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Introduction historique aux approches phénoménologiques de modélisation du

2.2. Approche phénoménologique de Sablik–Jiles–Atherton de modélisation du comportement

2.2.1. Introduction historique aux approches phénoménologiques de modélisation du

2.2.1.1. Le paramagnétisme de Langevin

Dans l’approche classique continue du paramagnétisme (appelée couramment paramagnétisme de Langevin [Langevin_1905]), le milieu paramagnétique est décrit par une assemblée de N moments magnétiques atomiques 𝐦, tous de même norme m mais d’orientation continûment variable. On suppose que ces moments sont indépendants de la structure cristallographique et suffisamment éloignés les uns des autres pour ne pas subir d’interactions mutuelles. Dans ce cadre, seule l’énergie potentielle magnétique (de Zeeman) apportée au milieu par l’application d’une excitation magnétique extérieure 𝐇𝟎 (de norme H0) est considérée dans le bilan énergétique (2.1). En notant θ l’angle entre un moment élémentaire et le champ extérieur, l’énergie de Zeeman d’un moment 𝐦 indépendant s’écrit :

Wz(θ) = −μ0𝐦. 𝐇𝟎= −μ0mH0cos(θ). (2.12)

La minimisation de cette énergie force l’alignement du moment magnétique selon la direction de l’excitation extérieure (θ = 0). L’approche de Langevin repose sur un équilibre s’établissant entre l’énergie d’agitation thermique du milieu, qui tend à désorienter les moments atomiques, et l’énergie potentielle de Zeeman, qui tend à aligner les moments dans la direction imposée par le champ extérieur. La conséquence de cet équilibre est la génération d’une aimantation macroscopique dans la direction du champ extérieur 𝐇𝟎.

On suppose que les moments élémentaires sont répartis aléatoirement dans le milieu avec des états d’énergie continus. Dans ce cadre, la fraction volumique fθ de moments magnétiques à l’état d’énergie

Wz(θ), orientés d’un angle θ par rapport au champ extérieur 𝐇𝟎, peut être définie par la loi statistique

(continue) de Boltzmann, faisant intervenir la constante de Boltzmann kB et la température T du milieu. En coordonnées sphériques et en supposant que 𝐇𝟎 est selon l’axe 𝐞𝐳, la fraction volumique fθ peut ainsi s’écrire par invariance selon ϕ ∈ [0, 2π] comme :

fθ = exp(− Wz(θ) k⁄ BT) ∫ exp(− W0π z(θ) k⁄ BT) sin(θ) dθ

. (2.13)

Par définition, les fractions volumiques vérifient : ∫ f0π θdθ= 1. L’aimantation macroscopique M

résultante étant supposée alignée avec l’excitation extérieure 𝐇𝟎, la contribution de chaque moment élémentaire à l’aimantation du milieu est donc de mcos(θ), et on obtient l’aimantation macroscopique d’un milieu composé de N moments par une moyenne continue sur toutes les orientations θ possibles :

M = N〈m cos(θ)〉 = N ∫ m cos(θ) fπ θsin(θ) dθ

0

. (2.14)

On définit naturellement l’aimantation à saturation par MS= Nm (tous les moments sont alignés dans

la direction de l’excitation extérieure) et la résolution élémentaire (double intégration par parties) de cette intégrale fait directement intervenir la fonction de Langevin ℒ selon la relation :

M = MSℒ (H0 a ) = MS[coth ( H0 a ) − a H0] , avec : a = NkBT μ0MS. (2.15)

Cette relation simple offre une représentation fidèle du comportement paramagnétique des milieux. Pour une excitation magnétique extérieure constante (non nulle), les variations de la fonction de Langevin indiquent que lorsque la température tend vers zéro, l’aimantation tend vers sa valeur à saturation MS (les moments magnétiques microscopiques sont ‘gelés’ dans la direction du champ magnétique extérieur), tandis que lorsque la température tend vers l’infini, l’aimantation s’annule : l’agitation thermique prédomine sur l’équilibre magnétique et les moments magnétiques microscopiques se désordonnent de façon aléatoire dans le milieu. De plus, en supposant la température constante, le développement limité autour de zéro de la fonction de Langevin ℒ(x) = x 3⁄ + 𝒪(x2) permet d’écrire

la relation constitutive à faibles champs des matériaux paramagnétiques :

M = χH0, avec ∶ χ =MS 3a =

μ0MS2

3NkBT.

(2.16)

On retrouve la loi de Curie [Curie] avec la susceptibilité d’un matériau paramagnétique qui dépend linéairement de l’inverse de la température. Cette loi de comportement paramagnétique est validée par l’expérience pour une très large gamme de matériaux et donne également un bon point de départ pour l’analyse phénoménologique du comportement magnéto-élastique des milieux ferromagnétiques. Remarque relative au paramagnétisme de Brillouin

L’approche classique continue définissant la fonction de Langevin est une simplification importante des phénomènes magnétiques élémentaires. En effet, l’orientation des moments atomiques ne varie pas de façon continue dans un milieu magnétique mais prend des valeurs discrètes qui doivent être analysées par la mécanique quantique (interaction spin-spin). L’intégrale (2.14) sur les orientations des moments magnétique du modèle continu de Langevin est alors remplacée par une somme discrète, on parle de paramagnétisme de Brillouin [Brillouin_1927] :

M = MSBJ(gμ0μbJH0 kBT ) , avec : BJ(x) = 2J + 1 2J coth ( 2J + 1 2J x) − 1 2Jcoth ( x 2J). (2.17) Dans cette relation, BJ représente la fonction de Brillouin, g le facteur de Landé, μB le magnéton de

Bohr, J le moment cinétique électronique (somme du moment orbital et du moment de spin). Naturellement, les approches continue et discrète convergent lorsque le moment cinétique J tend vers l’infini (limite classique). On parle également de paramagnétisme de Pauli dans le cas particulier des métaux non-magnétiques. Seule l’approche continue de Langevin est considérée dans cette étude.

2.2.1.2. La théorie du champ moléculaire de Weiss

L’existence d’une aimantation spontanée dans un matériau ferromagnétique en l’absence d’excitation magnétique extérieure résulte du fait que la distribution de moments magnétiques atomiques n’a finalement rien d’aléatoire dans le milieu. Pour prendre en compte l’ordre de cette distribution, il est nécessaire d’introduire les interactions d’échange dans cette approche continue.

Décrites dans le paragraphe 2.1.1, les interactions d’échange ont tendance à former de petites régions uniformément aimantées au sein du matériau : ce sont les domaines magnétiques de Weiss (Chapitre 1).

L’existence de ces domaines a été postulée par Weiss en 1907 [Weiss_1907] afin de traduire les fortes interactions qui devaient exister entre les moments magnétiques atomiques pour produire la saturation de l’aimantation des matériaux ferromagnétiques à de faibles excitations. Weiss introduit alors un champ d’origine non-maxwellienne (ne respectant pas les équations de Maxwell) appelé le champ moléculaire, et explique l’apparition d’une aimantation rémanente et les variations caractéristiques de la susceptibilité magnétique des milieux ferromagnétiques en fonction de la température, étudiées à l’époque par Curie

[Curie]. La théorie des domaines magnétiques a été validée en 1919 par les travaux de Barkhausen

[Barkhausen_1919] faisant un lien entre les sauts irréversibles (bruit de Barkhausen) présents lors d’un processus d’aimantation et l’existence de domaines magnétiques. Finalement, les observations expérimentales par microscopie à effet Kerr ont définitivement confirmées l’existence des domaines magnétiques et il faut attendre les travaux d’Heisenberg [Heisenberg_1931] en 1931 décrivant un matériau magnétique selon des énergies d’interactions d’échange et l’avènement des approches micromagnétiques pour finalement démontrer la théorie de Weiss sur le champ moléculaire.

La théorie de Weiss est basée sur le principe qu’un moment magnétique atomique indépendant est soumis localement, à l’échelle microscopique, à un champ magnétique qui est la somme du champ appliqué H0 et d’un champ moléculaire Hw, qui représente l’interaction d’échange globale des autres moments magnétiques du milieu. Probablement inspiré par les modèles diélectriques de Lorentz

[Herpin_1971], Weiss fait l’hypothèse que ce champ moléculaire est proportionnel à l’aimantation

macroscopique M du milieu selon la relation :

H = H0+ Hw = H0+ αwM. (2.18)

Dans l’équation précédente, αw est un paramètre sans dimension indépendant de la température qui caractérise les interactions d’échange entre les moments atomiques élémentaires du milieu. L’énergie des moments magnétiques atomiques s’écrit alors : Wz(θ) = −μ0m{H0+ αwM} cos(θ), et Weiss

détermine la valeur moyenne de la projection du moment magnétique d’un atome en direction du champ appliqué selon une statistique de Boltzmann similaire au modèle de Langevin (2.13), ce qui définit la relation constitutive de Weiss-Langevin des milieux ferromagnétiques :

M = MSℒ (

H0+ αwM

a ). (2.19)

La résolution de cette équation implicite (M étant en argument de la fonction de Langevin) permet d’obtenir la loi de comportement M(H0) macroscopique d’un milieu ferromagnétique. Cette théorie intuitive a eu un impact important sur la communauté scientifique du magnétisme à l’époque. Elle permet par exemple de dériver la loi de Curie-Weiss décrivant les variations de la susceptibilité ferromagnétique à faible champ en fonction de la température (Chapitre 1) :

M = χH0, avec ∶ χ = C

T − TC . (2.20)

Dans l’équation précédente, C désigne la constante de Curie et TC la température de Curie, définis par : C =μ0MSm

Le comportement asymptotique de la susceptibilité ferromagnétique, avec un point critique correspondant à la température de Curie de transition de phase ferromagnétique-paramagnétique est en bon accord avec l’expérience [Aharoni_2001]. Par ailleurs l’approche simplifiée en champ fictif de la théorie de Weiss rend plus intuitives les interactions d’échange, ce qui a permis à l’époque la découverte des comportements ferrimagnétique, antiferromagnétique, hélimagnétique. Pour cela, le champ moléculaire est adapté aux différents comportements par l’introduction par Néel du champ moléculaire local [Herpin_1971]. Cette approche en champ fictif est reprise dans le modèle phénoménologique de Sablik-Jiles-Atherton de comportement magnéto-élastique anhystérétique des milieux.

2.2.2. Principe du modèle SJA du comportement magnéto-élastique