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2. Chapitre 1 : Analyse Bibliographique

1.5 Les bactéries ferri-réductrices

Le cycle biogéochimique du fer est le siège de réactions de réduction qui peut être chimique mais aussi biologique. Du fait de la présence de nombreux oxydes de Fe(III) dans

l’environnement, certaines bactéries ont développé la capacité d’utiliser ce Fe(III) comme accepteur final d’électrons en condition anaérobie (Lovley et al., 2004 ; Weber et al., 2006). Dans l’environnement, la croissance bactérienne, via la réduction du Fe(III), débute par

l’oxydation de la matière organique et plus précisément des petits acides organiques (e.g. acétate) ou encore le dihydrogène (H2) (Caccavo et al., 1994, Lovley et al., 2004). Ces bactéries sont nommées les bactéries réductrices du fer (IRB en anglais pour iron-reducing bacteria) (Fig. 12) et sont largement disséminées au sein des règnes Bacteria et Archaea

(Lovley et al., 2004 ; Weber et al., 2006). Les IRBs sont étudiées pour deux raisons majeures. La première est leur capacité à réduire un large panel d’oxydes de fer, même les plus stables (e.g. magnétite, Kostka and Nealson, 1995). Ceci entraine des conséquences intéressantes pour la biogéochimie du fer et notamment les minéraux néoformés qui peuvent devenir le siège de nouvelles réactions d’oxydation (Fredrickson and Gorby, 1996). La seconde raison est leur implication dans des phénomènes de bioremédiation des radionucléides (uranium, technétium et neptunium, Lloyd, 2003) ou encore la détoxication de certains métalloïdes tels que le chrome (Wielinga et al., 2001) ou la séquestration de l’arsenic (Islam et al., 2005).

La capacité à réduire le Fe(III) par un processus respiratoire est largement distribuée au sein des Bacteria (Fig. 12). Néanmoins, dans la littérature, deux genres bactériens ont été utilisés: le genre Geobacter et le genre Shewanella. Les représentants du genre Geobacter

(famille des Geobacteraceae) semblent être plus abondants dans les environnements sédimentaires où ils ont la capacité d’oxyderl’acétate en CO2 (Snoeyenbos-West et al., 2000). En revanche, les Shewanellaceae semblent être moins répandues dans l’environnement que supposé précédemment (Lovley et al., 2004), leur culture est possible en aérobie et elles sont peu exigeantes, les fortes densités bactériennes obtenues et leur capacité à réduire le Fe(III) en font un modèle d’étude privilégié (Fredrickson et al., 1998 ; Zacchara et al., 1998 ; Roden et

26 Urrutia, 2002). C’est aussi pour ces raisons qu’une souche de Shewanella (Shewanella putrefaciens CIP 8040) a été choisie dans notre étude.

Figure 12 : Arbre phylogénétique des procaryotes capables de réduire le Fe(III) afin de supporter la croissance. Basé sur les séquences du gène codant pour l’ARN 16S (Lovley et al., 2004).

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1-5-1- Shewanella

Le genre Shewanella correspond à des bactéries à coloration de Gram négative, aéro-anaérobie facultatives, non sporulantes, mobiles et mesurant entre 2 et 3 µm de long et 0,4 et 0,7 µm de diamètre (Venkateswaran et al., 1999). Ses donneurs organiques d’électrons sont nombreux : formiate, lactate, pyruvate, glycérol, glucose, etc (Lovley et al., 2004). Cette souche n’est pas fermentative et est donc à respiration obligatoire. En aérobiose le dioxygène est l’accepteur final d’électrons, mais dès qu’il est épuisé, de nombreuses espèces chimiques peuvent le remplacer en tant qu’accepteur final d’électrons, tels que Mn (IV), NO3-, le fumarate, S0, U(VI) et bien sur le Fe(III) (Myers ans Myers, 1997 ; Nevin and Lovley, 2002 ; Lloyd, 2003).

Du fait de sa forme solide, le Fe(III) ne peut diffuser dans la bactérie pour y être réduit (Fig. 13). Plusieurs mécanismes permettant le transfert d'électrons vers l'oxyde de Fe(III) ont été suggérés (Bird et al., 2011) : (i) directement par les cytochromes de type c de la membrane externe (Lower et al., 2001), (ii) indirectement via des navettes à électrons (e.g. acides humiques, Lies et al., 2005) ou sidérophores (Hernandez et Newman, 2001) ou à distance, par le biais de pili conducteurs d’électrons appelés nanowires (Fig. 14) (Reguera et al., 2005, Gorby et al., 2006), et (iii) indirectement via la solubilisation du Fe(III) par des chélateurs organiques (e.g. l’EDTA, acide éthylène diamine tétraacétique, ou le NTA, acide nitrilotriacétique) (Urrutia et al., 1999).

28 Figure 13 : Chaîne respiratoire de Shewanella pour la respiration du Fe(III) (d’après Weber et

al., 2006). CM : membrane cytoplasmique ; OM : membrane externe ; CymA : cytochrome c

tétrahémique de la membrane cytoplasmique ; Cytc3 : cytochrome c périplasmique ; MetrA :

cytochrome c périplasmique décahémique ; OmcB : cytochromes B de la membrane externe ;

Q/MQ : quinone et e- : électron.

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1-5-2- La réduction indirecte de Fe(III) par les bactéries sulfato-réductrices

Le Fe(III) peut être réduit chimiquement via un large panel de molécules telles les acides humiques ou d'autres réducteurs comme l'hydroxylamine hydrochlorite), ou encore des anions tels que les sulfures (H2S, HS- et S2-). Les sulfures sont présents à l’état soluble dans les environnements réducteurs tels que les profondeurs marines (proche des dorsales, Enning

et al., 2012) et certains lacs (Holmer and Storkholm, 2001). Les sulfures sont également le produit de la réduction bactérienne du sulfate. Les bactéries sulfato-réductrices (BSR) sont retrouvées au sein des sédiments et des sols anoxiques. Les BSR couplent la réduction de SO42- à l’oxydation de la matière organique et en général des acides organiques (lactate, acétate) ou de l’H2 (Flynn et al., 2014), elles convertissent en énergie cellulaire l’énergie

dégagée de ces réactions d’oxydo-réduction. Souvent associées aux méthanogènes, ces bactéries sont les deux derniers groupes métaboliques de l’oxydation complète de la matière organique (Lovley and Phillips, 1987). Dans les environnements sédimentaires, le Fe(III) peut donc être la cible d’une réduction chimique indirecte par les sulfures d’origine bactérienne mais aussi le siège d’une réduction directe par les bactéries ferri-réductrices (Man Jae Kwon

et al., 2014). Malgré le fait que ces deux groupes métaboliques n’évoluent pas dans le même gradient géochimique (Jacobsen and Postma, 1999), leur interaction à l’interface peut entrainer des variations intéressantes de la minéralogie environnante La matière organique et les sulfates, présents en quantité significative dans l'eau de mine, sont susceptibles d’autoriser

le développement des BSR. Une production du sulfure biogénique est donc à considérer. Des études ont porté sur la réduction de la lépidocrocite ou de la ferryhydrite par des sulfures d’origine chimique (Peiffer et al., 1992 ; Poulton 2002; Poulton et al., 2003) ou biologique (Man Jae Kwon et al., 2014). Il a été démontré que les taux de réduction sont plus importants avec les sulfures d'origine biologique que chimiques mais que la constitution minérale finale semble être dans les deux cas similaire : formation de mackinawite (FeS) qui tend à former de la pyrite (thermodynamiquement plus stable) (FeS2) et un peu de magnétite (Hellige et al., 2012). Il a été également montré qu’en présence de carbonate et phosphate, de la sidérite et de la vivianite pouvaient être formées (Man Jae Kwon et al., 2014). De plus, la réduction du Fe(III) dans les argiles (e.g. nontronite) serait plus dû aux sulfures biogénérés qu'à l'action directe des bactéries ferri-réductrices (Li et al., 2004)

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