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Introduction : un tour d’horizon en matière de suspension complexe

Architectures complexes de suspension

2.1 Introduction : un tour d’horizon en matière de suspension complexe

C’est avec l’arrivée de la mécatronique, au début des années 1980, que les premières architectures de suspension complexes sont mises au point. Ces architectures, qui ap-paraissent avec les suspensions pilotées (semi-actives et actives), tentent de mettre en défaut les dilemmes inhérents aux architectures traditionnelles de suspension en modi-fiant, au besoin, leurs paramètres. Ainsi, les suspensions complexes vont pouvoir agir, via des calculateurs, sur leur loi d’amortissement, sur leur raideur et sur l’assiette du véhicule. En effet, tandis que les suspensions pneumatiques développées par Continental pour la Tesla Model S ne permettent que la gestion de la hauteur du centre de gravité du véhicule en fonction des conditions de conduites, les jambes de forces développées pour le système AirMatic (Figure 2.1), par exemple, y ajoutent des amortisseurs pilotés. Dès lors, la gestion de l’amortissement, effectuée de manière indépendante sur chacune des suspensions, permet d’améliorer les performances du véhicule [Mercedes-Benz, nd].

Figure 2.1 – Jambe de force du système de suspension AirMatic

En plus de ces systèmes, Continental propose dorénavant des suspensions pneuma-tiques à multi-volumes connectables permettant le pilotage de la raideur de suspension en fonction des conditions [Gazeau, 2018]. Ces systèmes, avec ou sans amortisseur hydrau-lique intégré, offrent une raideur de suspension variable fonction du nombre de volumes connectés. Un exemple de ces systèmes CAirS (Continental Air Supply), composé de trois chambres, est présenté sur la Figure 2.2 avec les délimitations des trois chambres surli-gnées en jaune. Ce système propose 4 raideurs différentes (chambre principale, chambre principale + volume 1, chambre principale + volume 2, chambre principale + volume 1 + volume 2). Ces systèmes équipent, depuis 2018, des véhicules tels la Bentley Continental GT ou la nouvelle Porsche Cayenne.

D’autres systèmes, au contraire, permettent non pas d’agir directement sur le vo-lume de la chambre d’air, mais d’agir sur la section efficace du piston via l’utilisation d’un dispositif hydraulique afin de faire varier la raideur de la suspension [Hedrich et al.,

2.1. INTRODUCTION : UN TOUR D’HORIZON EN MATIÈRE DE SUSPENSION COMPLEXE

Figure 2.2 – Coussin à triple chambre de Continental [Gazeau, 2018]

2018]. En effet, l’effort développé par l’actionneur étant directement relié à cette section, une augmentation de cette dernière permet d’augmenter significativement la raideur du système.

Toutes les architectures complexes de suspension ne sont pas réalisées en technologie pneumatique. Parmi les nombreuses autres solutions complexes existantes, la suspension BOSE [Bose, 1964] [Kashem et al., 2018], développée à partir des années 1980 par le Docteur Amar Bose, utilise un actionneur électromagnétique permettant le rejet des per-turbations provenant de la route ou du conducteur. Pour cela, et après avoir mené une étude durant plusieurs décennies afin de déterminer, de façon analytique, la performance optimale d’une suspension (indépendamment des limites de toute solution technologique actuelle), il a proposé un système, géré par un ensemble d’algorithmes de commande, comprenant un moteur linéaire électromagnétique et un amplificateur de puissance dis-posé au niveau de chaque roue (Figure 2.3) et permettant une action roue par roue. Le moteur électromagnétique, composé d’un vérin électrique, assure le rôle de suspension et permet l’absence de tout ressort ou amortisseur.

Malgré un poids considérable de 30 kg par roue ainsi qu’un coût de production très important, ce dispositif propose de très bonnes performances. Le moteur

électromagné-2.1. INTRODUCTION : UN TOUR D’HORIZON EN MATIÈRE DE SUSPENSION COMPLEXE

(a) Modèle de la suspension

électromagnétique (b) Architecture de suspension

Figure 2.3 – La suspension BOSE

Figure 2.4 – Illustration de la tenue de caisse pour un véhicule équipé d’une suspension hydraulique de série (à gauche) et du même véhicule équipé de la suspension Bose (à

droite) 59

2.1. INTRODUCTION : UN TOUR D’HORIZON EN MATIÈRE DE SUSPENSION COMPLEXE

Une autre approche consiste à ajouter un moteur électrique à l’intérieur de la roue pour permettre, tout comme la suspension BOSE, de contrôler la tenue de caisse sous sollicitations conducteur. C’est ce qu’a proposé Michelin avec l’Active Wheel (Figure 2.5) lors du Mondial de l’Automobile en 2008.

Figure 2.5 – L’Active Wheel de Michelin

Contrairement au système Bose, l’Active Wheel conserve certains éléments présents dans une architecture traditionnelle, à savoir le ressort, le moteur permettant alors d’an-ticiper les actions du conducteur en générant une force visant à tenir la caisse. Cette suspension électro-mécanique possède un temps de réponse extrêmement rapide lui per-mettant de contrôler le pompage, le tangage et le roulis du véhicule. De plus, l’utilisation d’un système par roue permet un meilleur contrôle de la stabilité du véhicule et donc d’accroîte la sécurité des passagers. Ce dispositif n’est, malgré tout, pas proposé en série par les constructeurs en raison de son coût de fabrication et d’entretien.

Tandis que ces deux dernières suspensions n’ont jamais été commercialisées, c’est la société ClearMotion [ClearMotion, 2008], fondée en 2009, qui a acquis, en 2017, la technologie développée par Bose et qui s’apprête à la proposer sur le marché [Carnoy, 2017] [Cheromcha, 2018] [Rosen, 2019]. Par ailleurs, et comme pour l’Active Wheel, leur suspension conserve certains éléments présents dans une architecture traditionnelle, à savoir l’amortisseur. Ce système, illustré Figure 2.6a, se concentre alors autour d’un module principal appelé « Activalve » (Figure 2.6b) conçu pour être monté sur tous les amortisseurs standards. Ce dispositif électro-hydraulique est composé d’une pompe à engrenages, d’un moteur électrique sans balais et d’un contrôleur numérique qui, lorsqu’il détecte une potentielle sollicitation provenant de la route ou du conducteur, permet au moteur de réagir en exerçant une pression sur l’amortisseur en moins de cinq millisecondes. Par ailleurs, l’utilisation de quatre Activalves, une pour chaque roue, crée un

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(a) Modèle de la suspension avec Activalve (b) L’Activalve

Figure 2.6 – La suspension active ClearMotion

suspension résulte de la suspension traditionnelle hydropneumatique combinée à l’élec-tronique embarquée, en proposant deux architectures de suspension : une architecture « ferme » et une architecture « souple ». L’architecture « ferme », réalisée par une archi-tecture traditionnelle de suspension, permet de répondre aux besoins en comportement routier tandis que l’architecture « souple », caractérisée par une architecture complexe, permet de répondre aux besoin en confort vibratoire. Le passage de l’une à l’autre des architectures est alors réalisé à l’aide d’une électrovanne.

La première partie de ce chapitre est consacrée à cette suspension Hydractive de série. Cette suspension, conçue par Citroën et entrant dans le groupe des architectures complexes de suspension, est présentée à travers son architecture, ses performances et son fonctionnement qui permet de mettre en défaut les dilemmes inhérents aux suspensions traditionnelles. La seconde partie de ce chapitre est, quant à elle, consacrée à une version évoluée de la suspension Hydractive de série : la suspension CRONE Hydractive. Cette version, la plus aboutie de la suspension CRONE (cf. Annexe B) et qui a été implantée sur une Citroën C5, résulte de la combinaison de la suspension Hydractive de série et de l’approche CRONE dans le domaine des suspensions automobiles (qui permet, notam-ment, la définition d’une architecture « CRONE »). Cette suspension est alors présentée et ses performances sont comparées à celles de la version de série afin de démontrer son apport ainsi que son fonctionnement simplifié.

Remarque

Dans la suite de ce mémoire, et afin de simplifier les notations, l’architecture définie pour répondre aux besoins en comportement routier est dénommée architecture « ferme », tandis que l’architecture définie pour répondre aux besoins en confort vibratoire est appelée

architecture « souple ». Par ailleurs, l’architecture se basant sur une architecture de

suspension CRONE, elle aussi définie pour répondre aux besoins en confort vibratoire, est baptisée architecture « CRONE ».

La majorité des travaux présentés dans ce mémoire proposent de se focaliser sur le domaine de fonctionnement des petites variations de la course de la suspension autour