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Une Introduction : la Question Générale de l’Entreprise à Travers les Trois Approches

Dans le document La valeur de l’existence en comptabilité (Page 134-164)

Cadrage Théorique : Modernité et Soutenabilité

1. Une Introduction : la Question Générale de l’Entreprise à Travers les Trois Approches

L’entreprise en tant que concept même n’est pas né avec la Modernité : Michael Hudson (2010) et Cornelia Wunsch (2010) expliquent ainsi parfaitement que les notions d’entreprise et d’entrepreneur, dans un sens qu’on peut qualifier de relativement contemporain, se retrouvent très tôt dans l’histoire des civilisations humaines. Un des exemples le plus flagrant est celui de la Mésopotamie, et plus particulièrement de l’Assyrie et du Royaume de Babylone du 2e millénaire av. J-C. jusqu’au 5e siècle av. J-C : les assyriologues montrent en effet que ces civilisations ont connu durant cette période une économie structurée notamment autour d’entreprises recherchant à dégager un surplus (un profit) privé grâce à leur activité (Baumol & Strom, 2010; Hudson, 2010; Wunsch, 2010). Néanmoins ces entreprises présentent dans le même temps de nombreuses différences avec ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui une entreprise, notamment du fait qu’elles entretenaient des relations intimes avec les institutions publiques qu’étaient le Palais et les Temples, et qu’elles partageaient avec l’ensemble de la société où elles évoluaient un désir de stabilité générale des prix174 (Hudson, 2010; Wunsch, 2010). Dès lors, il n’est pas possible de parler d’une entreprise ontologiquement déterminée, correspondant à celle majoritairement conceptualisée actuellement, mais de trajectoires d’évolution de ce qu’est et ce que signifie l’entreprise selon un rapport particulier des humains au monde, à un moment donné (Rambaud, 2014). Certaines continuités ontologiques (Stoelhorst, 2008)175 apparaissent donc à travers le temps, tout en autorisant des variations et évolutions autour de ces continuités d’existence (Lippmann & Aldrich, 2014)176. Il n’y a donc pas un modèle de l’entreprise mais des modalités

174 « The initial objective [de la comptabilité notamment dans ces deux civilisations] was to provide stable value equivalencies, not to open the way for price flexibility responding to shifts in supply and demand. Such fluctuation was perceived as disorder, especially for transactions in barley and other crops at the interface with the family-based economy on the land » (Hudson, 2004b).

175 Jan-Willem Stoelhorst « is Associate Professor of Strategy and Organization and head of the Strategy and Marketing section at the Amsterdam Business School, University of Amsterdam […] His research interests include the application of evolutionary theory in the social sciences (in particular economics) and the application of evolutionary and economic theory in management (in particular the field of strategy) » d’après le site

http://www.kli.ac.at/people/fellow-detail/4a752260/jan-willem-stoelhorst (consulté le 04/06/2015).

176 Au niveau de l’entreprise, ces continuités ontologiques anthropologiques semblent ainsi se structurer autour de

deux mouvements, selon la théorie évolutionniste en théorie des organisations – qui est un cadre métathéorique utilisant les théories Darwiniennes de la sélection naturelle, combinées aux théories traitant de la complexité, afin de comprendre comment les organisations émergent, changent et se reproduisent, en interaction avec les forces de sélection de leur environnement (Lippmann & Aldrich, 2014). Un premier mouvement basé sur une compétition entre individus et un autre renvoyant à une compétition entre entreprises elles-mêmes. Le premier type de compétition ferait que l’entreprise serait une réponse à un problème de concurrence entre êtres humains concernant l’accès à des ressources (Stoelhorst, 2008). Mais l’entreprise oblige à intégrer une autre dimension à la réflexion : cette « lutte » entre individus se déporte aussi sur les entreprises en tant que groupes constitués. En d’autres termes, « the existence

of firms also introduces an additional level of analysis with its own emergent properties. Just as there is competition for resources between individuals within firms, so there is competition for resources between firms » (Stoelhorst,

d’existence de l’entreprise et de sa dynamique (Hatch & Schultz, 2010), consubstantielles de certaines attitudes sociétales générales. Dans ces conditions, il est possible d’introduire la notion d’entreprise Moderne (Segrestin & Hatchuel, 2012), de la même manière qu’il existe une société et des Hommes Modernes, différents et pourtant reliés à ceux des civilisations préModernes. En ce sens, par exemple, comme le fait remarquer B. Christophe, « c’est moins l’entreprise que l’homme prométhéen par essence qui organise l’entreprise prométhéenne et qui détruit » (Christophe, 2007) : c’est donc une certaine forme, une certaine variation ontologique, de ce qu’est une entreprise dans une continuité historique voire anthropologique, qui est source de problématiques de soutenabilité. Cette position est conforme à l’analyse développée précédemment : les problématiques de soutenabilité trouvant leurs origines dans l’attitude Moderne, il est logique que ce soit précisément l’entreprise telle que structurée par cette attitude Moderne qui soit elle-même à l’origine d’une potentielle insoutenabilité liée à l’activité entrepreneuriale. Maintenant, que signifie réellement la notion d’ « entreprise Moderne » ? Il est clair qu’il s’agit d’une entreprise dont l’existence, l’activité, la vie, la structuration, les rapports à son environnement, etc. sont purifiés et recomposés selon le clivage Objet/Sujet Moderne. Il s’agit d’une entreprise théorisée dans le « monde d’en-haut » des Modernes (cf. figure 2.2), c’est-à-dire ce qu’on pourrait désigner comme étant une « Entreprise » (avec une majuscule). Ainsi, dans cette Entreprise, le dualisme intérieur/extérieur, entre autres exemples de concepts liés à l’Entreprise Moderne, doit être réinterprété grâce au clivage Moderne Objet/Sujet et doit donc être purifié. Il s’agit dès lors de séparer théoriquement intérieur et extérieur, en renvoyant l’une de ces deux notions au domaine du Sujet et l’autre à celui de l’Objet. L’opérationnalisation d’une telle dichotomie se retrouve concrètement dans le développement de l’usine dès le 19e siècle, comme support matériel à l’Entreprise Moderne purifiée. En effet, la surveillance et le contrôle mis en place au sein de l’usine répondent ainsi à cette exigence de clivage intérieur/extérieur, où l’intérieur est le domaine du Sujet-Propriétaire tandis que l’extérieur est le domaine de la société- Objet Soumise à la Volonté et à la Liberté de ces Sujets. Le temps lui-même est Rationalisé,

à un problème économique, celui consistant à sécuriser des ressources nécessaires pour la survie des individus ; la stabilisation de cette solution reposerait sur des mécanismes de transmission culturelle : « the firm can only be

understood as an accumulation of social design principles that work in relation to the broader socio-economic selection environment […] » (Stoelhorst, 2008). En outre, la structuration interne de l’entreprise reposerait sur la

nécessité de préserver certains comportements permettant l’accomplissement de ses buts. Le fait qu’un ensemble potentiellement grand d’individus différents et sans relations entre eux acceptent de se coordonner ensemble proviendrait ainsi d’une volonté de résoudre le problème d’accès aux ressources de manière non violente ; la stabilisation de ces coordinations en des ensembles cohérents et les modalités spécifiques d’organisation de ces ensembles seraient dues quant à elles à la nécessité de résoudre ce même problème économique mais au niveau d’une compétition entre groupes constitués. Ainsi « the firm as a unit of socio-economic organization links within-group

competition between individuals to between-group competition between firms » (Stoelhorst, 2008). L’entreprise serait

Objectivé dans cette usine. Et finalement l’ouvrier lui-même177. L’Organisation Scientifique du Travail178 (OST) illustre par ailleurs parfaitement ce que peut être une théorisation Moderne particulière de la gestion de l’Entreprise Moderne, en s’articulant autour d’une division du travail verticale (entre exécutants et dirigeants, renvoyant au clivage Objets-exécutants/Sujets-dirigeants) et horizontale (décomposition du travail en tâches simples et spécifiques, où les tâches sont Objectivées au maximum). L’existence même de l’Entreprise Moderne, en tant qu’entité sociale, se structure autour des deux pôles que sont le nominalisme et le réalisme (Gindis, 2007; Phillips, 1992) : L’Entreprise Moderne est donc, selon les différentes théories, soit un agrégat d’individus sans réelle substance179, un simple Objet Déterminé par des Sujets-individus (généralement des Propriétaires), soit une entité pleine et entière autonome, Subjectivée. Cette dichotomie renvoie d’ailleurs aux deux grandes structurations de la notion de capital en comptabilité, mentionnées précédemment (Biondi, 2007; Chatfield, 1977; J. R. Edwards, 1989; Müller, 2014; van Mourik, 2010; Zambon & Zan, 2000) : la « théorie de l’entité », où l’entreprise est comprise de façon Réaliste, comme une entité Subjectivée et la « théorie du propriétaire », où l’entreprise est un Objet au Service des Sujets-Propriétaires. Ces deux perspectives sont dès lors deux modalités particulières pour théoriser les différentes notions d’ « Entreprise Moderne ». Car finalement, il n’existe pas un seul type possible d’Entreprise Moderne mais bien plusieurs, selon les choix opérés d’après la « grammaire » binaire Moderne. Dans ces conditions, l’Entreprise Libérale ou Communiste sont des variétés particulières de l’Entreprise Moderne180. Mais de la même manière, il est aussi possible de parler d’entreprises préModernes (illustrées par exemple par les cas assyriens et babyloniens antiques (Hudson, 2010; Wunsch, 2010)) ou d’entreprise non-Modernes, écologiques et relationnelles. Les expériences d’écologie industrielle (Allenby, 2006) sont par exemple à rapprocher de cette dernière déclination de la notion d’entreprise, ainsi qu’un certain nombre de propositions de re-conceptualisation de l’entreprise, tentant d’intégrer dans l’ontologie même de celle-ci son caractère hybride, c’est-à-dire ses attachements à son environnement au sens large (Banerjee, 2007; Favereau, 2014; Segrestin & Hatchuel, 2012).

177 « Les contacts avec l’extérieur sont limités au minimum. L’enclos [délimité par des grilles], moins qu’une prison, est une forteresse. On ne peut s’évader durant la durée prescrite du travail ; les mouvements sont réglés par le son de la cloche, celle-là même qu’Oberkampf, ‘toujours le premier levé, sonnait lui-même le matin pour appeler les ouvriers au travail, ce qui lui permettait de noter et récompenser les plus diligents’. En cas d’absence, de retard, une amende est prélevée sur le salaire et en revanche, ponctualité, assiduité, obéissance assurent au bon ouvrier gratifications, voire promotion. Dans les cas de manquements graves – comme le vol – la délation est de rigueur à l’égard des ouvriers comme entre ouvriers eux-mêmes » (Briot, 2014).

178 Notons que le taylorisme reste encore aujourd’hui « profondément actuel […] les méthodes d’organisation et techniques de gestion contemporaines ne remettent pas en cause les préceptes de Taylor : division du travail, étude scientifique des tâches, modes opératoires formalisés ou temps alloués » (F. Gautier & Pezet, 2010).

179 Irving Fisher déclare ainsi que « […] a corporation as such can have no net income. […It] is a fictitious, not a real, person […] Its stockholders may get income from it, but the corporation itself, considered as a separate person apart from these stockholders, receives none » (I. Fisher, 1930).

180 La distinction entre ces deux types d’entreprises, d’un point de vue comptable, se trouve par exemple dans (Richard

Dans ces conditions, pour chaque concept central structurant notre société, il est possible de s’interroger sur ses déclinaisons selon l’attitude Moderne ou non, et au sein même de la Modernité, selon ses variations d’après les différents types de mobilisation du clivage Objet/Sujet. Chacune de ces déclinaisons devient dès lors consubstantielle des rapports particuliers établis à un moment donné entre l’Homme et la réalité dans laquelle il vit, ainsi que des systèmes de choix opérés à l’intérieur de ces différents types de rapports. Ainsi, par exemple, l’Entreprise Moderne (ou plutôt les différents types d’Entreprises Modernes) ne peut être déconnectée de l’attitude Moderne, qui elle-même ne peut être pensée sans prendre en compte ses conséquences sur la structuration de la notion d’entreprise. De la même façon, l’approche non-Moderne ne peut être détachée de sa déclinaison au niveau de l’entreprise. Ces observations concernant l’entreprise se généralisent à tout autre concept, à commencer, dans le cadre de cette thèse, à la comptabilité. Il devient par ailleurs clair que les conséquences mêmes d’une certaine attitude au monde ne peuvent pas non plus être déconnectées de la façon dont l’entreprise, la comptabilité, ou tout autre concept sociétal, est décliné selon cette attitude. En d’autres termes, l’Entreprise ou la Comptabilité Moderne181, par exemple, en tant qu’entreprise ou système comptable structurés selon une attitude à l’origine de problématiques de soutenabilité, deviennent immédiatement des opérationnalisations concrètes de cette attitude, la rendant ainsi effectivement performative (Callon, 2007; Ezzamel, 2009), accentuant ses impacts182 ainsi que sa stabilisation en tant qu’imaginaire dominant (Castoriadis, 1999). Cette observation dans le cadre de l’attitude Moderne se généralise à tout autre type de rapport de l’Homme au monde. S’intéresser à la « comptabilité pour la soutenabilité » ainsi qu’à la prise en compte d’entités environnementales pour elles-mêmes oblige dès lors à positionner notre analyse dans différentes attitudes-types dont les déclinaisons sur la structuration de certains concepts (comme la comptabilité dans le cadre qui nous intéresse) doivent être détaillées. Or l’étude de la Modernité selon B. Latour offre un cadre théorique idéal,

181 Ou pour être précis, les différentes modalités de l’Entreprise et de la Comptabilité Moderne.

182 Thomas N. Gladwin, James J. Kennelly et Tara-Shelomith Krause illustrent cette idée en affirmant que « since the Enlightenment, thinkers have progressively differentiated humanity from the rest of nature and have separated objective truth from subjective morality. […] Organizational science has evolved within a constricted or fractured epistemology, such that it embraces only a portion of reality. The organic, biotic, and intersubjective moral bases of organizational existence, we submit, have been neglected or repressed in the greater portion of modern management theory. This exclusion has resulted in theory which is at best limited and at worst pathological. By disassociating human organization from the biosphere and the full human community, it is possible that our theories have tacitly encouraged organizations to behave in ways that ultimately destroy their natural and social life-support systems »

(Gladwin et al., 1995). On constate, en écho à (Christophe, 2007), que c’est bien en évoluant au sein d’une attitude au monde particulière (« Organizational science has evolved within a constricted or fractured epistemology, such that it

embraces only a portion of reality ») que les sciences de gestion (et par là même la conception de l’Entreprise

Moderne) ont conduit à des théories « at best limited and at worst pathological », et qui ont, de façon effective, « tacitly encouraged organizations to behave in ways that ultimately destroy their natural and social life-support

apte à systématiser et approfondir un tel positionnement183 (tout en le connectant en permanence à la question de la soutenabilité).

Dans ces conditions, nous pouvons maintenant préciser plus en avant les points centraux de ces trois approches ainsi que leurs déclinaisons selon les grands concepts dont nous aurons besoin par la suite.

2.

L’Approche Orthodoxe

a)

Principes généraux

Nous désignons la première approche retenue ici par le terme « Orthodoxe » car elle correspond à l’orientation dominante actuelle des sociétés occidentales (c’est d’ailleurs pour cela que R. Norgaard la désigne par le terme « Dominant Premises » (Norgaard, 1994)). Il s’agit d’une perspective Moderne sur la réalité où, hormis la part qui « échoit » directement à celles et ceux désignés comme Sujets, celle-ci est purifiée de façon à étendre le plus possible l’Objectivation. Il s’agit donc d’une posture Moderne « Objectivante ». Ainsi R. Norgaard utilise cinq notions, définies dans le tableau 2.4, pour caractériser ce qu’il nomme les « Dominant [ou] key premises of Western patterns of thinking » (Norgaard, 1994), et qui renvoient au « modernism » (Norgaard, 1994).

183 Comme nous l’avons évoqué auparavant, l’analyse Latourienne offre en effet des avantages déterminants. Parce

qu’elle articule une perspective anthropologique englobante (intégrant notamment la pensée préModerne) avec une volonté d’axiomatiser la Modernité, point essentiel de compréhension de nos sociétés et de leurs conséquences, et de définir une autre attitude au monde (l’écologisation), elle fournit ainsi un cadre conceptuel et méthodologique complet

et cohérent pour analyser en profondeur et re-conceptualiser toute question sociétale actuelle, en la reliant

systématiquement aux enjeux de l’écologie et de la soutenabilité. La théorie Latourienne dans sa globalité, notamment à un niveau cosmopolitique (Latour, 2007d; Stengers, 2007), commence à être mobilisée en CSE, au travers, par exemple, des travaux de (Vinnari & Dillard, 2014).

Prémisses Définitions

Atomism Systems consist of unchanging parts and are simply the sum of their parts Mechanism Relationships between parts are fixed, systems move smoothly from one

equilibrium to another, and changes are reversible

Universalism Diverse, complex phenomena are the result of underlying universal principles which are few in number and unchanging over time and space

Objectivism We can stand apart from what we are trying to understand

Monism Our separate individual ways of understanding complex systems are merging into a coherent whole

Tableau 2. 4: Prémisses dominantes de la pensée occidentale selon R. Norgaard

Tableau 2.4

Prémisses dominantes de la pensée occidentale selon R. Norgaard Source : (Norgaard, 1994)

A la suite de l’analyse de la Modernité menée précédemment, il devient possible de rassembler ces cinq prémisses sous une même bannière, celle générale de l’Objectivation Moderne. En effet, le Mécanisme renvoie à l’émergence de la philosophie mécaniste (Moscovici, 1977) comme fondement des savoirs : le Mécanisme est directement lié à la Représentation Fidèle des Objets en tant que pures Formes, dont la nature peut être captée par des Lois Déterministes et Prédictibles184. Par ailleurs, le principe d’Universalisme et l’Objectivisme ont été précédemment situés dans le domaine de l’Objet. En outre, l’Atomisme renvoie d’une part au Déterminisme Objectif (« unchanging parts ») et d’autre part, au Nominalisme : les systèmes (et les groupes) sont Objectivement Déterminés par leurs éléments – et non l’inverse. Le Monisme est très lié au Nominalisme, qui permet de passer de positions individuelles à une Objectivation de l’ensemble; la différence avec l’Atomisme est que les éléments, dans le cas du Monisme, sont des Sujets ayant des postures Subjectives Singulières. Le Monisme est donc un Nominalisme Epistémologique, où en dehors de la « zone » restreinte du Sujet – sa Représentation Subjective –, le reste est Objectivé, à commencer par l’agrégation de ces Représentations dans un Tout Universel (« a coherent

184 Comme expliqué précédemment, « la mécanique basée sur le calcul mathématique et les algorithmes, renvoyant

non pas à la nature des choses mais au mouvement – et donc niant les différences de contenus du monde – et organisée autour de méthodes (Descartes, 1861) – se substituant aux habitudes des artisans (Moscovici, 1977) – prend la place [avec la Modernité] de la physique, qui dans le même temps est assimilée à la mécanique. […] De même, toute chose, en dehors de la volonté humaine, devient une matière uniforme et homogène [et donc continue] (Limido-Heulot, 2014) : comme l’établit René Descartes […], « terre et cieux sont faits d’une même matière » (Limido-Heulot, 2014). Cette indifférenciation de substance, combinée à la réduction de notre monde physique à de simples mouvements, rend dès lors possible de concevoir que « […] the physical world behaves predictably. [Ainsi] assumptions of

continuity and gradual change have been axiomatic in the developments of science from Newton through the twentieth century […] » (Goodchild, 2009). Que ce soit en termes de lois, de tendances, de règles, de probabilités, etc.

(Cartwright, 1994), les choses physiques obéissent à des principes totalement stables, ce qui les rend contrôlables par un Sujet capable de se rendre maître de ces lois » (cf. annexe A.2.1).

whole »). Dans ces conditions, on peut affirmer que les prémisses de R. Norgaard sont toutes basées sur une utilisation du langage Moderne où il est systématiquement choisi de purifier vers le domaine de l’Objet, en dehors de la « zone » Singulière réservée du Sujet. La différence importante entre la perspective de R. Norgaard sur la Modernité et celle retenue ici est que, comme nous l’avons établi, pour B. Latour, la Modernité ne se confond pas avec ce recours systématique à l’Objectivation, contrairement à la position de R. Norgaard : la Modernité repose sur une grammaire binaire dont l’usage ne s’épuise pas avec un système de choix particuliers, et dont la variété des choix possibles repose sur la mobilisation ad hoc de la boîte noire « cachée » qu’est la réalité composée de chaînes de médiations. De la même façon, il est possible de se livrer à la même analyse avec la classification de (Gladwin et al., 1995) : on constate ici aussi que tout le paradigme appelé « Technocentrism », dont la description est donnée dans la figure A.2.4 en annexe, est aussi basé sur une Objectivation systématique, à l’exclusion de la « zone » du Sujet. D’un point de vue ontologique et éthique, le monde « Technocentriste » est conçu comme une machine (« Vast machine »), Soumise (« Dead/passive ») à la Volonté et la Liberté des Sujets (humains) (« Narrow homocentric », « Anthropocentrism », « Domination », « Egoist-rational ») par la Raison de ces Sujets (« Egoist-rational ») ; celui-ci est perçu d’un point de vue Nominaliste (« Atomistic/parts », « Hierarchical »). Les sciences et les technologies sont dès lors organisées, sans limitations réelles (« Faith in technology : Optimism ») dans un but de Domination des Objets par les Sujets en vue d’assurer l’expansion de leur Pouvoir (le Progrès Moderne) (« Growth pattern : Exponential »). Les structures économique et psychologique de cette approche reposent, d’un côté (versant

Dans le document La valeur de l’existence en comptabilité (Page 134-164)