1.1 Le syndrome de Lennox-‐Gastaut
Le Syndrome de Lennox-‐Gastaut (SLG) appartient au groupe des encéphalopathies épileptiques sévères de l’enfant. Sa physiopathologie est inconnue mais il est généralement admis que ce syndrome résulte d’une corrélation complexe d’attaques et de lésions corticales diffuses ou multifocales se produisant durant le développement du cerveau [113, 114]. Il représente 5 à 10% des patients épileptiques et 1 à 3% de toutes les épilepsies infantiles. Plusieurs centaines de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. L’apparition de la maladie a lieu entre 1 et 8 ans avec un pic se situant entre 3 et 5 ans ; elle affecte plus les garçons que les filles [115].
Le SLG est rarement diagnostiqué chez les adolescents et adultes car les patients perdent les caractéristiques typiques de la maladie au fil du temps [113]. La rémission des crises d’épilepsie est rare mais leur fréquence se réduit entre l'âge de 15 et 20 ans avec un pronostic plus positif dans les formes cryptogéniques et dans les formes rapidement sensibles au traitement. L’évolution à l’âge adulte est également caractérisée par la régression des fonctions cognitives et l’apparition de signes frontaux voire psychotiques [114, 115].
Le SLG fait partie des épilepsies généralisées symptomatiques ou cryptogéniques, caractérisée par la triade des symptômes suivants [113, 114] :
- différentes crises épileptiques : absences atypiques, crises toniques et chutes subites atoniques ou myocloniques ;
- un tracé particulier de l’EEG avec des pointes d’onde lentes, diffuses et intercritiques ; - un ralentissement du développement mental avec troubles de la personnalité.
Le diagnostic peut être difficile à établir car il n’existe aucun marqueur biologique spécifique de la maladie et ses formes cliniques sont très hétérogènes. Le SLG est cependant tributaire des caractéristiques cliniques et électroencéphalographiques énoncées ci-‐dessus. Les crises d’épilepsie avec chute sont très courantes chez les patients atteints de SLG et sont aussi les plus graves en raison de la fréquence élevée des blessures liées aux chutes. Le traitement est difficile à mettre en place car le SLG est généralement réfractaire à la thérapie conventionnelle.
Les objectifs thérapeutiques réalistes pour les patients atteints du SLG sont de [114, 116] : - minimiser le nombre de crises avec chutes,
- minimiser le nombre de crises diurnes, ce qui permettrait à l’enfant de fréquenter l’école quasi normalement,
- prévenir et/ou traiter rapidement les crises convulsives prolongées, - prévenir et/ou rapidement traiter les épisodes non convulsifs d’EME.
Certains antiépileptiques (felbamate, lamotrigine, topiramate, lévétiracetam et certaines BZD) permettent de contrôler efficacement les crises associées au SLG mais il n’est pas toujours évident d’arriver à cet objectif à cause de la complexité et de la diversité des crises. Le but du traitement est d’obtenir un contrôle des crises satisfaisant en monothérapie, cependant la plupart des patients ont besoin de deux voire trois traitements concomitants [117]. Malgré le manque d’essais cliniques randomisés, la thérapie de première intention recommandée est le valproate de sodium, un antiépileptique de seconde ligne est ajouté si le SLG n’est pas suffisamment contrôlé. Si l’objectif thérapeutique n’est pas atteint après la mise en place d’un deuxième traitement, une intervention non pharmacologique est recommandée. Deux options sont alors considérées, la mise en place d’un régime cétogène (à très basse teneur en glucides) et la technique de stimulation du nerf vague [113-‐116].
L’épilepsie impose un fardeau économique et social très lourd au malade ainsi qu’à son entourage. Le SLG est considéré comme une épilepsie catastrophique non seulement car il est difficile à contrôler avec les médicaments antiépileptiques disponibles mais également en raison du risque élevé de blessures causées par les chutes liées aux crises et de la déficience intellectuelle, ces problèmes conduisant tous à des effets psychosociaux importants [118]. Ce syndrome a un effet majeur sur la qualité de vie liée à la santé, les enfants en souffrant sont plus anxieux, ont un comportement social étrange, une mobilité physique réduite et sont dépendants de leurs parents et du personnel soignant. L’évaluation du coût de cette pathologie en France ou dans le monde n’est pas évidente mais l’impact financier de cette maladie peut devenir dévastateur dans une famille, car l’un des deux parents peut avoir besoin d’abandonner son travail pour s’occuper de l’enfant [113, 118].
Le SLG est un des syndromes épileptiques de l’enfant les plus graves, réfractaire au traitement et fréquemment associés à un retard mental. Le taux de mortalité est d'environ 5%, rarement dû à l'épilepsie elle-‐même mais plutôt à l’EME que les crises peuvent engendrer [113, 117].
1.2 Justifications de l’étude
En Octobre 2011, la filiale américaine de H. Lundbeck A/S, a reçu de la part de la Food
and Drug Administration (FDA) l’autorisation de mise sur le marché du clobazam (CLB) en
tant que traitement adjuvant des épilepsies associées au SLG chez les enfants âgés de deux ans ou plus [113]. Durant la négociation du prix et du remboursement, les instances américaines ont exprimé le besoin d’obtenir des données supplémentaires documentant l’utilisation et les effets de CLB en situation réelle d’utilisation. A l’opposé des Etats-‐Unis, l’utilisation de CLB est bien établie en Europe à la fois chez les patients atteints d’épilepsie, y compris associé au SLG, et chez les patients souffrant de troubles anxieux.
Pour tirer profit de cette longue expérience européenne, H. Lundbeck A/S a alors proposé de réaliser une étude pharmaco-‐épidémiologique en Europe pour recueillir des données concrètes concernant les caractéristiques des patients traités, les conditions d’utilisation et l’efficacité en vraie vie du CLB.
Le clonazépam (CLN), qui est une autre BZD très utilisée en Europe, a été approuvé aux Etats-‐Unis dans le traitement de l’épilepsie depuis la fin des années 1990. Comme le CLN est communément utilisé dans des indications similaires, à la fois dans l’épilepsie et l’anxiété, la comparaison entre CLN et CLB semble pertinente et il a donc été décidé d’inclure le CLN comme comparateur dans l’étude.
La Clinical Practice Research Datalink (CPRD) [auparavant dénommée General
Practitioner Research Database (GPRD)] a été choisie pour réaliser cette étude car c’est une
des plus grandes bases de données mondiales de données médicales anonymes et recueillies électroniquement par les médecins généralistes du Royaume-‐Uni. La base de données contient des données cliniques ainsi que des données sur les prescriptions médicamenteuses faites par les médecins généralistes. Elle peut fournir des informations utiles à l’élaboration des études de pharmacovigilance (indication, utilisation et balance bénéfice/risque du médicament) et de pharmaco-‐épidémiologie impliquant des informations sociodémographiques et cliniques concernant le patient mais aussi sur les traitements (médicaments, dispositifs médicaux et vaccins) et leur efficacité.
La CPRD peut fournir des données profitables à la recherche clinique et universitaire et plus de 400 articles publiés dans des revues approuvées par des pairs ont utilisé les données issues de cette base [119].