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Doctrine interprofessionnelle et corporatisme ) Doctrine interprofessionnelle et corporatisme ) Doctrine interprofessionnelle et corporatisme ) Doctrine interprofessionnelle et corporatisme

- Un produit bien identifié, au cœur de l’activité interprofessionnelle, garant de la

cohérence de l’action ;

- Un territoire partagé par tous les opérateurs, qu’il soit régional ou national ;

- Un cadre institutionnel souple et évolutif. Bien que les interprofessions s’appuient

toutes ou presque sur un cadre juridique commun, elles sont souvent très différentes les unes des autres. Ces différences proviennent à la fois des produits concernés mais aussi

de la structure des acteurs économiques, propre à l’organisation de chaque filière64

. De par son origine professionnelle et ses attributs, l’interprofession peut sembler proche du corporatisme. Elle s’en démarque pourtant.

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B) Doctrine interprofessionnelle et corporatisme ) Doctrine interprofessionnelle et corporatisme ) Doctrine interprofessionnelle et corporatisme ) Doctrine interprofessionnelle et corporatisme

« Le corporatisme est l’une des formes qu’a revêtues l’interprofession : c’en est la

forme la plus globalisante, celle où l’organisation des professions et les relations interprofessionnelles forment le substrat de toute organisation sociale nouvelle issue d’une idéologie complexe où voisinent les notions de « corps naturels », de famille, de hiérarchie […]. Mais l’interprofession n’est pas liée indissolublement à l’ensemble de l’appareillage idéologique du corporatisme [qui] représente la version la plus achevée du modèle

interprofessionnel. » (Hairy et Perraud, 1980, pp. 7-8).

La corporation peut être définie comme la profession organisée. En France, le corporatisme est né à la fin du XIXème

siècle, au creux du développement du capitalisme industriel. Il répond à deux exigences : réduire les effets des secousses économiques et sociales, d’une part, et éviter le face à face du travail et du capital, d’autre part. Survient en parallèle la naissance des syndicats agricoles, dont les pouvoirs grandissent à partir de la loi de 1884 qui les reconnait comme les représentants légitimes des professions. En outre,

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C’est ce qui a expliqué notamment la sortie de certains syndicats d’interprofessions vitivinicoles. C’est le cas du syndicat de l’AOC « Clairette de Die », qui faisait partie d’Inter Rhône et qui a quitté l’interprofession rhodanienne en 2007 sous l’impulsion de l’entreprise Jaillance, en situation de quasi-monopole pour l’appellation (la coopérative rassemble plus des ¾ de la production).

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l’Etat commence à conférer aux syndicats des prérogatives de droit public : ils sont en effet autorisés à rechercher des fraudes et à faire appel à la force publique.

Les deux mouvements (corporatisme et syndicalisme agricole) vont se rejoindre et s’amplifier tout au long des années 1930 jusqu’à l’institution de la corporation syndicale en 1940, qui rend presque obligatoire l’adhésion au syndicat. La corporation et le syndicalisme agricole français s’appuient en fait sur les modèles étrangers des Etats fascistes européens : Italie, Portugal, Allemagne. « Au total, la mise en place des doctrines corporatistes, dans l’entre deux-guerres, puis leur mise en œuvre à partir de 1940 par la généralisation des formes interprofessionnelles, en agriculture notamment, traduisent la conjonction de deux mouvements. Des phénomènes économiques liés au développement du capitalisme, accentués au cours de la crise des années 1930, se combinent à un mouvement idéologique visant à unifier et étayer les phénomènes interprofessionnels en les érigeant en un corps

doctrinal cohérent. » (ibid., p. 22). Etonnamment, les corporatistes agraires français ont peu

pris modèle sur les Pays-Bas, dont les éléments corporatistes, mis en place dès 1922, ont

débouché en 1950 sur les formules interprofessionnelles des « produktschappen », qui ont

par la suite servi de référence lors de la création de nombreuses interprofessions en France, et notamment lors de la création du Comité national de l’économie laitière (CNIEL) en 1973. « Le système néerlandais […] constitue, en quelque sorte, le lien entre la doctrine corporatiste d’avant-guerre et les tentatives d’interprofessions agroalimentaires

d’aujourd’hui auxquelles il sert toujours de modèle, au moins au plan des principes. » (ibid.,

p. 22).

Le corporatisme français meurt à l’issue de la guerre, période au cours de laquelle les pouvoirs publics cherchent à supprimer les organismes les plus marqués par cette idéologie.

L’ordonnance du 12 octobre 1944 déclare « nuls et de nul effet les actes et textes tendant à

l’organisation corporative de l’agriculture » et y substitue une organisation professionnelle

provisoire composée d’un Comité national et de Comités départementaux d’action agricole (ibid.).

Il existe au moins cinq éléments communs aux interprofessions et aux corporations : - elles ont pour but de réduire les antagonismes sociaux ;

- elles expriment les relations contradictoires entre les professions concernées ;

- elles sont sujettes à deux grands types de problèmes : les problèmes d’ordre juridique (composition, financement, compétences, etc.) et les problèmes d’ordre politique (risque

d’inversion des pouvoirs, passage de l’harmonie à l’affrontement, etc.) (ibid.) ;

- le secteur privilégié d’utilisation est l’agriculture ;

- elles sont animées d’un but économique, celui d’éviter les désajustements de l’offre par rapport à la demande.

Si le rôle de régulation économique est le plus souvent mis en avant, le rôle de régulation sociale n’en est pas moins important : loin de supprimer les oppositions d’intérêt

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par la simple organisation interprofessionnelle, les interprofessions sont au contraire devenues le lieu d’expression et de résolution des conflits. Dès lors, l’ambition de régulation sociale n’a pu déboucher que sur trois types d’évolutions (ibid.) : une stabilité factice assurée par la domination d’une des catégories composantes de l’interprofession (remise en cause du principe d’origine de l’interprofession) ; le maintien d’un organe interprofessionnel dans un rôle purement formel limité à des missions secondaires et donc sans risque de voir attiser les antagonismes65

; l’interprofession devient une instance de négociation de compromis, soit le lieu où se concrétisent les rapports de force économiques et sociaux. Si chaque création d’interprofession tend à se rapprocher de la troisième forme évoquée, nous aurons l’occasion de constater dans l’étude des interprofessions vitivinicoles françaises que certaines sont plus proches de la deuxième forme (organe réduit à sa plus

simple expression, devenant de facto peu stratégique). A notre connaissance, l’évolution

vers la première forme (domination d’un collège sur l’autre) citée par Hairy et Perraud (1980) n’est pas présente dans le secteur vitivinicole français.

Malgré les similitudes évoquées ci-dessus, le corporatisme s’inscrit fermement dans un courant de pensée opposé au libéralisme économique, ce qui le place en rupture des formes modernes d’interprofession. En effet, le corporatisme à son apogée vise à détruire le libéralisme, porteur de crise. Dans la période de crise des années 1930, les corporatistes refusent le dirigisme d’Etat et cherchent à instaurer un dirigisme interprofessionnel

permettant d’harmoniser la concurrence, l’offre et la demande, les salaires et les prix (ibid.).

Il y a dans cette idée du corporatisme la volonté de rétablir l’ordre en supprimant le conflit. Le corporatisme a ensuite évolué. Les partis politiques libéraux français, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, s’approprient la doctrine mais en retiennent principalement l’utilisation des institutions interprofessionnelles comme instrument de politique économique et non comme nouveau système de rapports sociaux. En 1940, le corporatisme prend la forme d’une organisation générale des professions servant de soutien à la politique économique et sociale du pouvoir central. La doctrine, à l’origine antilibérale, voire anticapitaliste, évolue sous le gouvernement de Vichy, en une série d’interprofessions dont le but est de gérer les problèmes de ravitaillement durant la période de pénurie. Comme nous l’avons évoqué précédemment, la plupart disparaissent ensuite, notamment dans l’industrie, du fait qu’elles n’ont pas de prise réelle sur les rapports économiques et sociaux

dans les branches qu’elles sont supposées gérer (ibid.). Au contraire, alors que la

corporation disparaît à la fin de la guerre, l’interprofession évolue jusqu’à devenir une instance de négociation de compromis, soit le lieu où se concrétisent les rapports de force

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De nombreuses interprofessions ont ainsi pu survivre en se bornant, par exemple, à des activités de promotion d’un produit (ibid.).

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économiques et sociaux. Au final, même si elle est plus ou moins explicitement porteuse d’arguments issus du corporatisme (efficacité des professions organisées, communauté d’intérêts et concertation), l’interprofession à base agricole se borne désormais à des fonctions de gestion (encadrement technique, organisation des marchés, communication) (ibid.).

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La concertation interprofessionnelle, issue des besoins de régulation dans le secteur des industries agroalimentaires françaises à partir des années 1930, a beaucoup évolué. Elle s’est notamment précisée avec la loi du 10 juillet 1975 posant les grandes lignes des interprofessions puis a été entérinée au niveau européen en 1999, à l’occasion de la réforme de l’OCM vitivinicole. Ses principes constitutifs, dont certains proviennent de la corporation, en font une organisation très particulière, au fonctionnement et aux actions spécifiques. Au final, l’interprofession est le lieu de la concertation permanente entre les opérateurs qui composent une filière. Elle leur permet de dresser les grandes lignes stratégiques de leur développement économique. Enfin, l’interprofession fonctionne selon un profond principe démocratique du fait des trois notions de représentativité de tous les collèges qui la composent, de parité entre ces collèges et d’unanimité dans le vote des accords interprofessionnels. Elle se démarque du corporatisme dans le sens où elle ne rejette pas le libéralisme économique et permet au contraire aux agents de mieux s’insérer dans l’économie libéralisée et mondialisée.

Si l’historique et les principes interprofessionnels en font une organisation très particulière, son fonctionnement et ses actions y contribuent tout autant.

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Section 2) Fonctionnement et actions des interprofessions2) Fonctionnement et actions des interprofessions2) Fonctionnement et actions des interprofessions2) Fonctionnement et actions des interprofessions

Les actions des interprofessions s’articulent autour de missions précises, fixées dans la réglementation. Elles couvrent un certain nombre de points différents, qui peuvent cependant être regroupés selon trois grands axes, à savoir la connaissance et la régulation du marché interne à la filière (gestion du marché de l’approvisionnement et encadrement des échanges entre les opérateurs), l’assistance et la recherche technique et la promotion des produits de la filière, soit trois grandes missions : une mission économique, une mission technique et une mission de communication (paragraphe 1). L’importance accordée à ces missions peut varier d’une filière à une autre, influençant le contenu des accords interprofessionnels, au cœur du fonctionnement de l’interprofession et qui en constituent le principal levier d’action. Leur statut légal est tout à fait particulier dans le sens où ils sont votés par les représentants des professionnels en concertation (origine privée) et sont ensuite étendus par les pouvoirs publics, s’imposant de ce fait à l’ensemble de la filière (dimension d’intérêt général) (paragraphe 2). Enfin, les interprofessions ont globalement pour but de défendre et promouvoir les intérêts des professionnels qui composent la filière et sont leurs premiers interlocuteurs, les autres interlocuteurs de l’interprofession étant l’Etat, et, selon les cas, les groupements de producteurs, les offices et autres dispositifs de régulation des marchés (paragraphe 3).

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