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175 Durant la diagenèse du minerai de fer de Lorraine, les conditions réductrices ont permis la formation d'un ciment de sidérite et berthiérine entre les oolithes riches en goethite. Pendant 180 milliards d'années et avant le début de l'exploitation minière, les roches étaient saturées en eau et équilibrées chimiquement. Aucune réaction d'oxydation majeure n'est survenue pendant cette période. En revanche, pendant l'exploitation, les eaux d'exhaures ont été pompées et les galeries ventilées. Cela a entrainé la désaturation (séchage des roches) et la mise en place de conditions menant à l'oxydation des minéraux ferreux et à la formation de minéraux ferriques. A la fin de l'exploitation, la fin des pompages a permis la remontée de la nappe phréatique entrainant la resaturation des roches en eau. Les conditions anaérobies ont alors été rétablies avec sans doute certaines zones micro-aérobies. Dès lors, quelles conséquences pourraient avoir des réactions d'oxydation et de réduction, biologiques ou chimiques, qui découleraient de ces conditions aéro et anaérobies successives, sur les propriétés minéralogiques et mécaniques du minerai de fer ? L'objectif de la thèse était d'apporter des éléments de réponse à cette question.

Avant les incubations bactériennes avec les minerais de fer (en poudre), nous avons cherché à vérifier la présence des groupes métaboliques bactériens que nous avions ciblés car susceptibles d’être présents dans la mine et d'interagir avec le fer. Par enrichissements en milieux spécifiques nous avons ainsi validé la présence d’activités ferri-réductrices, nitrate-réductrices, et sulfato-nitrate-réductrices, mais pas ferroxydantes acidophiles..

Les souches ferri-réductrices, représentées par S. putrefaciens dans notre étude, ont réduit la goethite présente au sein des oolithes du minerai de fer. L'originalité de ce travail est que le minéral est naturel et non synthétique comme dans la grande majorité des études précédentes. Il a été démontré que les bactéries réduisent de manière plus importante la goethite naturelle que la goethite synthétique. Contrairement aux études sur la goethite synthétique, la phase minérale formée n'a pu être identifiée avec certitude en tant que sidérite bien qu'elle soit de type carbonate ferreux. Néanmoins, après un certain temps, cette phase pourrait se cristalliser en sidérite. Ce point mérite d'être étudié dans de futurs travaux. En effet, la sidérite est un constituant majeur du ciment interoolitique, dont la disparition est à l'origine de la perte de cohésion du minerai de fer, et par extension à l'origine de la fragilité des piliers. Par conséquent, si ce carbonate ferreux se cristallise en sidérite, un nouveau ciment pourrait se former entre les oolithes ce qui, éventuellement, améliorerait la cohésion du minerai de fer. C'est pourquoi des expériences d'incubation ont été réalisées pendant 19

176 mois, afin de tester la résistance mécanique du minerai de fer par compression uniaxiale et micro-indentation. Si la compression n'a pas permis d'observer de différences significatives des propriétés mécaniques après bioréduction, la micro-indentation a permis de détecter un effet de la bioréduction. Cet effet est une amélioration sensible du module de Young du minerai de fer. Il est donc possible, a priori, que le ciment de carbonate ferreux d'origine biologique puisse améliorer la résistance du minerai. Cela nécessiterait une incubation plus longue des éprouvettes de minerai de fer vouées à la compression.

Un consortium de bactéries sulfato-réductrices a également été utilisé lors de cette étude. L'intérêt d'un tel métabolisme provient des sulfures formés en fin de réaction. Les sulfures sont très réactifs vis-à-vis du Fe(III) et la réaction mène à la formation, in fine, de pyrite. Nous avons observé que, quelque soit la nature de l'oxyde de Fe(III), la bioréduction indirecte est importante (> 60 %). La goethite, oxyde de Fe(III) majoritaire du minerai de fer, serait la plus exposée à la réduction par les sulfures. Il est nécessaire de vérifier ce point par des analyses tel que le Mössbauer. Par manque de temps, l'effet de la pyrite sur les propriétés mécaniques du minerai de fer n'a pu être étudié. Pourtant, vu l'importance de cette réduction, la formation de la pyrite à la surface ou entre les oolithes pourrait améliorer ou diminuer la cohésion du minerai.

A l'instar de la réduction, des métabolismes d'oxydation directe et indirecte ont été étudiés. Deux souches de bactéries nitrate-réductrices ont été utilisées. Les nitrites, produits par ces souches via la réduction des nitrates, sont connus comme oxydants du Fe(II). L'objectif de cette étude était de déterminer la réactivité des nitrites vis-à-vis du ciment de sidérite. Si le Fe(II) soluble et la rouille verte ont été oxydés, aucune oxydation du minerai de fer n'a été observée. Pourtant, les nitrates ont bien été réduits et aucun nitrite n'a été détecté. Le devenir des nitrites ainsi que l'analyse de la minéralogie du minerai n'ont pu être étudiés dans le temps imparti à l'étude. Néanmoins, l'importance des réactions Fe(II)-nitrites est sans doute faible au sein des mines. En effet, la quantité de nitrates mesurée dans l'eau de mine est de quelques micromolaires. Ajouté au fait qu'aucune oxydation n'a été observée, cette réaction semble donc négligeable

Une souche acidophile a été utilisée. Les expériences ont montré qu'elle était capable d'oxyder le Fe(II) contenu dans le minerai de fer. Par manque de temps, aucune analyse minéralogique n'a pu être réalisée sur le minerai après cette biooxydation. Néanmoins l'hypothèse retenue est que la sidérite - phase majoritaire du Fe(II) - a été oxydée. Cette oxydation mène probablement à la formation de goethite ou d'hématite, qui sont les oxydes de Fe(III) les plus stables. Parallèlement, des expériences d'oxydation chimiques ont été réalisées

177 avec du dioxygène et du peroxyde d'hydrogène. Si l'oxydation par le peroxyde d'hydrogène est rapide et exothermique, l'oxydation par le dioxygène est plus lente que la biooxydation. Cela montre que l'altération du minerai de fer lors de l'exploitation minière est bien liée à la ventilation mais pourrait également être due à la colonisation de bactéries acidophiles exogènes, souvent retrouvées dans les exploitations minières. Il est intéressant de noter, que de nombreuses souches acidophiles sont capables, en condition anaérobie, de réduire le Fe(III) couplé à l'oxydation du S0, produit par de l'activité sulfato-réductrices. Par conséquent, les acidophiles pourraient aussi être des acteurs de la bioréduction.

Les propriétés mécaniques sont différentes entre le minerai de fer intact (i.e. avec ciment de sidérite) et le minerai de fer vieilli (i.e. sans ciment de sidérite) qui a subit la ventillation pendant l'exploitation. L'analyse du minerai de fer intact après oxydation par le peroxyde d'hydrogène n'a montré aucune différence par rapport au minerai de fer initial lors de la compression uniaxiale. En revanche, une détérioration du module de Young a été observée lors de la micro-indentation. Il est possible qu'à l'échelle de l'éprouvette, l'oxydation, trop rapide, n'ait eu lieu qu'à la surface des minéraux de sidérite ce qui n'a pas entrainé de perte de cohésion du minerai de fer. Cependant, la micro-indentation étudie la surface du minerai sur laquelle l'oxydation a pu être plus importante. Sur le minerai en poudre, l'oxydation par les bactéries acidophiles et l'oxygène est plus lente que l'oxydation par le peroxyde d'hydrogène. Il serait alors intéressant de déterminer si cette oxydation, plus lente, permet une meilleure détérioration du ciment de sidérite et par conséquent une perte de cohésion du minerai de fer, visible en compression uniaxiale. Cette hypothèse est appuyée par les résultats des premières expériences de fluage (expérience mécanique à long terme) où l'échantillon oxydé par O2 a rompu à un niveau de contrainte inférieur à celui du le témoin (9 MPa et 13 MPa, respectivement). Il faut noter que dans ce cas l'oxydation a été continue sur 60 jours.

Les perspectives d'études aux travaux présentés dans cette thèse sont nombreuses. D'une part, les analyses post-incubations bactériennes sur la nouvelle minéralogie du minerai de fer sont à approfondir, notamment dans le cas des incubations avec les bactéries sulfato-réductrices et les souches acidophiles. L'existence de souches oxydantes acidophiles reste encore à démontrer, même si leur présence au sein des mines est possible. Dans le cas des mines de Lorraine, les acidophiles seraient alors présentes au sein de zones aux conditions microaérobie et pH modérément acide (pH 4 à 6). D'autre part, l'étude de la modification des propriétés mécaniques du minerai de fer soumis à l'activité bactérienne, mérite d'être approfondie, notamment la bioréduction où des premiers effets ont été observés. Il est

178 néanmoins nécessaire de changer la taille des éprouvettes utilisées lors de la compression uniaxiale afin de pouvoir mesurer l'effet des différentes réactions chimiques ou biologiques testées. En effet, la petite taille des éprouvettes testées est fortement soumise à des effets de surface lors du carottage. Il faudrait utiliser des éprouvettes plus grandes, mais dans ce cas, la durée des incubations devra certainement être allongée. Enfin, les essais de fluage, plus proches des conditions réelles de la mine, devront être réalisés sur des échantillons préalablement bioréduits ou alors, adapter les cellules de fluages pour permettre les incubations directement avec l'éprouvette soumise au fluage.

En résumé, l'exploitation des mines a entrainé des modifications chimiques et mécaniques de la roche. La fragilité des piliers de soutien est directement liée à la perte du ciment de sidérite interoolitique du minerai de fer. Ceci est dû à la ventilation et peut-être à des souches oxydantes exogènes. La fin de l'exploitation et le retour de conditions anaérobies réductrices ont permis le développement, entre autres, de bactéries ferri-réductrices et sulfato-réductrices. Ces bactéries sont capables de réduire la goethite qui compose les oolithes. Les souches sulfato-réductrices réduisent le minerai de fer via la production de sulfures et permettent la formation de pyrite. La constitution d'un ciment interoolitique de pyrite sur la cohésion du minerai de fer nécessite d'être étudiée. Quant aux bactéries ferri-réductrices, elles permettent la formation d'une phase minérale de carbonate ferreux. Cette phase, en se cristallisant, pourrait reformer de la sidérite et ainsi améliorer la cohésion du minerai et par extension celle des piliers.

179 Figure 1: Schéma de conclusion des expériences et résultats menés au cours ce cette thèse (auteur B. Maitte).

Figure 2: Schéma de conclusion de l'impact potentiel des résultats obtenus sur les piliers au sein des mines (auteur B. Maitte).

Fe(III) Fe(III) FeS MO CO2 SO4 2-H2S FeS2 O2 H2O O2 H2O Fe(III) Fe(III) At.f BSR

NIR= Bactéries réductrices des nitrates

At.f= Bactéries acidophiles

BSR= Bactéries sulfato-réductrices

IRB= Bactéries réductrices du Fe(III)

S0 Fe(III)Fe(III) Fe(III) Fe(III) Fe(II) At.f MO CO2 NO2 -Nx

?

NO2 -NO3 -NIR FeIICO3 IRB ? Oolithe de goethite Sidérite Fe(II)CO3 Zone anaérobie Zone microaérobie O2 acidophiles O2 acidophiles Zone anaérobie IRB IRB FeIICO3

Minerai âgé Minerai intact

? ? ? ? Pyrite BSR BSR 72

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