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Interprétation en termes de pseudospin atomique

Mesure quantique non destructive du nombre de photons

II.1.4 Interprétation en termes de pseudospin atomique

Pour clore cette partie, il est instructif de voir comment le processus de mesure que nous avons présenté peut se réinterpréter si l’on considère les détections atomiques comme des mesures sur un pseudospin.

II.1.4.a Retour à la sphère de Bloch

Nous avons vu au paragraphe I.3.3.b, que la détection d’un atome après la traversée d’un interféromètre de Ramsey de phase φr = −ϕ, peut s’interpréter comme la mesure du pseudospin atomique selon la direction uϕ. Dans la section I.4.2, nous avons également interprété l’interaction dispersive d’une superposition atomique avec la cavité comme un simple déphasage du pseudospin dans le plan équatorial de la sphère de Bloch. Finalement, lors de la mesure faible, nous essayons pour connaître le nombre de photons de mesurer la projection du pseudospin atomique qui lui est corrélé.

a b c

d

FigureII.6 – Décimation et sphère de Bloch. À gauche : Plan équatorial de la sphère de Bloch. La position des spins atomiques après interaction avec le champ préparé dans les états de Fock |0i à |7i est donnée pour un déphasage par photon φ0 = π/4. Les directions de mesures associées aux quatre phases de Ramsey a, b, c, d utilisées sont représentées À droite : Probabilités conditionnelles π(g|n, φa = 0). Elles sont égales à une constante près à la composante Sx du spin atomique.

La figure II.6.illustre le lien entre probabilités conditionnelles de détection et projection du spin, pour un interféromètre de phase φr = 0 et un déphasage par photons φa = π/4.

On a alors (cf. équation (I.67)) : π(g|n, φr = 0) = 1 2+ 1 2cos(φ(n)) = 1 2+hSxi.

La position du pseudospin dépendant de n, connaître précisément le pseudospin, c’est connaître le nombre de photons. On peut donc interpréter la nécessité d’effectuer de nom-breuses mesures faibles comme découlant de l’impossibilité d’estimer la projection d’un spin 1/2 à l’aide d’une détection unique. L’estimation précise de la projection du spin ne peut se faire que par la mesure de nombreux atomes (ou pseudospins) ayant interagi avec n photons. De même, pour différencier les différents états de spin dans le plan de la sphère de Bloch, il est nécessaire d’en estimer au moins deux projections, d’où le besoin que nous avons de varier la phase de Ramsey au cours d’une mesure.

II.1.4.b Mesure du déphasage par photon par tomographie de spin

Cette nouvelle interprétation nous fournit en outre une méthode pour mesurer les dé-phasages φ(n) correspondant aux différents nombres de photons, et ainsi calibrer ces para-mètres importants de l’expérience [65]. Si nous estimons assez précisément les projections orthogonales hSxi et hSyi du pseudospin atomique, nous pouvons en déduire sa direction ϕ :

ϕ = arctanhSyi hSxi.

En pratique, nous utilisons comme précédemment quatre phases de Ramsey a, b, c, et d, séparées de π/4 environ, telles que les directions de mesures associées soient approximative-ment alignées sur les directions du pseudospin correspondant à 0,1,2 et 3 photons (situation représentée à la figure II.6). On a alors pour chaque direction de mesure j :

hSji = π(g|j) − π(e|j).

Regroupant deux à deux les directions orthogonales entre elles, on peut obtenir deux esti-mations des composantes hSxi et hSyi. Notant (φ1, φ2) = (φa, φc) ou (φb, φd) :

hSxi = hS1i sin(φ2)− hS2i sin(φ1)

sin(φ2− φ1) , hSyi = hS1i cos(φ2)− hS2i cos(φ1)

sin(φ1− φ2) . (II.35) La moyenne de ces deux valeurs nous fournit une estimation des composantes du pseudos-pin.

Lors de la séquence expérimentale de calibration, l’injection d’un champ contenant environ 3,5 photons est suivi par l’envoi de 1800 échantillons atomiques interagissant dis-persivement avec la cavité. La phase de Ramsey est alternée (a, b, c, d, a...), et prend donc des valeurs aléatoires pour les quelques 600 atomes effectivement détectés (la statistique du nombre d’atomes par échantillon étant poissonienne). Pour chaque ensemble de 60 atomes détectés successifs, on estime les valeurs des projections du spin comme expliqué précé-demment. Cette expérience est répétée 2000 fois, et l’on accumule toutes les valeurs de spin moyen estimées.

FigureII.7 – Histogrammes des phases des spins atomiques (estimés sur des ensembles de 60 atomes détectés successivement) après interaction avec un champ quantique conte-nant quelques photons. Des pics sont claire-ment visibles, mettant en évidence le nombre fini des positions possibles du spin dans le plan équatorial de la sphère de Bloch, i.e. la quantification du nombre de photons dans la cavité.

FigureII.8 – Calibration du déphasage par photon. Les points sont les positions des centres des gaussiennes obtenues à la figure II.7. La ligne continue correspond à un ajus-tement polynomial d’ordre 2. Le déphasage induit par n photons est trouvé valant : φ(n) = (0, 255 ± 0, 003) π n − (0, 0015 ± 0, 0005) π n2.

Ceci permet de représenter un histogramme des phases estimées (figure II.7), pour des intervalles de comptage de largeur 0,02π. Celui-ci fait apparaître très clairement plusieurs pics régulièrement espacés. On met ainsi en évidence que le pseudospin occupe préférentiel-lement des positions discrètes bien déterminées dans le plan de la sphère de Bloch. L’effet dispersif dépendant de l’énergie du champ, et étant l’analogue d’un effet classique de dépla-cement lumineux, c’est en fait la quantification de l’énergie du champ qui est directement visible ici. Afin d’extraire de cette mesure les déphasages φ(n), on ajuste à cette courbe une somme de courbes gaussiennes de même largeur (représentées, ainsi que leur somme, à la figure II.7). Ceci permet d’extraire les positions des centres des pics en fonction du nombre de photons. Ces valeurs, tracées à la figure II.8, sont bien ajustées par une fonction quadratique de n :

φ(n) = (0,255± 0,003)πn − (0,0015 ± 0,0005)πn2.

Le terme quadratique est inclus pour décrire simplement l’éventuelle non-linéarité du dé-phasage par photon issue du développement des énergies propres. Ici, l’effet reste faible : pour n = 7, la contribution non-linéaire ne vaut que 4% de la valeur du terme linéaire. C’est cette forme simplifiée du déphasage par photon, obtenue pour un désaccord δ = 2π · 238 kHz que nous utilisons dans nos expériences.

Le nombre d’atomes choisi pour effectuer l’estimation du spin résulte comme pour la décimation du nombre de photons d’un compromis : d’une part, l’augmentation du nombre

d’atomes permet de préciser l’estimation, et donc d’affiner les pics de l’histogramme ; d’autre part, si le temps nécessaire à l’accumulation de ces détections est trop élevé, le nombre de photons peut changer au beau milieu d’une fenêtre, et brouiller l’estimation. Ici la mesure de 60 atomes permet d’obtenir de pics bien distincts en une durée d’environ 15 ms, relativement courte par rapport au temps de vie de la cavité (65 ms).

Cette partie nous a permis de présenter le principe de la mesure quantique non-destructive «passive» du nombre de photons, telle qu’elle a été utilisée précédemment dans le groupe [107, 21, 22]. Nous avons également pu introduire des outils d’analyse des résultats dont nous nous resservirons dans la suite de ce manuscrit. Nous allons maintenant présenter comment la possibilité de contrôler en temps réel notre dispositif expérimental peut être mise à profit pour améliorer cette mesure.

II.2 Mesure adaptative