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En 2009, Mithal et al, sous l’égide de l’International Osteoporosis Foundation (IOF), font la synthèse mondiale de l’hypovitaminose D [254]. Le statut vitaminique D diffère d’un pays européen à un autre avec des variations parfois inattendues selon la population étudiée. On retrouve ainsi, en fonction des différentes études, des taux de 25(OH) D inférieurs à 10 ng/ml pour 2 à 30 % de la population européenne, ce pourcentage pouvant atteindre 75 % chez les personnes âgées institutionnalisées et les femmes ménopausées ostéoporotiques. En 1995, Fardellonne et al. investiguent 126 patients français institutionnalisés, âgés en moyenne de 84 ans : 100 % d’entre eux ont un taux de 25(OH) D inférieur à 30 ng/ml [255] (tableau V). En 2006, Lips et al. étudient 2606 femmes ménopausées ostéoporotiques (âge moyen de 68 ans). Ils mettent en évidence un taux de 25(OH) D inférieur à 30 ng/ml chez 49,7 % des Françaises, 63,3 % des femmes suisses, 52 % de celles originaires des Pays-Bas, 74,5 % des Anglaises, 68 % des Allemandes et 64,7 % des Espagnoles [256]. La même année, Bruyère et al. mènent un essai chez 8532 femmes ménopausées issues de neuf pays européens : 37,6 % et 79,6 % avaient des taux de 25(OH) D respectivement inférieurs à 20 et 30 ng/ml [257]. Le pourcentage de valeurs inférieures à 30 ng/ml atteint même 97 % chez des patientes hospitalisées pour fractures ostéoporotiques [258]. Des résultats similaires sont décrits en Italie, avec des taux moyens de 25(OH) D de 18 ng/ml chez les femmes ménopausées, 30 % d’entre elles ayant une concentration inférieure à 10 ng/ml [259]. Malgré un taux d’ensoleillement supérieur, le sud de l’Europe semble particulièrement concerné par l’insuffisance en vitamine D, comme en témoignent les déficits

Mais l’hypovitaminose D ne concerne pas uniquement les sujets âgés institutionnalisés et les femmes ménopausées. Une étude grecque montre que les adolescents (47 % ont un taux inférieur à 10 ng/ml en hiver), les enfants et les mères de nourrissons sont également touchés [261]. Au Pays-Bas, une étude révèle un déficit sévère (<10 ng/ ml) pour 8 % des hommes et 14 % des femmes et un déficit modéré (<20 ng/ml) pour 45 % des hommes et 65 % des femmes

[262]. En 1995, Van der Wielen et al. ont examiné 824 sujets, âgés de 71 à 7

ans, issus de 11 pays européens (Norvège, Danemark, Hollande, Belgique, France, Suisse, Hongrie, Espagne, Italie, Portugal et Grèce) : 36 % des hommes et 47 % des femmes avaient un taux de 25(OH) D inférieur à 12 ng/ml [263]. En France, l’étude SUVIMAX (Supplémentation en Vitamines et Minéraux Antioxydants) a mis en évidence que 14 % de la population entière (1579 sujets âgés de 35 à 60 ans) ont une concentration de 25(OH) D inférieure à 12 ng/ ml (soit la valeur au-dessous de laquelle il peut exister une ostéomalacie) et 75 % une concentration inférieure à 31 ng/ml [264]. En 2012, Vernay et al. publient les résultats de l’Étude nationale nutrition santé (ENNS 2006-2007) portant sur 1587 sujets sains âgés de 18 à 74 ans et issus de toute la France : 80,1 % d’entre eux ont un taux de 25(OH) D inférieur à 30 ng/ml et 42,5 % un taux inférieur à 20 ng/ml [265]. De façon surprenante, Van der Wielen et al. montrent que le statut vitaminique D des sujets âgés résidant au nord de l’Europe est meilleur que celui des européens du Sud (Espagne, Italie, Grèce) [263], résultats corroborés par plusieurs études européennes. Une des explications est la consommation plus importante de poissons gras et d’huile de foie de morue (riches en vitamine D3) permettant d’atteindre des apports journaliers de l’ordre de 400 UI dans les pays nordiques contre moins de 100 UI environ dans un pays comme la France [265].

Aux Pays-Bas, les habitudes de vie y sont pour beaucoup : une vie plus à l’extérieur des maisons, un indice de masse corporelle (IMC) plus faible, la consommation journalière de poissons gras et la prise de compléments alimentaires ou encore l’exposition fréquente en cabine aux UVB [263]. Dans le sud de l’Europe, les habitants ont tendance à se protéger du soleil et ont une peau pigmentée protectrice contre les UVB.

En France, en revanche, les études SUVIMAX et ENNS, réalisées en population générale, retrouvent un gradient nord-sud [264,265]. Au total, toutes les tranches d’âge semblent concernées par l’hypovitaminose D. Les populations les plus à risque sont essentiellement les sujets âgés, notamment institutionnalisés, les femmes ménopausées ostéoporotiques, les adolescents mais aussi les immigrés issus de pays ensoleillés (Asie, Inde) [254].

Tableau V : Prévalence de l’insuffisance en vitamine D dans quelques études françaises et européennes, en fonction du seuil de 25(OH) D [255, 256, 257, 264, 265].

Population Pays 25(OH) D

<20 ng/ml (%) 25(OH) D <30 ng/ml (%) 126 sujets institutionnalisés (âge moyen 84 ans

France (Picardie, Île-de France, Montpellier) ND (98 %<10 ng/ml) 100 2606 femmes ménopausées ostéoporotiques (âge moyen 68 ans) France 16,3 49.7 Suisse 30.7 63.3 Pays-Bas 18 52 Royaume-Uni 40.8 74.5 Allemagne 33 68 Espagne 24.7 64.7 8532 femmes ménopausées 9 pays européens 37.6 79.6 1579 sujets sains, âgés de 35 à 60 ans Différentes régions françaises ND 75 1587 sujets sains, âgés de 18 à 74 ans Différentes régions françaises 42.5 80.1

II.Etats-Unis et Canada

Aux États-Unis, les études National Health and Nutrition Examination Surveys (NHANES), comprenant des adultes, des enfants et des femmes enceintes, apportent des données incontournables sur l’épidémiologie en population générale. Au total, 20 289 prélèvements ont été effectués entre 2000 et 2004, et 18 158 entre 1988 et 1994. Après ajustement sur l’âge et la méthode biologique utilisée pour doser la 25 hydroxy vitamine D, il est apparu que les concentrations moyennes avaient significativement baissé entre 1988 et 2004 (passant de 30 ng/ml en moyenne entre 1988 et 1994 à 24 ng/ml en moyenne entre 2000 et 2004). Les auteurs attribuent cette baisse à l’augmentation de l’IMC, à une protection accrue vis-à-vis du soleil, à une réduction de la consommation de lait (enrichi en vitamine D) et à une diminution globale de l’activité en plein air [266]. L’analyse d’une partie de cette population entre 2005 et 2006 a enfin révélé que 41,6 % des participants adultes (4495 sujets âgés de plus de 20 ans) avaient un taux de 25(OH) D inférieur à 20 ng/ml. Cette diminution des concentrations moyennes de vitamine D a également été constatée dans une population américaine de 2924 sujets entre 1997 et 2001

[267]. Enfin, une étude nord-américaine a révélé que 42 % des adolescents

vivant en milieu urbain avaient un taux de 25(OH) D inférieur à 20 ng/ml, 24,1 % un taux inférieur à 14 ng/ml et 4,6 % un taux inférieur à 8 ng/ml [268].

Au Canada, les données disponibles indiquent que la prévalence de l’insuffisance en vitamine D est élevée chez les adultes sains, particulièrement pendant les mois d’hiver. Une étude récente menée à Toronto chez des femmes âgées de 18 à 35 ans montre que 21 % de celles d’origine caucasienne, 32 % des femmes asiatiques et 25 % des femmes noires ont une concentration de 25(OH)

D inférieure à 16 ng/ml. Enfin, une étude réalisée chez des adultes sains à Calgary, une des villes les plus ensoleillées du Canada, a montré qu’à la fin de l’hiver, 39 % d’entre eux ont un taux inférieur à 20 ng/ml et 86 % un taux inférieur à 32 ng/ml [269].

III. Situation au Maroc

L'insuffisance en vitamine D a été rapportée dans diverses études ; une étude transversale sur 100 femmes d'un âge moyen de 59,74 ans réparties en quatre tranches d'âge : 40-49 ans : 15% ; 50-59 ans : 37% ; 60-69 ans : 27% ; 70-79 ans : 18% et 80-89ans : 3%. Le dosage de la 25 OH vitamine D a été demandé dans le cadre du bilan d'une ostéoporose chez 49% des patientes, ou d'une autre symptomatologie chez 51% des patientes. Une hypovitaminose D a été retrouvée chez 90% des patientes, dont 66,66% correspondait à une insuffisance, et 33,33% à une déficience en vitamine D. La carence en vitamine D était notée chez 89.79% des femmes ostéoporotiques et 88.23% des non ostéoporotique [270].

Chez les hommes une étude transversale incluant 200 patients d’un âge moyen de 47.7±14 ans, la prévalence de l’hypovitaminose D (vitamine D < 30 ng/ml) était de 94.5%. L’insuffisance en vitamine D était plus importante chez les hommes âgés de plus de 50 ans (p=0.003) et ayant un bas niveau d’instruction (p=0.01) [271].

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