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CHAPITRE 2 UNE LITTÉRATURE RICHE SUR LES LIENS ENTRE FORME URBAINE

2.3 Appréhender différemment les relations entre forme urbaine et mobilité

2.3.2 Impacts environnementaux et équité sociale

L’approche environnementale de la mobilité a fait l’objet de nombreuses études. En effet, la circulation urbaine représente 40 % des émissions de CO2 du secteur du transport, dont le total

représente 13,5 % de l’effet de serre généré par les activités humaines (Commission Européenne, 2007). En France, le transport est même le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre et de CO2

du fait de la production d’énergie à partir du nucléaire : en 2011, selon le rapport du Centre Interprofessionnel Technique d’Études de la Pollution Atmosphérique (2013), il représentait 36 % des émissions de CO2 (dont 95 % imputable aux transports routiers), devant le secteur de l’industrie

(24 %), du résidentiel/tertiaire (22 %) et de l’énergie (15 %). Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, les travaux permettant de faire le lien entre forme urbaine et émissions de CO2 se sont fortement développés. Ainsi en France, les émissions liées à la mobilité locale et

quotidienne concentrent plus de 70 % du total émis par personne, avec une forte hétérogénéité selon la localisation résidentielle (Nicolas et al., 2012b). Les liens entre lieu d’habitation et émissions de CO2

tous types de mobilité confondus ne font pas encore consensus, avec le controversé « effet barbecue » des ménages périurbains (Orfeuil & Soleyret, 2002).

Bien que concentrant la majorité des travaux, les émissions de CO2 ne sont pas les seuls impacts

environnementaux étudiés. Il faut ainsi citer la problématique de la pollution locale qui est devenue incontournable ces dernières années avec la montée de la motorisation diesel dans le parc français et de la publication d’études portant sur la dangerosité des émissions locales de polluants (Babisch, 2006 ; CADAS, 1999 ; OMS, 2011). La pollution de l’eau, les effets sur le milieu vivant et la consommation d’espace sont également observés du fait de ces conséquences au long terme (Joumard & Gudmundsson, 2010 ; OMS, 2004).

Ces calculs d’émissions et/ou de consommation s’effectuent soit en mesurant directement l’impact de la mobilité à l’aide de modèles ou de ratios fonction de la distance parcourue, ou bien en réalisant des analyses en cycle de vie qui prennent également en compte l’ensemble des impacts en amont et en aval de la mobilité proprement dite (François et al., 2017 ; Le Feon, 2014).

D’un autre côté, les enjeux sociaux de la mobilité sont principalement abordés sous l’angle de l’équité sociale et de la santé.

Tout d'abord se pose la question de l'accessibilité aux différents services et aménités de la ville (Vallée et al., 2015), car cette dernière est notamment fonction du revenu des ménages et de manière d'autant plus importante que la ville est peu dense (Stretton, 1996). Offrir d'autres alternatives à la voiture est primordial pour ne pas enclaver les quartiers les plus défavorisés, où l’accès à la voiture est limité. Une étude menée sur la région d’Ile-de-France (Wenglenski & Orfeuil, 2004) a montré que les habitants des Zones Urbaines Sensibles (ZUS), où le revenu des ménages est plus faible, ont une mobilité plus faible que la moyenne. Les travaux de Bouzouina et al. (2016) sur l’agglomération de Lyon ont également montré une mobilité plus faible des actifs résidant dans les ZUS, mais à l’inverse des distances et des temps de trajets domicile-travail plus élevés. Cela peut s’expliquer en grande partie par une faible motorisation dans des zones éloignées des centres-villes avec des transports collectifs parfois peu présents, ainsi qu’un mauvais appariement spatial des actifs et des emplois, aboutissant à un certain « enclavement des quartiers défavorisés ». Cet ensemble de facteurs peut être handicapant pour la recherche d’un emploi. Certaines recherches ont porté sur d’autres segments de population tels que les personnes âgées ou les familles monoparentales (Morency et al., 2011a). De manière plus générale, les travaux de Burton ont porté sur le lien entre la forme urbaine et l'équité sociale (Burton, 2000) et, sans se prononcer sur la forme urbaine optimale, ils montrent toute la complexité de la question. Cette équité sociale peut être mesurée de plusieurs manières, allant de la motorisation du ménage au nombre de déplacements effectués par jour, mais également par le montant des dépenses de mobilité et la part de ces dépenses dans le revenu par unité de consommation du ménage (Nicolas et al., 2012a). Ce dernier point sera développé par la suite (Partie 2.3.3.2).

Les questions de santé sont également de plus en plus présentes, avec d’une part la sécurité dans les transports et d’autre part la prise de conscience de la nécessité de faire suffisamment d’exercice physique au quotidien. La recherche d’un lien entre les caractéristiques du lieu de résidence et l’activité physique, le temps passé en automobile et l’obésité a ainsi fait l’objet de nombreuses recherches à partir des années 2000, en Amérique du Nord (Ewing et al., 2014 ; Frank et al., 2004) et en Europe (Dupuy et al., 2011). Les mesures de temps de parcours quotidien à pied ou à vélo ou bien de potentiel de marche constituent un enjeu important (Lefebvre-Ropars et al., 2017 ; Morency et al., 2011b).

Le dernier volet du développement durable à aborder concerne les aspects économiques, c’est-à-dire ce que la mobilité quotidienne apporte et ce qu’elle coûte.

Nous ne rentrerons pas en détail dans la question de ce qu’apporte la mobilité, en tant que moyen d’effectuer ses déplacements quotidiens et nécessité pour une intégration sociale des individus (Wiel, 2005). Les mêmes questions se posent sur l’apport de la ville, en termes de productivité et d’avantages pour les entreprises ou les individus. Cette question a été soulevée depuis longtemps afin de déterminer les facteurs qui optimisent la productivité des villes, en calculant une taille de ville idéale (Alonso, 1971 ; Prud’homme & Lee, 1999).

En revanche, dans ce travail de thèse, nous proposons de s’intéresser à ce que coûte la mobilité quotidienne. Ce champ constitue à l’heure actuelle une littérature stimulante, car moins complète que l’approche de la mobilité classique, et qui reste à développer du fait de ces enjeux et des questions qu’il soulève.