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CHAPITRE II : VITAMINE D ET EFFETS EXTRA OSSEUX I.Vitamine D et muscle

I- 3 : Vitamine D et douleurs musculo-squelettiques

II.V itamine D et cancers

L’idée que la vitamine D pourrait participer au risque de survenue des cancers est liée à la constatation que les cancers sont en règle plus fréquents dans les pays du Nord que dans ceux du Sud. L’exposition importante aux UVB entraîne une plus forte synthèse de vitamine D aboutissant à des taux de métabolites de la vitamine D plus élevés qui seraient associés à des risques plus faibles de développer certains cancers [85]. Grant a corrélé, dans une même étude en France et aux États-Unis, l’incidence et la mortalité par cancers en fonction de la latitude. Tous cancers confondus, il retrouve une association statistiquement significative tant pour l’incidence que pour la mortalité en France et aux États-Unis [86].

II.1 : Physiopathologie

Il existe des supports biologiques à ce rôle protecteur éventuel. Des récepteurs à la vitamine D (VDR) sont présents dans beaucoup de tissus de l’organisme, des modèles expérimentaux tendent à démontrer que le calcitriol facilite la différenciation cellulaire et exerce des activités anti-inflammatoires, anti-angiogéniques, pro-apoptotiques et antiprolifératifs [87].

Le calcitriol participe, sur cultures cellulaires, à l’expression des récepteurs des androgènes et de l’œstradiol, module l’action de facteurs de croissance IGFBP-3 (insulin-like growth factor binding protein 3) [88] et interfère avec l’action de kinases impliquées dans la carcinogenèse. Des actions anti-oxydantes des agonistes du VDR ont été mises en évidence, ce qui favoriserait la réparation de l’ADN, ils interviendraient également dans l’adhésion et les jonctions intercellulaires pouvant ainsi limiter le potentiel métastatique, enfin il faut noter le probable rôle immunomodulateur des agonistes du VDR [89]. Les récepteurs de la vitamine D ont été retrouvés au niveau de nombreux tissus tumoraux (sein, côlon, prostate). Quand ces cellules tumorales sont incubées avec de la 1,25 dihydroxyvitamine D3, on observe une diminution de la prolifération cellulaire

[90]. Cependant, on doit rappeler que certaines tumeurs, en particulier celles du

sein, de l’utérus et du poumon produisent localement de la 1-25 dihydroxyvitamine D, car elles disposent de la 1α-hydroxylase et que l’effet potentiel de la vitamine D sur ce type de tumeurs pourrait être potentiellement délétère [5].

II .2 : Cancer du sein

Le cancer du sein est actuellement le cancer le plus fréquent de la femme. Ses principaux facteurs de risque (hormonaux et génétiques) n’expliqueraient qu’une partie des cas [91]. D’autres facteurs de risque sont à l’étude, telles que la sédentarité, la consommation d’alcool, l’exposition aux perturbateurs endocriniens ou bien encore la carence en sommeil [92].

De nombreuses publications se sont également intéressées au rapport entre l’incidence de ce cancer et la vitamine D en étudiant ses apports naturels et par supplémentation, mais également l’exposition solaire, le taux sanguin de 1,25 dihydroxyvitamine D (1,25OH2D) et surtout de 25 hydroxy vitamine D (25OHD). Ce dernier est apparu comme le meilleur marqueur sanguin des réserves organiques en vitamine D [93].

L’étude observationnelle, du National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) a regroupé 5009 femmes blanches aux États-Unis [94]. Des interviews et des examens dermatologiques pour étayer leur exposition solaire ont été effectués. Les femmes qui rapportaient une exposition solaire fréquente ont eu une réduction du risque de survenue d’un cancer du sein de 33 % sur une période de suivi de 17 ans. Une incidence plus faible de cancers du sein a également été observée chez les Américaines vivant dans les régions les plus ensoleillées.

Dans L’essai randomisé WHI (Women Health Initiative) comparant un placebo à une supplémentation en calcium et vitamine D sur une durée moyenne de sept ans, chez 1067 patientes et 1067 témoins, il n’a pas été observé de différence d’incidence concernant le cancer du sein : (Hazard Ratio) HR 0,96 (0,85-1,09).

Le taux de base de 25 hydroxy vitamine D n’a également pas été corrélé à la survenue d’un cancer du sein [95]. Cependant, dans une nouvelle analyse de cet essai ne prenant en compte que les femmes qui ne recevaient ni calcium ni vitamine D au moment de la randomisation, les auteurs retrouvent une réduction de 14 à 20 % de la survenue de cancer du sein chez les femmes supplémentées

[96].

En 2008, six études sur les apports en vitamine D ont été colligées [97]. Les auteurs ont souligné la grande hétérogénéité entre ces essais et ne retrouvent pas de bénéfice pour le cancer du sein : (Risque Relatif) RR= 0,98 (0,93-1,03), p < 0,01), y compris en ne retenant que les études où les apports en vitamine D étaient supérieurs à 400 UI par rapport à celles où ils étaient inférieurs à 150 UI : RR= 0,92 (0,87-0,97).

Une méta-analyse, publiée en 2010, a repris dix études [98]. Globalement, elle met en évidence une réduction du risque de survenue d’un cancer du sein : HR= 0,73 (0,60-0,88), p= 0,001. Cependant, il existe des différences en fonction du type d’essais. Dans les études prospectives, il n’y a pas de lien entre les taux de vitamine D et le risque de survenue de cancer : HR= 0,92 (0,82-1,04), p= 0,164 ; en revanche, les études cas–témoins retrouvent une réduction significative : HR= 0,59 (0,48-0,73), p < 0,001. Les auteurs soulignent le caractère hétérogène des études.

Une autre méta-analyse a également été publiée en 2010 regroupant, en fonction des paramètres étudiés, entre 11 et 15 études [99]. Concernant la consommation de vitamine D (11 études), aucun bénéfice n’a été mis en évidence : RR= 0,91 (0,85-0,97).

Pour la concentration plasmatique de 25(OH) D (7 études), on retrouve un bénéfice en faveur des fortes concentrations : (Odds Ratio) OR= 0,55 (0,38-0,80), entre le quantile le plus haut et le quantile le plus bas. Il n’y a pas eu de différence pour la concentration plasmatique de 1,25 dihydroxyvitamine D (3 études) : OR= 0,99 (0,68-1,44).

Une nouvelle méta-analyse a été publiée en 2011 [100]. Elle a repris 28 études dont trois prospectives et 25 rétrospectives cas–témoins. Parmi celles-ci, quatre concernant le cancer du sein ont été retenues. Elles regroupaient 2363 patientes comparées à 2363 témoins. Il n’a pas été mis en évidence d’effet dose entre les taux plasmatiques de vitamine D et la survenue ultérieure de cancer du sein : (Odds Ratio) OR= 0,99 (0,97-1,01), p= 0,425.

L’étude prospective E3N, menée en France chez les adhérentes de la MGEN (Mutuelle générale de l'Éducation nationale), ne retrouve globalement pas de lien entre vitamine D et cancer. Sur les 67721 femmes suivies pendant dix ans, 2871 cancers du sein sont apparus. Cependant, dans les régions bénéficiant de la plus forte exposition aux UV et chez les femmes ménopausées ayant un apport alimentaire ou une supplémentation importante (> 113 UI/j), le risque de cancer du sein est diminué (HR= 0,68 IC (indice de confiance) : 0,54-0,85) [101].

L’étude des infirmières américaines NHS II (National Health Service) a comparé 613 cas et 1218 témoins (âge moyen 45 ± 4,4 ans). Elle s’est intéressée à l’étude des concentrations plasmatiques et n’a pas observé de lien avec le cancer du sein : RR 1,20 (0,88-1,63).

Il n’a pas été mis en évidence de différence en fonction de la période du prélèvement (saisons), de la ménopause ou des récepteurs hormonaux [102].

Des études d’intervention sont nécessaires pour évaluer l’intérêt d’une supplémentation chez des femmes carencées pour la réduction du risque de cancer du sein.

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