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4.1. Présentation du logiciel CIVA pour la simulation de CND par EMAT

4.1.3. Hypothèse de couplage magnéto-élastique faible

Ces deux modules de simulation du logiciel CIVA doivent naturellement être couplés pour simuler une configuration d’inspection ultrasonore par EMAT. Des phénomènes dynamiques de couplage électro- magnéto-élastique de deux natures différentes interviennent lors d’un contrôle par EMAT en milieux ferromagnétiques : les couplages électro-mécanique et magnéto-élastique.

Les phénomènes de couplage électro-mécanique interviennent dans tous les milieux conducteurs. En notant σ la conductivité électrique du milieu, la présence d’un champ électrique 𝐄 induit des courants électriques 𝐉 = σ𝐄 à l’origine de la création des forces de Lorentz 𝐟𝐋= 𝐉 × 𝐁. Ces forces correspondent

aux sources volumiques à l’origine du déplacement ultrasonore 𝐮 induit dans le milieu inspecté selon l’équation d’équilibre élastique dans le milieu Ω et la condition limite élastique d’une surface 𝜕Ω libre :

(Ω) ∶ 𝛁. 𝛔(𝐮) + 𝐟𝐋= ρ L ∂2𝐮 ∂t2, (∂Ω) ∶ 𝛔(𝐮) . 𝐧 = 𝟎. (4.1) (4.2) Dans ce sens, on parle de couplage direct entre le champ électrique 𝐄 rayonné dans le milieu et le déplacement élastique 𝐮 induit par les sources de Lorentz. Cet effet est exploité dans les mécanismes de

génération ultrasonore par EMAT. L’effet réciproque du couplage électro-mécanique des milieux conducteurs est exploité dans les mécanismes de réception par un EMAT d’une onde ultrasonore. En effet, la densité de courant électrique 𝐉 est reliée au champ 𝐄 et au déplacement 𝐮 du milieu selon :

𝐉 = σ (𝐄 +∂𝐮

∂t× 𝐁). (4.3)

Ainsi, la variation de courant électrique σ ∂t𝐮 × 𝐁 induite par le passage d’une onde ultrasonore à la surface du milieu inspecté peut être mesurée par induction dans la bobine réceptrice de l’EMAT en présence d’un champ d’induction magnétique, par exemple le champ magnétique statique délivré par l’aimant permanent de l’EMAT. La mesure de différentes polarisations d’ondes ultrasonores est ainsi rendue possible selon une configuration adaptée de polarisations magnétiques du ou des aimants permanents en phase de mesure. Selon l’équation de Maxwell-Ampère et en prenant en compte les conditions limites élastiques et électromagnétiques à la surface du milieu inspecté, le couplage électro- mécanique s’écrit dans le milieu Ω selon les équations couplées suivantes :

𝛁. 𝛔(𝐮) + 𝐟𝐋= ρ L ∂2𝐮 ∂t2, 𝛁 × 𝐇 = σ (𝐄 +∂𝐮 ∂t× 𝐁). (4.4) (4.5) Lorsque le milieu inspecté n’est pas seulement conducteur mais présente également des propriétés ferromagnétiques, des phénomènes supplémentaires de couplage magnéto-mécaniques sont induits lors de la génération et réception d’ondes ultrasonores par un traducteur EMAT. En effet, la présence d’un champ d’aimantation 𝐌 génère également des sources de transduction élastique s’ajoutant aux forces de Lorentz régies par les propriétés électriques du milieu. D’après les résultats théoriques de la section 3.1 du Chapitre 3, les interactions des champs électromagnétiques en milieux magnétiques induisent des sources électromagnétiques volumiques 𝐟𝐞𝐦 et surfaciques 𝐭𝐞𝐦 intervenant dans l’équilibre élastique :

(Ω) ∶ 𝛁. 𝛔(𝐮) + 𝐟𝐞𝐦= ρ L ∂2𝐮 ∂t2, (∂Ω) ∶ 𝛔(𝐮) . 𝐧 = 𝐭𝐞𝐦. (4.6) (4.7) De plus, comme décrit dans la section 3.2 du Chapitre 3, des déformations de magnétostriction peuvent apparaître en milieux ferromagnétiques, ces effets magnétostrictifs résultant de phénomènes de couplage magnéto-élastique. Les équations de couplage magnéto-élastique, notamment décrites par Berlincourt et al. [Berlincourt-et-al_1964], définissent la dépendance du tenseur des contraintes mécaniques et du champ vectoriel d’aimantation 𝐌 (ou d’induction 𝐁) magnétique avec les variables d’état de champ d’excitation magnétique 𝐇 et de déformation élastique 𝛆(𝐮), relié au déplacement ultrasonore 𝐮, sous la forme linéarisée suivante, en notant 𝐞𝐦𝐬= ℂ ∶ 𝐝𝐦𝐬 (Chapitre 3) :

𝛔(𝐇, 𝐮) = ℂ ∶ 𝛆(𝐮) − 𝐞𝐦𝐬. 𝐇,

𝐁(𝐇, 𝐮) = 𝛍. 𝐇 + 𝐞𝐓 𝐦𝐬: 𝛆𝐞𝐥(𝐮).

(4.8) (4.9) Ce formalisme piézomagnétique est équivalent au modèle piézoélectrique décrit notamment par Royer et Dieulesaint [Royer-Dieulesaint_2000]. Les déformations de magnétostriction modifient ainsi le tenseur des contraintes du milieu ferromagnétique inspecté, ce qui génère des sources de magnétostriction [Ribichini_2011]. Ce mécanisme de transduction élastique est traduit sous la forme de

forces équivalentes de magnétostriction selon la relation : 𝐟𝐦𝐬= 𝛁. 𝛔𝐦𝐬(𝐇) = −𝛁. {ℂ ∶ 𝛆𝐦𝐬(𝐇)}. Ces

termes sources de magnétostriction peuvent directement être pris en compte dans l’équation d’équilibre élastique du milieu inspecté (sections 3.1 et 3.2 du Chapitre 3).

(Ω) ∶ 𝛁. 𝛔(𝐮) + 𝐟𝐞𝐦+ 𝐟𝐦𝐬= ρ L ∂2𝐮 ∂t2, (∂Ω) ∶ 𝛔(𝐮) . 𝐧 = 𝐭𝐞𝐦. (4.10) (4.11) Il existe également des modèles traduisant l’influence de l’aimantation et des effets magnétostrictifs sur les courants électriques induits dans le milieu ferromagnétique inspecté. Ces effets se manifestent notamment dans l’équation de Maxwell-Faraday selon la relation (4.12), avec 𝐁(𝐇, 𝐮) défini par (4.9) :

𝛁 × 𝐄 = −∂𝐁(𝐇, 𝐮)

∂t . (4.12)

Ces effets électromagnéto-élastiques, direct et réciproque, induits en milieux ferromagnétiques interviennent de façon simultanée et la résolution des équations couplées (4.8) et (4.9) correspond à un couplage fort. Garcia-Rodriguez et al. [Garcia-Rodriguez-et-al_2014, Garcia-Rodriguez-et-al_2016]

ont notamment étudié (par éléments finis) les mécanismes de génération et réception d’un traducteur EMAT en milieux conducteurs en mettant en œuvre un couplage électro-mécanique fort. Les auteurs mettent en lumière certains effets sur le champ ultrasonore rayonné et mesuré par EMAT issus de la prise en compte de l’influence du déplacement élastique sur les variables électromagnétiques. Ces effets de couplage fort restent relativement faibles comparés aux intensités de champs électromagnétiques induits pendant la phase de génération ultrasonore. En milieux ferromagnétiques, certains auteurs comme Jafari-Shapoorabadi et al. [Jafari-Shapoorabadi-et-al_2005] traitent également de l’influence du champ d’aimantation et des déformations de magnétostriction de ces milieux sur les mécanismes de réception d’une onde ultrasonore par EMAT, en ajoutant à la définition de la densité de courants électriques des termes qui témoignent de l’existence de ces deux phénomènes.

Dans la plupart des modèles de transduction EMAT de la littérature, l’hypothèse de couplage faible est utilisée. Pendant la phase de génération d’ultrasons par EMAT, cette hypothèse autorise à résoudre dans un premier temps les équations de Maxwell quasi-statiques du problème électromagnétique considéré, en l’absence d’onde élastique. Ensuite, les densités volumiques et surfaciques de sources électromagnétiques et magnétostrictives modélisées à partir des variables électromagnétiques ainsi calculées sont les termes sources de rayonnement ultrasonore dans l’équation d’équilibre élastique, sans que le déplacement élastique induit par ces sources n’interagisse avec les champs électromagnétiques d’excitation du milieu. Cette hypothèse est naturellement renforcée en milieux ferromagnétiques, pour lesquels la profondeur de pénétration des sources volumiques est généralement très inférieure à la longueur d’onde ultrasonore d’inspection. Dans ce sens, la zone de potentielle forte interaction entre les champs électromagnétiques et le déplacement élastique est fortement réduite. La différence entre les vitesses des ondes électromagnétiques et élastiques permet également de considérer que les phénomènes électromagnétiques s’équilibrent instantanément comparés aux phénomènes élastodynamiques ultrasonores mis en jeu dans une application de CND. De plus, les amplitudes ultrasonores induites sont généralement suffisamment faibles pour ne pas avoir d’influence notable sur les variables de champ magnétique. En revanche, les développements théoriques du Chapitre 2 permettent la prise en compte de l’influence des contraintes mécaniques statiques, appliquées ou résiduelles, sur les propriétés d’aimantation et de magnétostriction du milieu. Cette influence se répercute alors naturellement sur les sources de transduction élastique. Puisqu’elles sont statiques, ces contraintes ne participent pas à la

génération d’onde ultrasonore ; leur influence sur les sources électromagnétiques et magnétostrictives de rayonnement ultrasonore peut être quantifiée dans le modèle de transduction EMAT proposé dans cette étude, tout en conservant l’hypothèse d’un couplage faible.

L’hypothèse de couplage faible présente certains avantages majeurs en vue de l’implémentation d’un modèle de transduction EMAT dans le logiciel CIVA. En effet, elle permet notamment de réduire fortement le temps de calcul numérique du rayonnement ultrasonore d’un EMAT par l’intermédiaire de solutions semi-analytiques (voire totalement analytiques dans des cas de géométrie simplifiée à deux dimensions), tandis que les outils numériques qui traitent du couplage fort requièrent généralement l’usage de la méthode des éléments finis, coûteuse en temps de calcul. De plus, cette hypothèse est particulièrement adaptée au formalisme du logiciel CIVA, en ce qu’elle permet d’exploiter directement les variables électromagnétiques issues du module de simulation CIVA CF (découplé du comportement élastique du milieu) comme des données d’entrée du module CIVA US (découplé du comportement électromagnétique du milieu), sans que ces modules soient algorithmiquement (fortement) couplés. Cette simple passerelle entre les deux modules de simulation de CIVA est rendue possible grâce au modèle théorique de transformation des sources volumiques de transduction ultrasonore en contraintes surfaciques équivalentes (section 3.3 du Chapitre 3). Après définition des sources de rayonnement ultrasonore à partir des variables électromagnétiques obtenues par CIVA CF et en considérant une loi macroscopique de comportement magnéto-élastique, cette méthode permet d’adapter les sources volumiques induites par EMAT aux données d’entrée de CIVA US, à savoir des sources de contraintes au contact de la surface du milieu inspecté.

La section suivante illustre les prédictions obtenues dans CIVA des variations spatiales et temporelles des sources surfaciques équivalentes électromagnétiques et magnétostrictives, et du rayonnement d’ondes ultrasonores qu’elles induisent, à partir d’un traducteur EMAT de conception donnée et pour l’inspection de milieux ferromagnétiques aux propriétés magnéto-élastiques variées.

4.2. Simulation des sources et de leur rayonnement ultrasonore induits