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6. Chapitre 5 : Étude des propriétés mécaniques du minerai de fer lorrain après

5.1 Introduction

Nous l'avons vu précédemment, l'oxydation ou la réduction bactérienne n'est possible que si les conditions sont réunies. Au sein des mines, c'est probablement le cas pour les bactéries ferri-réductrices et les bactéries sulfato-réductrices et, dans une moindre mesure, celles des bactéries nitrates-réductrices ou acidophiles modérées. Si les réactions d'oxydation et de réduction ont été établies sur le minerai en poudre, l'effet de ces réactions sur d'altération des propriétés mécaniques des minerais de fer doit être évaluée sur des formes physiques entières du matériau afin de pouvoir réaliser des expériences macro/micro mécaniques : éprouvettes cylindriques pour les essais de compression simple (instantanée ou fluage) et barrettes pour la micro-indentation. Les éprouvettes ont été utilisées dans les études précédentes du minerai de fer lorrain afin de déterminer les propriétés mécaniques de chacun des deux types de minerais (intact et vieilli) ainsi que la modélisation de leur comportement en tant que piliers de mine (Grgic, 2001). Dagalier et al. (2002) ont montré que l'altération du minerai natif est liée à l'exploitation des mines et notamment la conséquence de la ventilation des galeries (atmosphère minière oxydante). L'altération correspond à la perte du ciment inter-oolitique (de la sidérite majoritairement), alors remplacé par des silicates (berthiérine) et des oxydes de fer (hématite).

L'impact de cette altération a été étudié vis-à-vis de la stabilité des mines. Des études du comportement mécanique à court et long terme ont été mises en place à la fois sur les piliers vieillis et intacts ainsi que sur les marnes intercalaires présentes au niveau des toits des galeries (Grgic et al, 2003; 2005; 2006; 2013; 2014). Une étude a montré l'impact de la porosité inter-oolitique sur la cohésion du minerai de fer, notamment par l'impact de l'effet de succion - capacité du matériau à absorber l'eau (Grgic et al., 2005) - où il a été constaté que le matériau, saturé, est plus résistant aux effets de compressions (compression uni-axiale). Par différentes modélisations du comportement des piliers lors de la phase aérobie (e.g. la phase d'exploitation) et de la phase de re-saturation (e.g. fin du pompage et remonté des eaux aux sein des galeries), il a été démontré que l'instabilité (apparition de zones de tensions mécaniques) survient lorsque l'eau réinvestit les piliers (Grgic et al., 2006). Ces tensions

s'atténuent au fur et à mesure que l'eau réinvestit les pores de la roche (resaturation à l’arrêt des pompages d’exhaure) mais leur effet transitoire est suffisant pour induire la rupture des

roches, notamment au toit des galeries. Par ailleurs, l'oxydation des piliers de minerai de fer

pendant la phase aérobie de ventilation (i.e., pendant l’exploitation) est également une des

146 sidérite et ainsi une diminution de la cohésion et de la résistance du matériau. Les piliers de

minerai, qui reprennent les contraintes (principalement uniaxiales) induites par l’épaisseur du

recouvrement (200-250 m de profondeur), sont ainsi fragilisés et cèderaient plus facilement sous ce poids. εalgré les effondrements survenus suite à l'arrêt des pompages d’exhaure,

l'ennoiement des mines a sans doute ralenti l'oxydation des piliers via le retour de conditions plus réductrices (Grgic et al., 2013).

Mais aucun milieu n'étant biogéochimiquement inerte, il est aujourd'hui nécessaire de d'identifier les réactions biochimiques affectant les propriétés mécaniques du minerai de fer. Pour ce faire, des incubations d’éprouvettes de minerai cylindriques et de barrettes ont été

réalisées avec des bactéries ferri-réductrices. δ’activité ferri-réductrice étant la seule activité bactérienne ayant eu un effet significatif sur le minerai dans le temps imparti (voir Chapitre 31). Après incubation, les éprouvettes et les barrettes ont été soumises, respectivement, à la compression uni-axiale et à la micro-indentation.

5-1-1- Comportement mécanique des roches : définitions

5-1-1-1 Généralités

Lors de l’application d’une contrainte, la roche va se déformer. Cette déformation peut être élastique, plastique ou fragile :

- La déformation élastique est réversible. En effet, si la contrainte est supprimée, le matériau reprend sa forme initiale. Cette déformation est valable pour de faibles contraintes.

- La déformation plastique est irréversible. Même après arrêt des contraintes, le matériau ne retrouvera pas son état initial, sa déformation est permanente.

- La déformation fragile correspond à la rupture de la roche. Celle-ci peut avoir lieu après la déformation élastique, alors le matériau est dit fragile, ou après la déformation plastique, alors le matériau est dit ductile (Fig. 1).

Ainsi, une roche peut être fragile ou ductile en fonction de sa rupture durant sa phase élastique ou plastique. Pour le premier, la rupture est rapide, alors que pour le second la rupture est lente et implique de grandes déformations.

Il existe trois types de contraintes :

- la compression qui consiste en l’écrasement du matériau,

147 - et enfin le cisaillement où les forces sont de sens opposé mais appliquées aux extrémités du matériau (Fig. 1).

Figure 1: Schéma représentatif des différentes déformations subies par un matériau ductile (à gauche); associé aux différents modes de contraintes (à droite) (adapté de Fortunier, 2009).

5-1-1-2- Les propriétés élastiques des matériaux

Afin de caractériser un matériau au laboratoire, certaines mesures peuvent être effectuées sur leurs propriétés mécaniques telles que :

- La déformation ( ) qui correspond au rapport de l’allongement du matériau sur sa longueur initiale. Cette valeur est sans unité.

- Le module de Young (E) qui est le rapport entre la contrainte et le début de la déformation. Il est exprimé en pascal (Pa) et défini au cours d’expériences de compression (uni-axiale ou triaxiale). La loi de Hooke pour un matériau isotrope en compression uniaxiale le définit par :

σ = Ε × (1)

où σ est la contrainte (souvent exprimé en MPa) et est la déformation. Un matériau dont le module de Young est très élevé est dit rigide. Quelques valeurs sont présentées dans le Tableau 1.

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Tableau 1 : Exemple de valeur du module de Young pour quelques matériaux

Roche Module de Young

(en GPa) Référence

magnétite 183 Chicot et al., 2011

hématite 215 - 350 Chicot et al., 2011

goethite 358 Chicot et al., 2011

- Le coefficient de Poisson ( ) caractérise le rapport entre la déformabilité radiale/latérale et axiale. Il est de 0,35 pour le minerai de fer lorrain (Grgic et al., 2013). Tous ces caractères sont utilisés lors des expériences de mécanique des roches.