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Le paysage urbain a profondément évolué durant le XXe siècle : urbanisation de la population, augmentation de la taille des villes et de leurs aires d’influence, phénomène de périurbanisation et émergence du phénomène métropolitain, avec des pôles urbains intégrés dans de vastes espaces urbanisés. Ces évolutions résultent de la combinaison de plusieurs facteurs économiques, sociétaux et politiques : généralisation de l’automobile dans les déplacements quotidiens, augmentation du prix du foncier en centre-ville, désir d’accession à la propriété...

D’un point de vue académique, ces évolutions ont entrainé un regain d’intérêt pour l’analyse des formes urbaines. L’accent a souvent été mis sur les interactions du territoire avec les comportements de mobilité, clé de voute de la durabilité des villes. L’aménagement urbain est en effet totalement indissociable des problématiques de mobilité. Dans son ouvrage « Ville et mobilité : un couple infernal ? », Marc Wiel qualifie la ville comme étant « un triangle dont les extrémités sont constituées de « la morphologie urbaine, c’est-à-dire l’agencement urbain », « des interactions sociales qui se font toutes dans des lieux plus ou moins spécifiques » et « des flux de déplacements pour passer d’un de ces lieux à un autre » (Wiel, 2005, p. 16).

Les interactions entre la forme urbaine et la mobilité quotidienne sont au cœur des questionnements de ce travail. Ces liens peuvent être séparés selon leur temporalité, allant des adaptations sur le long terme aux effets immédiats sur les mobilités quotidiennes (Wegener, 2004) :

- Les changements très lents sur les réseaux et l’occupation des sols ; - Les changements lents sur les lieux d’emplois et de résidence ; - Les changements rapides sur les emplois et la population ;

- Les changements immédiats sur les déplacements des personnes et des biens.

L’ensemble de ces adaptations peut être représenté sous la forme d’un cycle afin de mettre en avant le caractère interdépendant de la ville et des mobilités. Cette représentation permet aussi de faire apparaitre plus clairement les relations de causalité entre transport et usage du sol (cf. Figure 1.1).

Figure 1.1 : La boucle de rétroaction du transport-urbanisme selon Wegener et Fürst (1999)

Source : Traitement auteur à partir de Wegener et Fürst (1999).

Parallèlement à ces dynamiques, la thématique de la vulnérabilité économique des ménages au prix de l’énergie s’est imposée lors de la forte montée des prix du carburant des années 2000. Néanmoins le budget carburant ne représente qu’une partie des dépenses de mobilité des ménages et peu de travaux portent sur la mesure de ces dépenses et la compréhension des facteurs qui jouent sur leur composition et leur niveau.

Les contraintes financières relatives au coût du système de déplacements urbains sont en effet multiples et croissantes. Les ménages sont tout d’abord concernés, du fait de l’évolution des prix et des comportements de mobilité : nous pouvons citer la généralisation des déplacements automobiles qui s’est imposée comme une nécessité dans une relation de dépendance (Dupuy, 1999), la mise en place de politiques de stationnement en ville contraignantes pour les automobilistes (CERTU, 2009) et la tendance à la hausse des prix du carburant. La prise en compte de l’ensemble des postes de dépenses de la mobilité quotidienne se place également dans la mutation de la vision du transport vers la mobilité, passant de l’étude des déplacements et des trafics à la compréhension des comportements et de l’offre pour aboutir à l’idée de services à la mobilité. Ensuite, les collectivités publiques doivent également faire face à des difficultés de financements des transports collectifs publics, du fait d’une stagnation

des subventions et du développement constant des réseaux et particulièrement des transports en commun en site propre comme les tramways (Faivre d’Arcier, 2012).

Ces considérations économiques ont par ailleurs pleinement trouvé leur place dans le cadre des réflexions du développement durable, et notamment son approche territoriale locale (Agendas 21 locaux de la Conférence des Nations Unies à Rio en 1992).

La thèse qui est proposée ici se positionne donc dans ce double questionnement des dépenses de mobilité quotidienne et de la forme urbaine et porte plus particulièrement sur l’évaluation du budget mobilité des ménages et de la compréhension de ses interactions avec l’environnement construit du lieu de résidence.

1.2 Structure du document

Le premier chapitre – Une littérature riche sur les liens entre forme urbaine et mobilité quotidienne – vise à présenter le cadrage théorique du travail de recherche. Après une introduction sur l’évolution de la ville, la notion de forme urbaine, omniprésente dans ce travail, sera définie. Ensuite, la littérature abondante sur les liens entre formes urbaines et mobilité quotidienne sera présentée, en abordant les différentes facettes de la mobilité et en terminant par son volet économique. Le deuxième chapitre – Étudier les relations entre budget mobilité et formes urbaines – constitue le cœur méthodologique du travail de thèse. La problématique et les hypothèses de recherche sont présentées, suivies de la démarche générale de recherche. Ensuite, le terrain d’étude est présenté, ainsi que les divers périmètres et découpages qui seront utilisés successivement en fonction de l’objectif de l’analyse conduite. Une partie d’explicitation de la méthodologie d’estimation des dépenses et des choix qui en sont à l’origine clôture cette partie.

Une fois ce travail réalisé, il sera possible de conduire les premières analyses sur les liens entre forme urbaine et mobilité quotidienne au travers l’étude du budget mobilité des ménages. Deux chapitres porteront sur les effets de la forme urbaine locale (chapitres 3 et 4), c’est-à-dire les caractéristiques locales du lieu de résidence des ménages, et un chapitre sur les effets de la forme urbaine globale (chapitre 5), c’est-à-dire l’organisation morphologique et fonctionnelle à l’échelle du bassin de vie. Le troisième chapitre – Une compréhension des effets de la forme urbaine locale sur le budget mobilité des ménages – vise à fournir les premiers éléments de cadrage des liens entre la forme urbaine locale du lieu de résidence et les comportements et dépenses de mobilité quotidienne. Il est

composé de trois parties : une analyse des dépenses à l’échelle de l’aire urbaine de Lyon suivant un découpage administratif concentrique, suivie d’une analyse temporelle des évolutions entre 1995 et 2015, pour aboutir à une analyse des diverses composantes de la mobilité jouant sur son coût (possession automobile, choix modal et distances parcourues en automobile) en fonction d’une typologie de territoires basée sur des indicateurs couramment utilisés dans la littérature.

Le quatrième chapitre – Mécanismes d’intervention des caractéristiques du lieu de résidence à l’aide des modèles d’équations structurelles – aborde plus finement les mécanismes par lesquels la forme urbaine locale vient modifier le budget mobilité des ménages, soit à travers les effets sur les comportements de mobilité, soit à travers des corrélations avec certaines politiques d’aménagement. Une différenciation sur différents sous-groupes de ménages est effectuée, afin de décrire plus finement les processus de choix des ménages.

Une fois analysés les liens entre mobilité quotidienne et formes urbaines locales, le cinquième chapitre – Une compréhension des effets de la forme urbaine globale sur le budget mobilité des ménages : usage d’un modèle transport-urbanisme – vise à explorer les impacts de la modification de la forme urbaine globale de l’aire urbaine lyonnaise à travers un modèle d’interaction transport-urbanisme.

Enfin, le sixième chapitre – Discussion générale, contributions, limites et prolongements du travail – vise à synthétiser l’ensemble des résultats de ce travail, afin de leur donner une cohérence forte dans leur ensemble. Les contributions, les limites et prolongements sont également présentés.

CHAPITRE 2

UNE LITTÉRATURE RICHE SUR LES LIENS ENTRE