor. Suite aux travaux de Taylor (1944) et Webber et Greated (1966), plusieurs auteurs ont proposé des modèles 1D afin de déterminer les hauteurs d’eau à

l’amont de la confluence pour différents ratios de débit, largeurs de canaux, pentes et régimes d’écoulement (Milano et Sassoli, 1977; Ramamurthy et al., 1988; Hager, 1989; Gurram et al., 1997; Hsu et al., 1998; Shabayek et al., 2002; Coelho, 2003). L’applicabilité de ces modèles 1D est cependant très limitée par le caractère fortement tridimensionnel du comportement hydrodynamique d’un écoulement en jonction. Modi et al. (1981) ont décrit théoriquement les points de stagnation et la zone de séparation en utilisant un modèle 2D. Les travaux expérimentaux de Best et Reid (1984), basé sur l’injection de colorant, ont montré que ce modèle 2D surestimait la zone de séparation. De plus, du fait de son caractère 2D, ce modèle ne pouvait décrire correctement la zone de séparation selon la hauteur dans le canal.

Best (1987) a proposé un descriptif de l’écoulement, en 2D, décrivant 6 zones distinctes : la réverbération de l’écoulement, la stagnation de l’écoulement, la séparation de l’écoulement, le maximum de vitesse, une couche de cisaillement et un le rétablissement de l’écoulement (voir Figure 19).

Figure 19. Descriptions des structures d’écoulement identifiées par Best (1987) lors d’une étude en 2D d’un l’écoulement

en jonction

Weber et al. (2001) ont mené une étude expérimentale très aboutie qui a permis une cartographie précise et complète des structures propres à ce genre d’écoulement (Figure 20), utilisant des mesures 3D des vitesses (grâce à des capteurs ADV) et de turbulence dans une jonction horizontale à 90° avec des canaux de 0.91 cm de large. Cette étude inclue la mesure des vitesses à la surface libre ainsi qu’au niveau des sections transversales et l’analyse du comportement de l’énergie cinétique turbulente. Les résultats obtenus par Weber et al. (2001) mettent clairement en avant le caractère tridimensionnel de l’écoulement à travers une jonction à 90°, avec une zone de séparation des deux écoulements qui s’élargit à la surface libre. Ces résultats indiquent également la présence d’une cellule hélicoïdale d’écoulement unique à l’aval de la jonction. Cette cellule n’est pas retrouvée dans toutes les études.

Figure 20. Structure hydrodynamique d’une jonction à 90° en canaux rectangulaires (Weber et al., 2001)

De nombreux auteurs font état d’une bonne adéquation des résultats de simulation en 2D avec les résultats expérimentaux, obtenus soit en laboratoire (Lane et al., 1995 ; Lane et Richards, 1998 ; Ghostine et al., 2007) ou in situ (Khan et al., 2000 ; Duan et Schwar, 2003 ; Masujin et al., 2005 ; D’Oria et Tanda, 2007 ; Guo et al., 2007) pour les cas d’écoulements en rivière. Lane et al. (1999) ont réalisé une comparaison entre modèles 2D et 3D basés sur la méthode RANS, tous validés par des données expérimentales. Ils suggèrent qu’il y a un avantage significatif à représenter une jonction en 3D.

Ces singularités ont été très étudiées par de nombreuses personnes (parmi lesquels Gurram et al., 1997 ; Weber et al., 2001 ; Huang et al., 2002), pour plusieurs angles, généralement 90° mais également 30°, 45° ou 60° (Del Giudice et Hager, 2001). Les objectifs de ces études furent autant les zones de séparations des écoulements, ou de recirculation engendrée par l’écoulement en jonction ou les courants secondaires qu’il est possible d’observer dans de telles singularités. D’autres se sont intéressés à définir la longueur de la zone de recirculation et sa taille (Best et Reid, 1984 ; Gurram et al., 1997 ; Borghei et al., 2003) en fonction de la largeur du canal, des débits d’entrées et de l’angle de la jonction. Cela nous donne des lois empiriques pour définir, selon le cas qui nous intéresse, ce que l’on devrait obtenir en termes de taille de recirculation.

On dispose donc de nombreuses données bibliographiques qui permettront une bonne validation des simulations. En effet, le nombre d’observations reportées nous permet d’identifier les paramètres clés d’un écoulement en jonction, en étant sûr qu’il ne s’agit pas d’un cas d’écoulement isolé, peu observé, ou non reproduit.

L’état de l’art concernant les études sur les jonctions montrent cependant qu’elles ont essentiellement pour but la reproduction d’écoulement en rivière. Il faut donc vérifier la généralisation de ces résultats au réseau d’assainissement (qui va se différencier dans la forme des

branches –quelconque en rivière, prismatique en réseau-, les rugosités rencontrées, les débits mis en jeu, etc.). Les études numériques ont utilisé différents modèles de turbulence (k-ε standard pour Bradbook et al., 2000 ; k-ω pour Huang et al., 2002 ; k-ε RNG pour Shakibainia et al., 2010) avec une bonne capacité des modèles à représenter l’écoulement en jonction. Les choix concernant les algorithmes de couplages pression-vitesse est souvent indiqué (PISO, pour Huang et al., 2002, choisi pour sa robustesse ; SIMPLE pour Shakibainia et al., 2010). Enfin, Shakibainia et al. (2010) indique également leur schéma de discrétisation (Power-law, qu’ils préfèrent au Second-Order Upwind pour des questions de difficultés de convergence). D’une manière plus générale, l’écoulement en bifurcation a déjà été testé avec de nombreuses stratégies de modélisations, fournissant nombre de résultats de validation. Cela en fait un cas très intéressant pour établir notre méthodologie de simulation et pour réaliser une comparaison des performances des différents modèles. Enfin, on remarque que les jonctions n’ont pas été étudiées dans un but métrologique (influence de la singularité sur des capteurs débitmétriques placés à l’aval).