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5. Chapitre 4 : Oxydation du minerai de fer intact et d'une roche de sidérite naturelle 117

4.4 Discussion

L'oxydation du minerai de fer intact et de la sidérite naturelle par At. ferrooxydans a été plus rapide que l'oxydation chimique par l'O2. En effet, à pH comparable, la souche acidophile a oxydé 10% du minerai de fer et de la sidérite en 15 jours environ alors que l'O2 en a oxydé 10% en plus de 50 jours en condition aérobie. Des résultats similaires ont été obtenus lors d'études sur l'oxydation de la pyrite (Bacelar-Nicolau and Johnson, 1999) où la biooxydation par At. ferrooxydans débute immédiatement et où l'oxygène n'entraine pas d'oxydation dans les 50 jours de leur expérience. Le Fe(III) produit par les acidophiles précipite et forme de la ferrihydrite qui est le précurseur d'oxydes de fer plus stables tels que la goethite ou l'hématite (Konhauser, 1997). En revanche, dans les drainages miniers acides, riches en sulfures, le Fe(III) produit lors de la biooxydation est réduit rapidement (Osorio et al., 2013).

Dans les mines de fer de Lorraine, deux cas sont alors enviseageables. D'une part, en condition oxydante (microaérobie), la souche acidophile, probablement au sein d'un biofilm (Vera et al., 2009), utiliserait le Fe(II) présent dans les piliers (sidérite du minerai de fer) ou au sein des marnes intercalaires (pyrite, Grgic, 2001). En plus d'entrainer l'oxydation des minerais de fer ou de la pyrite, une acidification locale du pH serait attendue, accélérant encore le processus d'oxydation (Descotes et al., 2004; Mielke et al., 2003). D'autre part, si l'activité des BSR est considérée (voir Chapitre 32), alors les sulfures biogénérés (H2S) pourraient entrainer la réduction du Fe(III) formé par les acidophiles (Osorio et al., 2013) et former des minéraux fer-soufre tels que la mélanterite (FeSO4•7H2O, Fortin et al., 1996). De plus, il est intéressant de retenir l'activité ferri-réductrice de certaines souches acidophiles (Johnson and Hallberg, 2008) qui pourrait alors s'ajouter à celle des IRB et des BSR. Si la réduction par At. ferroxydans n'a pas été vérifiée ici, les références qui le démontrent sont nombreuses (Johnson and McGinness, 1991; Rowe and Johnson, 2007; Johnson and Hallberg, 2008). Enfin, la température des mines (environ 13°C) n'est pas un obstacle à l'activité métabolique de certaines souches acidophiles (Hallberg et al., 2010).

Les phototrophes sont capables d'oxyder le Fe(II) soluble (Ehrenreich and Widdel, 1994; Kappler et Newman, 2004). L'oxydation de la sidérite a été démontrée par Kappler and Newman (2004). Il n'est cependant pas précisé par les auteurs si c'est une roche naturelle ou le produit d'une co-précipitation. Même si l'oxydation de la sidérite est lente (4-6 semaines), les auteurs la considèrent comme complète.

Dans notre étude, le Fe(II) soluble et la rouille verte, dont le Fe(II) est biodisponible immédiatement, ont bien été oxydés. En revanche, aucune oxydation du minerai de fer intact

138 et de la sidérite naturelle n'a été mesurée, et cela en 6 semaines. Dans l'étude menée par Kappler et Newman (2004), la constante de solubilité de la sidérite a été déterminée. Ce serait un paramètre expliquant pourquoi la sidérite de leur étude a été oxydée et non la vivianite ou la pyrite, à pH neutre. Il serait alors intéressant de déterminer la constante de solubilité de la sidérite naturelle de notre étude et la comparer à celle de ces auteurs, afin de savoir si ce facteur explique l'oxydation de leur sidérite par rapport à celle de notre étude. Néanmoins cela suggère que le FeII de minerai de fer et sidérite sont peu disponibles pour l’oxydation

biologique, même pour des bactéries phototrophes.

A l'instar des phototrophes, les bactéries nitrates-réductrices ont oxydé, sans doute via les nitrites, le Fe(II) soluble et la rouille verte, mais pas le minerai de fer intact ni la sidérite naturelle. Les mêmes résultats ont été obtenus par les nitrites chimiques. L'oxydation du Fe(II) soluble et de la rouille verte par les nitrites chimiques est connue (Hansen et al., 1994, 1996 1997; Kampschreur et al., 2011; Matocha et al., 2012). Le couplage enzymatique réduction nitrate - oxydation Fe(II) par les procaryotes nitrate-dépendants (Straub et al., 1996) a quant à lui peut-être été surestimé (Klueglein et Kappler., 2013). Néanmoins, les diverses études portées sur le devenir des nitrates et du Fe(II) après réaction restent valables, les bactéries étant des acteurs indirects de l'oxydation par la production de nitrites. Ainsi, les nitrites biogénérés sont capables d'oxyder la sidérite formée par coprécipitation (Weber et al., 2001; Rakshit et al., 2008). Cette sidérite est "amorphe" ce qui est la différence majeure comparée à la sidérite naturelle de cette étude ainsi que la sidérite du minerai de fer intact. Pourtant nitrates et nitrites ont bien été réduits (Figs. 9 et 12) et probablement en NO et N2O (Kampschreur et al., 2011).

Si les nitrites ont étéréduis mais que le ratio Fe(II)/FeTOT n'a pas évolué, quelle est l'origine des électrons ayant servi à réaliser cette réduction? Une première hypothèse est que les nitrites ont bien été réduits par le Fe(II) mais que la concentration de Fe(II) oxydée est trop faible pour être détectable du fait de l'hétérogénéité du minerai (voir § 2-4-1). Or, dans l’expérience BoFeN1 - sidérite naturelle, la concentration en nitrates (et donc après réduction en nitrites) est d’environ 30 mM. Ainsi, en tenant compte de la stœchiométrie reconnue de 1 mole de nitrite pour 2 moles de Fe(II), en théorie, environ 60 mM de Fe(II) sont théoriquement oxydables. Or, pour 250 g de sidérite naturelle, la concentration initiale en Fe(II) est d’environ 3 à 7 mM de Fe(II). Par conséquent, malgré l’hétérogénéité du minéral, les nitrites sont en excès ils n’ont pas oxydé le Fe(II). Ce raisonnement est similaire pour le minerai de fer. La seconde hypothèse rejoint les résultats présentés par Taïet Dempsey (2009)

139 qui ont montré que le Fe(II) sorbé à la surface d’un oxyde de Fe(III) n'a pas été oxydé par les nitrites, contrairement au Fe(II) soluble présent simultanément. Ces résultats peuvent être associés aux travaux de William et Scherer (2004) qui ont montréqu’une oxydation du Fe(II) sorbé àla surface de la goethite entraine un transfert des électrons dans la masse de l’oxyde. Par la suite ces électrons réduisent le Fe(III) de surface en Fe(II) (Fig. 15). Mais dans ce cas, le Fe(II) minéral, présent à la surface de la sidérite et cotoyant un oxyde de fer, possède-t-il les mêmes propriétés physico-chimique que le Fe(II) sorbéà la surface d'un oxyde de fer? De plus amples expériences sont nécessaires pour confirmer cette hypohèse

Figure 15: Modèle conceptuel expliquant comment les atomes de la goethite et le Fe(II) soluble se mélangent via un phénomène de croissance du cristal de goethite (vers la gauche) et de dissolution (à droite) à des sites séparés (adapté de Handler et al., 2008).

En conclusion, seule la souche acidophile a été capable d'oxyder le minerai de fer intact et la sidérite naturelle. Il serait alors intéressant de savoir si les souches acidophiles sont : i) présentes au sein des mines de fer de Lorraine et ii) capables d'oxyder suffisamment le ciment interoolitique pour altérer les propriétés mécaniques du minerai de fer. Les nitrites formés par les bactéries nitrate-réductrices ont été réduits mais aucune oxydation du Fe(II) n'a été mesurée. De telles bactéries ont été enrichies à partir d'eau de mine. Par conséquent, ce métabolisme peut avoir un impact éventuel sur les propriétés mécaniques du minerai de fer, mais il alors nécessaire de comprendre comment les nitrites qui sont réduits, n'entraine pas l'oxydation du minerai de fer.

Fe2+ Fe2+ Fe2+ Fe3+ e- 5. Réduction-dissolution 4. Masse conductrice de l’oxyde γ. Croissance de l’oxyde β. Transfert d’électron 1. Sorption

140 Figure 16: Schéma des réactions d'oxydation biologiques et chimiques potentielles au sein des mines de fer (auteur B. Maitte).

MO CO2 O2 H2O O2 H2O Fe(III) Fe(III) At.f NO2 -Nx

?

NO2

-NIR= Bactéries réductrices des nitrates

At.f= Bactéries acidophiles

NO3

-NIR

L’o g e est capable d’o der le Fe(II) minerai de fer intact

Les souches acidophiles sont capables

d’o derle Fe(II) du minerai de fer intact

Les nitrites chimiques ou biologiques sont réduits sans oxyder le Fe(II) du minerai de fer intact

Oolithe de goethite Sidérite Fe(II)CO3

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