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Fiche signalétique

4.1. Introduction générale

Marion Berranger

La Puisaye est une région naturelle de bas plateaux localisée au sud-ouest du département de l’Yonne, au nord-ouest de la Nièvre et à l’extrémité sud-ouest du département du Loiret (fi g. 27). Plus précisément elle se situe entre Joigny au nord, Auxerre à l’est et la vallée de la Loire au sud-ouest. Cette région se caractérise par une importante concentration d’amas de scories

anciennes reconnus depuis le XIXe s. et le début du XXe s., périodes durant lesquels ils ont été

intensément exploités. En eff et, plusieurs centaines de milliers de mètres cubes de scories de Puisaye ont été extraits et transportés en Lorraine, Belgique, Allemagne et Luxembourg afi n d’alimenter les hauts fourneaux. Pour l’ensemble du département de l’Yonne ce seraient près de 500 000 t. de scories qui auraient été extraites dans les seules années 1925-1929 (Goudard 1936). A. Bouthier (2002 p. 122) estime quant à lui à 1 million de tonnes la masse de scories présentes en Puisaye. Ce dernier souligne l’intense destruction dont on fait l’objet certains de ces amas, dont un grand nombre a totalement ou en grand partie disparu. Ont subsisté ceux trop éloignés des voies d’accès ou dont l’exploitation s’avérait trop peu rentable. L’exploitation des amas se poursuit encore actuellement dans une moindre mesure, notamment en tant que source de tout venant pour le remblaiement.

4.1.1. Bref état des lieux des travaux eff ectués en Puisaye avant l’actuel PCR

Les premiers travaux portant sur les amas de scories de Puisaye consistent en recensements

intervenus dès la première moitié du XIXe s., puis dans le courant du XXe s. : il s’agit alors

de dénombrement menés dans le cadre de leur réexploitation (bibliographie dans Piétak et al. 2012).

Dans les années 1980 et 1990 Alain Bouthier, historien des techniques, a été le premier à s’intéresser à la chronologie de ces amas et aux techniques sidérurgiques dont ils témoignent. Ses travaux sur la Puisaye s’inscrivent dans un cadre plus large englobant le nord-ouest du Nivernais et incluent également d’autres zones de production importantes : forêt des Bertranges, Vézelien notamment. En résultent plusieurs inventaires et synthèses fournissant un bilan des données chronologiques disponibles et une première approche typologique et archéométrique des déchets sidérurgiques (Bouthier 1982, Bouthier et al. 1987, Bouthier 1995).

Dans les années 1990, l’inventaire, le géoréférencement et la superfi cie des ferriers encore visibles ont été réalisés de manière plus systématique par Jean-Pierre Piétak dans le cadre d’une prospection inventaire. Ce programme est alors soutenu fi nancièrement par la DRAC/ SRA Bourgogne et scientifi quement par Marc Leroy, Cécile Le Carlier et Paul Merluzzo du Laboratoire Métallurgies et Cultures (LMC-IRAMAT-CNRS). Ces travaux menés sur plus de 10 ans au début des années 2000, ont permis le recensement d’environ 2300 amas et abouti à la publication d’un article de synthèse dans la Revue Archéologique de l’Est (Piétak et al. 2012). Ces données quantitatives confi rment l’importance de cet espace, que l’on peut classer parmi les plus grosses zones de production à l’échelle au moins nationale (Mangin 2004 fi g. 3). Nombre de ces amas de scories sont encore bien visibles, même s’ils sont le plus souvent au moins partiellement détruits (seuls 25% seraient encore intacts). Leur répartition privilégiée dans les forêts actuelles s’explique probablement par des conditions de conservation plus favorables. Ils se présentent en monticules de tailles variables, allant de 10 à 100 m de diamètre et des hauteurs comprises entre 1,50 m et 5 m. De très gros amas pouvant couvrir plusieurs

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Rapport d’activité 2019, PCR «La sidérurgie en Bourgogne-Franche-Comté avant le haut-fourneau. Organisation et circulation des productions»

Figure n°27. La Puisaye : délimitation de la zone d'étude, localisation des amas de déchets sidérurgiques connus en prospections (inventaire J.-.P. Piétak) et des sites étudiés.

Les éléments de datation disponibles se rapportent essentiellement à la période romaine. A. Bouthier (1995) recense ainsi une vingtaine de sites livrant des dépôts monétaires et de la

céramique dont les datations s’échelonnent entre les Ier s. et IVe s. ap. J.-C. et plus fréquemment

entre les IIe-IIIe s. Trois datations radiocarbone de charbons de bois issus de trois ferriers ont été

publiées plus récemment (Piétak et al. 2012, tabl. 1) et concernent également le Haut-Empire. Ces diff érents éléments de datation concernent néanmoins essentiellement de gros amas touchés par les exploitations récentes.

Les travaux menés par A. Bouthier dans les années 1980 et 1990 ont mis en évidence une certaine variété dans la typologie et la structure interne des scories, distingués en quatre types principaux (Bouthier et al. 1987, Bouthier 1995). Une première caractérisation pétrographique et chimique des scories issues des prospections menées plus récemment (Piétak et al. 2012) a mis en évidence plusieurs faciès minéralogiques bien distincts ainsi que des déchets romains

s’apparentant à des laitiers de haut fourneau (technologie postérieure au XVe s.). La teneur

élevée en manganèse a également été notée de manière récurrente et serait à rapprocher de spécifi cités héritées des minerais employés.

4.1.2. Objectifs actuels et méthodologies

Dans le cadre des travaux menés actuellement l’objectif est dans un premier temps de mieux appréhender la chronologie de ces amas ainsi que les technologies de réduction mises en œuvre. Pour ce faire il s’agit de collecter des charbons de bois à dater (par méthode radiocarbone) en lien avec des déchets sidérurgiques à caractériser.

Une double approche a été privilégiée. Nous travaillons d’une part à partir de « zones ateliers » au sein desquels les amas de scories sont étudiés de manière systématique. En 2017 et 2018 une première zone-atelier correspondant à un espace de 2 km sur 2 km a été étudiée. Elle est circonscrite au « Bois des Ferriers » et à sa périphérie sur la commune de Montholon (incluant Aillant-sur-Tholon et Villiers-sur-Tholon notamment). Trente entités archéologiques ont ainsi été enregistrées. En 2019 une nouvelle zone-atelier, située dans le sud de la Puisaye à Saint Fargeau « Bois de Bailly », a été étudiée. Trente-neuf nouveaux amas ont été considérés. Parallèlement, une caractérisation de sites choisis en fonction de la typologie des scories est eff ectuée à l’échelle de la Puisaye. En 2017 et 2018 ont été sélectionnés des sites livrant des gros blocs de scories piégées potentiellement protohistoriques. Nous souhaitions dans un premier temps nous assurer de la chronologie de ces sites et tester leur éventuelle ancienneté. Sept sites livrant de gros blocs de scories ont été prospectés. Cette approche a été poursuivie en 2019 de manière plus ponctuelle sur un site, à Treigny.

Lors des prospections, les amas font l’objet d’un enregistrement topographique sommaire. Les contours sont relevés au GPS et les longueurs et largeurs maximales sont mesurées au moyen d’un décamètre. La hauteur est relevée au moyen d’un altimètre de terrain en prenant le sol actuel comme référence. Les relevés au GPS permettent de calculer les surfaces grâce à un logiciel de SIG (QGIS). Les dimensions relevées sont destinées à calculer une approximation

de volume d’amas (et non de déchets). Pour ce faire nous avons utilisé le calcul1 proposé par

P.-M. Decombeix (Decombeix in Mangin 2004, p. 192-198) lors des prospections menées sur les amas de scories dans l’Aude. Bien qu’il s’agisse d’une approximation, l’utilisation de cette méthode permet une première comparaison des sites en prenant en compte les mêmes critères.

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Des acquisitions LIDAR ponctuelles par drone ont été eff ectuées sur certains de ces amas et permettront de préciser leurs volumes. Le traitement de ces données est encore en cours (cf infra

4.2.1.) et fait l’objet d’un mémoire de master de l’Université de Dijon par Margaux Herbrich

(co-encadrement P. Nouvel, M. Thivet, M. Berranger).

L’enregistrement des diff érentes familles de scories visibles en surface est également réalisé. Des scories représentatives sont sélectionnées pour analyses et pour prélèvements de charbons à des fi ns de datation. Des sondages peuvent être réalisés afi n d’étudier l’épaisseur des amas et eff ectuer des prélèvements en stratigraphie. A Montholon six amas ont subi des coupes ponctuelles, à Saint Fargeau un amas a fait l’objet d’un sondage.

Il faut souligner l’aide précieuse apportée par Jean-Pierre Piétak dans le cadre de ces deux approches. C’est grâce à son intervention qu’il est possible de sélectionner des sites en fonction de la typologie des scories. Il assure également au préalable un travail de préparation et de

repérage des sites permettant de mener avec une grande effi cacité les campagnes de terrain.

4.2. Montholon «  Le Bois des ferriers  »  : acquisitions LIDAR et datations