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Comptabilité Socio-Environnementale et Comptabilité Générale

Dans le document La valeur de l’existence en comptabilité (Page 31-49)

I. Perspective Comptable : Comptabilité Socio-Environnementale et Comptabilité Générale

A.

Introduction aux Chapitres 1 et 2

S’interroger sur pourquoi et comment une entreprise peut à la fois prendre en compte certaines entités environnementales pour « elles-mêmes » – entités que l’entreprise utilise – et rendre compte de cette prise en considération particulière, nécessite de préciser et détailler la façon dont cette question, polysémique et autorisant de multiples traitements, est abordée dans cette thèse.

Le premier choix retenu est celui de la comptabilité, en tant qu’ « ensemble de systèmes d’informations subjectifs ayant pour objet la mesure de la valeur des moyens et des résultats d’une [organisation] » (Richard et al., 2011), et plus spécifiquement celui de la comptabilité générale d’entreprise, définie comme le

« dispositif technique et humain grâce auquel les dirigeants d’une entreprise […] rendent des comptes relatifs à sa situation et à ses performances aux divers acteurs économiques et sociaux qui entretiennent des relations, contractuelles ou non, avec elle et peuvent influer sur ses activités ou être affectés par celles-ci » (Colasse & Lesage, 2010).

Prendre en compte et rendre des comptes, concernant certaines entités environnementales, est donc à interpréter ici dans le cadre des outils et concepts relatifs à la comptabilité générale privée. Ce sont surtout le bilan et le compte de résultat qui retiennent notre attention dans cette étude. La question de recherche peut ainsi être reformulée de la manière suivante : pourquoi et comment le bilan et le compte de résultat d’une entreprise, ainsi que les concepts sous-jacents à ces instruments

de gestion et d’informations, peuvent être mobilisés pour informer sur une prise en considération d’entités environnementales pour « elles-mêmes » ?

Le second choix de cette thèse concerne la prise en considération des entités environnementales pour « elles-mêmes », cette expression nécessitant un certain nombre d’éclaircissements. Afin de dessiner les contours de ce à quoi renvoie cette prise en considération, deux grandes orientations sont retenues. En premier lieu, s’intéresser aux entités environnementales en « elles-mêmes », dans le cadre de la comptabilité, inscrit ce travail dans le contexte de la Soutenabilité d’Entreprise (SE) et plus particulièrement de la Comptabilité Socio- Environnementale (CSE). La question de recherche s’organise ainsi autour d’une direction, voire d’une finalité particulière, celle visant à élaborer et développer un système socio-économique soutenable (ou en tout cas plus soutenable). Cette direction constitue d’ailleurs en soi un premier élément de compréhension de la question « pourquoi prendre en compte les entités environnementales pour elles-mêmes ? » : pour participer au développement d’une activité d’entreprise plus soutenable. En second lieu, les raisons et les modalités de cette prise en considération ainsi que la signification de l’expression « pour elles-mêmes », invitant notamment à réfléchir à l’entreprise et à son environnement dans un même mouvement, exigent un cadrage théorique plus global concernant les rapports entre l’Homme et son environnement. Si par « théorie » nous entendons « a conception of the relationship between things » (Gray, Adams, et al., 2014), ce cadrage théorique sert de ce fait à tracer des lignes directrices conceptuelles sur les rapports entre l’entreprise et les entités environnementales qu’elle utilise, rapports considérés dans un panorama plus large et plus fondamental des relations Hommes/Environnement. Le cadre retenu ici s’articule autour d’une analyse critique de la pensée Moderne. Cette approche reprend celle qu’on pourrait qualifier d’analyse « écologiste »21 de notre société (Callicott, 1997, 2013; Eckersley, 2004; Flipo, 2014; Forsyth, 2004; Illich, 1975; Larrère & Larrère, 1997; Latouche, 1989; Latour, 1997, 1999c; Moscovici, 1977; Naess, 1989; Norgaard, 1994; B. G. Norton, 2005; Rambaud & Feger, 2014; Whiteside, 2002), et qui repose sur l’idée que le point-clé de compréhension de l’insoutenabilité de nos sociétés occidentales provient, d’une façon ou d’une autre, des changements de rapports entre l’Homme et le reste de son univers entre les sociétés préModernes et Modernes, caractérisées par un clivage entre la Culture et la Nature, entre les Humains et les Non-Humains (Latour, 1997) ; à partir de cette hypothèse est ensuite formulé un certain nombre de propositions visant à dépasser ou résorber cette dichotomie Moderne, sans pour

21 « Ecologiste » dans un sens très large allant de l’éthique environnementale (e.g. (Naess, 1989)) à l’écologie politique

(e.g. (Latour, 1999c)). Cette analyse écologiste provient de domaines très variés : philosophie (e.g. (Naess, 1989)), économie (e.g. (Norgaard, 1994)), sciences politiques (e.g. (Eckersley, 2004)), sciences de gestion (e.g. (Birkin, 1996)), etc.

autant revenir à des cultures préModernes, mais permettant de déployer une société écologique. Cette grille de lecture est loin d’être inhabituelle dans les sciences de gestion ou en CSE : par exemple, dans un célèbre article, T. Gladwin et al. (1995) proposent ainsi de structurer la soutenabilité d’entreprise selon une perspective qu’ils dénomment « sustaincentrism », paradigme directement opposé aux approches Modernes dont ils fournissent une analyse critique détaillée. De la même façon, cette orientation se retrouve dans un certain nombre de travaux en CSE22, que ce soit par le bais d’une critique directe de la pensée Moderne (Birkin & Polesie, 2012; Birkin, 1996, 2010; Dillard, 2009; Everett, 2004; Gray, 2010; Lehman, 1999; Wildavsky, 1994) ou par celle formulée par l’éthique environnementale (Andrew, 2000; Atkins, Gräbsch, & Jones, 2014; Gray, 1992; Hines, 1991; M. J. Jones & Solomon, 2013; Maunders & Burritt, 1991; Milne, 1996; Nandan & Lodhia, 2004; Samkin, Schneider, & Tappin, 2014). Cette approche permet en particulier de faire émerger un ensemble de conceptions-types possibles organisant les représentations collectives des relations Homme/Environnement.

Cette étude s’articule dès lors autour d’une perspective comptable, celle du bilan, du compte de résultat et des concepts associés ; d’une contrainte, celle de la prise en considération des entités environnementales pour « elles-mêmes » ; d’une orientation, celle de la soutenabilité de l’entreprise ; d’un cadrage théorique, celui de la structuration des rapports Homme/Environnement au travers d’une analyse critique de la pensée Moderne. Il est donc possible de reformuler la question de recherche de cette manière :

Selon chaque conception-type provenant de cette analyse de la Modernité, pourquoi et comment le bilan et le compte de résultat d’une entreprise, ainsi que les concepts sous-jacents à ces instruments de gestion et d’informations, peuvent être mobilisés pour informer sur une prise en considération d’entités environnementales pour « elles-mêmes », et ceci dans une finalité de soutenabilité de notre système socio-économique ?

La signification précise des expressions « soutenabilité », « entités pour elles-mêmes » voire de « bilan, compte de résultat et les concepts associés » étant directement dépendante des conceptions-types retenues.

22 Stefan Schaltegger et Roger Burritt résument ce positionnement en CSE de cette façon : « Historically, the first complex accounting systems evolved in the Renaissance period in the sixteenth century [période originelle de développement de la pensée Moderne]. One of the most extreme criticisms [du point de vue des auteurs] directed at accounting points to the influence of this historical period. The belief that humans are distinct from nature and, indeed, able to manage nature in a rational manner is still reflected in contemporary accounting practice. Although not immediately evident, this belief has led to some weakness in conventional accounting. In particular, the fundamental outlook of conventional accounting, with its focus on the accounting rather than on the ecological entity, has been criticised […] The significance attached to events happening within an entity and the convention of ignoring events that take place outside an accounting entity lead to major problems when one tries to account for environmental damage » (Schaltegger & Burritt, 2000).

Dans ces conditions, ce premier chapitre vise donc à affiner cette perspective comptable, en la replaçant notamment dans les grandes problématiques et enjeux actuels de la CSE et en discutant les moyens qu’elle offre pour aborder à la fois des questions de soutenabilité et la prise en considération d’entités environnementales pour « elles-mêmes » ; tandis que le second chapitre précise le cadrage théorique retenu ici, en détaillant ses conséquences sur notre question de recherche.

B.

La Comptabilité Sociale et Environnementale (CSE)

1.

Les

Temps

Forts

de

la

Comptabilité

Sociale

et

Environnementale

a)

Les années 1960-1970

La CSE émerge véritablement à partir des années 1960-1970 (Antheaume & Teller, 2001; Gray, Adams, et al., 2014; Mathews, 1997b; Vàn, 2012), bien que des traces de certains types de reporting social aient existé précédemment23. Dans le contexte d’une croissance économique historique, le monde occidental est parcouru à cette période par une forte remise en cause des formes d’organisations socio-économiques existant jusqu’alors. Des revendications se réclamant d’une « plus grande liberté pour chacun et pour tous » (Castoriadis, 1996b)24, passant par des formes accrues d’auto-organisation et d’autogouvernement, voient ainsi le jour. Ces mouvements sociaux d’un type nouveau25, appelés ainsi Nouveaux Mouvements Sociaux (NMS) (Touraine, 1969 ; Neveu, 2011 ; Pignenet & Tartakowsky, 2014), s’opposent dès lors à la fois aux perspectives classiques de conquête du pouvoir pour changer la société et aux identités de classe, présentes par exemple dans les mouvements ouvriers (A. Touraine définit d’ailleurs les NMS comme des « mobilisations collectives ontologiquement distinctes du mouvement ouvrier » (Pignenet & Tartakowsky, 2014)) : il s’agit de valoriser l’autonomie individuelle et décentralisée (Neveu, 2011). Cette affirmation de l’individu-acteur, cherchant à s’auto-organiser, change

23 Gray et al. (2014), à partir de Guthrie, J. & Parker, L. D. (1989). Corporate social reporting: a rebuttal of legitimacy

theory. Accounting and Business Research, 9(76), 343-352, donne ainsi l’exemple de BHP (société australienne) qui assurait un « social disclosure » (Gray, Adams, et al., 2014) dès 1885.

24 Philosophe français d’origine grecque (1922 – 1997), il a notamment aussi été économiste à l’OCDE (1948-1970),

directeur d’études à l’EHESS (1980-1997) et psychanalyste (1973-1997). Cofondateur du groupe « Socialisme ou Barbarie » (1949 – 1967) et du « Quatrième Groupe » (ou Organisation psychanalytique de langue française), il relia philosophie, anthropologie, économie, histoire, psychanalyse et politique, pour établir un projet d’autonomie, radicalement opposé aux propositions capitalistes et communistes (C. Castoriadis fut initialement membre du Parti communiste international). Il est considéré comme un des penseurs proches de l’écologie politique (Latouche, 2014).

substantiellement le contenu des demandes sociétales : dans une perspective post-matérialiste (Inglehart, 1977), la notion de qualité de vie devient centrale, au détriment de revendications matérielles plus « classiques » concernant par exemple la redistribution des richesses. Les principaux NMS se centrent notamment sur le féminisme (non lié au travail des femmes) (D’Eaubonne, 1978), les mobilisations homosexuelles et l’écologie (Pignenet & Tartakowsky, 2014). L’écologie n’est ici pas à comprendre

« in terms of concern for the increasing depletion of resources and environmental pollution, but, on the contrary, in terms of a change in cultural values towards “quality of life” issues (for instance, having more beautiful cities and countrysides), away from material consumption and away from economic distributional conflicts » (Martínez-Alier, 1995).

La montée d’un certain environnementalisme à la fin des années 1960 n’est en effet pas tant une nouveauté en ce qui concerne une préoccupation pour l’environnement mais plutôt relative à une politisation et une démocratisation de la question environnementale (Frioux & Lemire, 2012) : les acteurs s’emparent des problématiques environnementales à un niveau décentralisé, individuel, en écho avec des demandes plus qualitatives que quantitatives concernant leurs conditions de vie (il ne s’agit plus par exemple de trouver des compromis salariaux quantifiables, en termes de salaires, d’heures de travail, de congés, etc. mais d’exiger la fermeture d’une centrale nucléaire et ceci de manière non-négociable (Neveu, 2011)).

C’est dans ce contexte que sont interrogés, durant les années 1970, les rapports « institutionnalisés » entre économie, société et environnement, à commencer par la croissance économique elle-même interrogée. En 1970 est ainsi publié le rapport « Halte à la croissance ? » (Meadows & Meadows, 1972), qui constitue la première étude mettant en lumière les dangers environnementaux que cette croissance peut occasionner : alors que celle-ci était vue jusqu’alors comme une source « institutionnalisée » de progrès pour la société, que ce soit du côté des capitalistes et des marxistes, les années 1970 rendent possibles un questionnement radical de ses conséquences. De la même manière se développent à partir de la fin des années 1960 des courants économiques dénommés, plus tard (Ropke, 2005), « écologiques » (Georgescu-Roegen, 1971 ; Daly, 1974), qui connectent économie et qualité environnementale. Il n’est donc pas surprenant que l’entreprise et la comptabilité privée en particulier aient été aussi le théâtre de telles interrogations. Ainsi, dans son article de 1970, S. C. Mobley affirme que

« as standard of living has increased it may be desirable for individual firms to allow and encourage certain economic inefficiencies so that pressing social and psychological needs may be met. That is, in the future, the economic problem may not be the only problem for which society will hold business responsible.

Lloyd Amey26 has posited that accounting measurements might well be based on community interests as well as individual firm interests and he considers a means of developing accounting measurements of economic efficiency from the total community point of view at the firm level » (Mobley, 1970).

Dans l’esprit de la fin des années 1960 et des années 1970, du fait d’un changement des conditions de vie et de demandes à la fois sociales et psychologiques – ce qui souligne la prégnance de la notion de qualité de vie –, la comptabilité privée est vue comme devant intégrer des éléments situés en dehors des cadres économiques institutionnalisés habituels. Dans ces conditions, ces éléments sous-optimaux d’un point de vue économique « traditionnel » sont appelés à le devenir selon une perspective plus collective. La CSE naît donc de ce besoin de remettre en cause certaines règles tenues pour acquises quant à la bonne marche de l’économie et des entreprises.

Jusqu’à la fin des années 1970, cette première phase de la CSE possède trois caractéristiques particulières (Mathews, 1997b; Owen, 2008; Vàn, 2012). Tout d’abord, elle se concentre sur le volet social plutôt qu’environnemental. Un des exemples les plus typiques et aboutis d’une comptabilité sociale est donné par le bilan social français (Chevalier, 1976; J. Gautier, 1999), défini par les articles L. 2323-68 à L. 2323-77 et R. 2323-17 du code du travail et créé par la loi 77-769 du 12 juillet 1977. Celui-ci se présente sous la forme d’un rapport généralement indépendant du rapport financier et concerne les entreprises d’au moins 300 employés. Comme l’expliquent B. Christophe et J. Bebbington (1992), il offre la possibilité de fournir des évaluations quantifiées de la qualité des relations sociales à l’intérieur d’une entreprise. Plusieurs batteries d’indicateurs sont ainsi réparties sur sept domaines : emploi, rémunérations et charges accessoires, santé et sécurité au travail, autres conditions de travail – telles que les conditions physiques de travail par exemple –, formation, relations professionnelles, autres conditions de vie relevant de l’entreprise – telles que les contributions au financement du comité d’entreprise et des comités d’établissement. Même si la portée de ce type de bilan a connu un certain nombre de limitations (J. Gautier, 1999), comme la réticence de son application par le patronat (Antheaume & Teller, 2001), ce type de CSE reste historiquement un exemple important des possibilités offertes par l’extension de la comptabilité à des questions extra-financières : le bilan social fut ainsi considéré à l’époque comme devant apporter « plus d’objectivité et de rationalité dans le débat entre les différents partenaires intéressés » (J. Gautier, 1999). La seconde caractéristique de la CSE des années 1970 est la prégnance d’expérimentations et de modèles normatifs (Gray, 2002; Mathews, 1997b). M. Mathews (1997b) et N. Antheaume et Teller (2001) dressent des listes détaillées de ces propositions. On peut voir dans cet état de fait un parallèle avec

l’esprit de cette période, décrit ci-dessus, où les expérimentations sociales servaient de base à une réflexion sur un éventuel « rajeunissement des institutions » (Latour, 2012). Ces modèles provenaient non seulement de l’entreprise elle-même mais aussi du milieu académique. Ainsi d’un côté, on peut citer le cas de Clark C. Abt, une entreprise de conseil en gestion, qui à partir de 1972 produisit des bilans et des comptes de pertes et profits intégrant des comptes financiers et sociaux (Estes, 1976) – la valeur des actifs sociaux étant basée sur des valeurs actualisées27 ; d’un autre côté, A. Ullmann (1976) propose par exemple un modèle théorique, appelé CEAS (Corporate Environmental Accounting System), reposant sur un bilan en unités non-monétaires de certains impacts environnementaux. Dans ces deux exemples se dessine aussi le dernier marqueur de la première phase de la CSE, à savoir une interrogation sur la métrique à adopter dans un contexte extra-financier (Gray, 2002; Mathews, 1997b). En effet, dès le début des années 1970, des modèles comptables extra-financiers en unités non-monétaires émergent, parallèlement à d’autres propositions conservant le cadre monétaire classique. J. Richard (2012a) situe ainsi un des points de départ de la CSE dans le système comptable des éco-points développé par R. Müller-Wenck dès 197228 et faisant appel à des unités non-monétaires (Christophe, 1995). Deux autres types importants de CSE en unités non-monétaires apparaissent, sous des formes rudimentaires, dès la fin des années 1960 : l’analyse environnementale « Input-Output » (Ayres & Kneese, 1969) et l’Analyse de Cycle de Vie ou écobilan (Christophe, 1995; Ciambrone, 1997). Par ailleurs, la même année que les éco-points fut proposé dans (Linowes, 1972)29 un modèle dénommé SEOS (Socio Economic Operating Statement) modifiant la comptabilité en coût historique pour y intégrer des éléments sociétaux en termes financiers. On peut remarquer qu’entre les états financiers modifiés de Clark C. Abt, incorporant des valeurs actualisées, le SEOS de D. Linowes, en coût historique, les éco-points de R. Müller-Wenck, l’analyse « Input-Output » et l’écobilan, se trouvent déjà en substance les grandes options d’évaluations des CSE des décennies à venir.

b)

Les années 1980-1990

Les années 1980 sont en comparaison moins innovantes (Gray, Adams, et al., 2014; Mathews, 1997b) et « not least because the global political climate also seemed less accommodating » (Gray, Adams, et al., 2014). L’intérêt même pour la recherche en CSE a tendance à chuter (Antheaume & Teller, 2001). Une caractéristique importante de cette décennie est le fait que, progressivement et conjointement au « Green Rush » (Mouhot & Mckay, 2012) –

27 Un exemple de ces comptes est donné dans les annexes A.1.1-a, b, c.

28 Dans un essai intitulé « Ökologische Buchhaltung, eine Einführung », publié à Saint-Gall (Suisse) en 1972. 29 D. Linowes est considéré comme un des « pères » de la CSE (Mobley, 1970), notamment par le biais de son article

expression qui traduit le passage des questions environnementales sur le devant de la scène durant les années 1980 –, les thématiques environnementales supplantent les aspects sociaux dans la CSE (Mathews, 1997b; Vàn, 2012). La fin des années 1980 annonce par contre un essor de la CSE30, du fait notamment de la mise à l’agenda international du Développement Durable (DD) (World Commission on Environment and Development, 1987), qui envoya des « ripples through all branches of business [… and] were felt in accounting […] in practice […], in the professional bodies […] and in academe […] » (Gray & Laughlin, 2012) et plus concrètement, du fait du développement du rapport environnement (Ordre des Experts Comptables, 2008).

En fait plusieurs événements liés les uns aux autres sont porteurs d’un nouvel élan pour la CSE. En premier lieu, il faut citer la publication du rapport « Our Common Future » (appelé rapport « Brundtland ») de 1987, considéré comme le point de départ officiel du DD. Grâce à ce texte, la CSE a dû a minima se positionner par rapport à la question d’un développement socio- économique durable (Gray, Adams, et al., 2014; Gray, 1994). Deux ans après ce texte, fut rendu public le manifeste « Blueprint for a Green Economy » (Pearce et al., 1989), plus connu sous le nom de « Rapport Pearce »31, salué à l'époque comme un événement politique de première importance32 et perçu comme une autre des grandes avancées du DD. M. Mathews (1997b) explique à son sujet que « it was the response to this work by (Gray, 1990)33 which could be said to be the start of the latest developments in the environmental accounting [des années 1990] », soulignant ainsi son importance pour la CSE. Ce manifeste comportait notamment deux idées-clés – qui constituent aussi des notions centrales pour cette thèse : la Valeur Economique Totale (VET) et l’approche du DD par le capital (Ruta & Hamilton, 2007). La VET correspond à une typologie précise des différents types de valeurs économiques (néoclassiques) du capital naturel, incluant notamment les valeurs non révélées par le marché (non-market values). Le « rapport Pearce » mettait ainsi en lumière la nécessité pour un développement durable d’étendre la valorisation des ressources naturelles à un ensemble de « nouvelles » valeurs (la plupart étant apparues dans les années 1960-1970, comme la valeur d’existence (Krutilla, 1967) – sujet central du chapitre 3 de

30 Comme le relate, R. Gray, un des principaux auteurs en CSE actuels, « for me, something […] happened in 1990. Up until that time I had always felt defensive – having to justify what I did, why I did it and to defend it […]. Suddenly, from being somebody who was tolerated (at best) I was someone sought out and lionised […] » (Gray, 2008). 31 Du nom de l’économiste David Pearce, qui fut l’un des pionniers de l’économie environnementale néoclassique. 32 En 2005, suite au décès de David Pearce, le journal Britannique « The Guardian » a ainsi écrit que « with two

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