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Mesure quantique non destructive du nombre de photons

II.2.3 Estimateur quantique

Nous précisons dans cette section quelques éléments de l’estimation des probabilités, telle qu’elle sera effectuée en temps réel dans notre expérience. Nous expliciterons d’abord la prise en compte de détections atomiques multiples, puis celle de la relaxation. Soulignons que ces précisions sont valables aussi bien pour nos expériences que pour les expériences passives déjà présentées [22, 25].

Remarquons avant toute chose que l’action des POVM de mesure ou de la relaxation ne couple les populations du champ qu’entre elles, sans qu’interviennent les cohérences du champ. Notre but étant la mesure d’états de Fock, donc essentiellement la convergence

Préparation � = � mesure passive Mesure adaptative Vérification � = � mesure passive (a)

Sélection des trajectoires : � = �

Mesure adaptative + relaxation � = � Vérification mesure passive

Reconstruction de l’état préparé par maximum de vraisemblance

(b)

Figure II.12 – Structure schématique des expériences proposées. Dans une première ex-périence (a), nous pouvons effectuer avant et après une mesure adaptative de durée fixe deux mesures passives du nombre de photon ; en sélectionnant les traces pour lesquelles ce nombre n’a pas changé entre les mesures passives, on «enlève» la relaxation du système. Dans l’expérience (b), la décimation des populations avec une phase adaptée s’accompagne d’une prise en compte de la relaxation ; une mesure passive permet ensuite la reconstruction de l’état préparé.

d’une population vers 1, nous pouvons nous contenter simplement de manipuler les po-pulations P (n) dans notre estimation d’état. Ceci a l’avantage de simplifier grandement les calculs, puisque les objets traités sont des vecteurs de taille NH = nmax+ 1, taille de l’espace de Hilbert tronqué (NH = 8 ici), au lieu de matrices densité de taille N2

H. Ceci apporte une réduction du temps de calcul bienvenue pour parvenir au contrôle en temps réel de l’expérience.

II.2.3.a Décimation et détections atomiques

Nous avons donné, à l’équation (II.14) les POVM Egr) et Eer) associés à la dé-tection d’un atome unique après interaction avec le champ. En pratique, les échantillons atomiques traversant la cavité contiennent un nombre aléatoire d’atomes suivant une distri-bution de Poisson (Pa(na) = e−nanana/na!), et il faut nous assurer de pouvoir encore décrire correctement la mesure dans ce cadre. En effet, le passage de deux atomes dans la cavité est a priori plus complexe à décrire : le couplage global entre atomes et champ est

aug-menté, et des phénomènes de collisions assistées [109] peuvent par exemple se produire, lors desquels les deux atomes échangent leurs excitations par le biais de photons virtuels. Nous avons cependant pu vérifier par des simulations que pour la valeur de désaccord employée (δ = 2π · 238 kHz), le couplage simultané de deux atomes induit la même modification de l’état du champ que le passage successif de deux atomes en couplage dispersif.

Cette approximation est valide pour deux atomes effectivement couplés à la cavité. Or, tous les atomes traversant la cavité ne sont pas nécessairement détectés. Les composants des détecteurs (lentilles et multiplicateurs d’électrons) ne fonctionnent pas parfaitement, et conduisent à une efficacité de détection ǫd< 1. Dans le cas général, pour estimer précisé-ment la matrice densité du champ en présence d’erreurs de détection, il faut construire une carte quantique réalisant le mélange statistique de tous les résultats ayant pu conduire à la détection constatée (voir par exemple [65]). Cette description est considérablement simpli-fiée dans notre cas. En effet, comme nous l’avons déjà mentionné au paragraphe II.1.1.d, les POVM à un atome Eeet Eg ne modifient pas les populations lors d’une mesure non-lue. Les détections à deux atomes pouvant être considérées comme deux mesures successives à un atome, ceci reste vrai dans la mesure où l’on a pas plus de deux atomes réellement couplés à la cavité. Si l’on ne s’intéresse qu’aux probabilités, on a donc formellement :

MnlP = P. (II.42) c’est-à-dire que l’action d’une mesure non-lue (équivalente à la non-détection d’un atome ayant interagi avec la cavité) ne modifie pas les probabilités des nombres de photons.

Ainsi, seuls les atomes effectivement détectés modifient notre estimation de la distribu-tion du nombre de photons. Nous n’avons formellement pas à prendre en compte l’efficacité de détection pour suivre l’évolution des populations.

À la détection µ correspond donc la modification des populations :

P 7→ P = MµP = EµP

kEµPk1. (II.43) où l’on note pour un vecteur Q de composantes Q(n) positives kQk1 = P

nQ(n). Les POVM associés aux résultats de détection doubles µ ∈ {ee, gg, eg} s’écrivent simplement :

Eeer) = Eer)2, Eggr) = Egr)2, Eegr) = Eer)Egr).

Efficacité de détection : Les résultats simples donnés ci-dessus sont valides dans la limite où l’on a pas plus de deux atomes à la fois dans la cavité. Il faut donc nous soucier du nombre d’atomes réel (et non pas mesuré) traversant la cavité. Ce nombre moyen d’atomes réels n(r)

a est lié au nombre moyen d’atomes détectés n(d)

a par l’efficacité de détection :

n(r)a = n

(d) a

La valeur de l’efficacité de détection a varié au cours de l’histoire du montage : valant initialement 0,85, elle a diminué pour atteindre dernièrement la valeur ǫd = 0,30± 0,05 pour les expériences présentées ici8

. On trouvera plus de détails sur sa mesure précise par exemple dans la thèse de Clément Sayrin [66]. Cette valeur nous a amené à limiter le nombre d’atomes détectés par échantillon à n(d)

a = 0,35. Une telle valeur assure d’une part suffisamment de détections pour que la mesure converge sur un temps plus court que le temps de vie de la cavité, et d’autre part que les évènements à plus de 2 atomes ne représentent que 8% des cas. Nous négligerons ces évènements dans la suite.

II.2.3.b Relaxation

Nous devrons dans certaines étapes de nos expériences prendre en compte la relaxation du champ dans la cavité. Pour cela nous utiliserons le développement au premier ordre de l’équation maîtresse (I.22), pour l’intervalle de temps Ta = 83 µs ≪ Tcav. Si l’on se limite aux populations, cette relaxation élémentaire prend la forme [25] :

TP = (✶ + τL)P, (II.44) où τ = Ta/Tcav et la matrice L est donnée par ses éléments non-nuls (l’indice n est ici tel que 0 < n < nmax) :

L0,0=−nth, L0,1 = 1 + nth, (II.45)

Ln,n−1= nnth, Ln,n=−[n(1 + nth) + (n + 1)nth], Ln,n+1 = (1 + n)(1 + nth),

Lnmax,nmax−1 = nmaxnth, Lnmax,nmax =−nmax(nth+ 1).

Notons qu’il est tout à fait possible de mener le développement à un ordre supérieur. Toutefois, le paramètre τ étant de l’ordre de 10−3, nous nous contenterons du premier ordre, notamment afin d’assurer la rapidité du calcul numérique.

Remarque : Nous avons donnés les lois nécessaires à l’actualisation de la distribution de probabilités. De manière générale, dans nos expériences, c’est une distribution estimée que nous manipulons : les expériences présentées plus haut partaient ainsi d’une distribution plate du nombre de photons, qui ne correspond pas à l’état réel initialement injecté. Nous nous sommes déjà convaincus que la distribution estimée convergeait vers le même nombre de photons que la distribution réelle lors de la mesure QND (voir le paragraphe II.1.1.e). Il est intéressant de mentionner une propriété plus générale. Définissons la fidélité [110] :

F(ρ1, ρ2) = Tr  q√ρ 1ρ2ρ 1  ,

8. On peut probablement accuser le vieillissement des multiplicateurs d’électrons, ainsi que des défauts d’alignement résiduels des détecteurs, suite à un accident grave survenu sur le cryostat à azote.

pour deux matrices densités ρ1et ρ2. Cette définition, qui coïncide avec la définition usuelle pour des états purs, est l’une des généralisations possibles de la fidélité aux matrices densi-tés. Alors, si l’on considère à chaque étape de notre processus discret de mesure l’état réel ρ(r) et l’état estimé ρ(e), on peut montrer [111] que la fidélité F(ρ(r), ρ(e)) entre état réel et estimé ne peut qu’augmenter en moyenne au cours de la mesure, aussi différents soient-ils au départ (à condition qu’ils aient le même support).

Conclusion

Ce chapitre nous a permis de présenter comment le couplage dispersif des atomes et du champ peut être exploité pour réaliser une mesure idéale (de von Neumann) du nombre de photons dans la cavité. Celle-ci s’obtient comme le résultat d’un grand nombre de mesures faibles effectuées par des atomes individuels. Nous avons vu comment des expériences où la phase de Ramsey définissant la mesure prend des valeurs discrètes séparées de π/4 de façon aléatoire ont déjà permis d’observer de nombreuses caractéristiques du comportement quantique du champ : quantification du nombre de photons et sauts quantiques, relaxation des populations en moyenne suivant un équation maîtresse.

Nous avons pu constater ensuite que cette méthode n’est cependant pas optimale en termes d’acquisition d’information : on peut envisager d’aboutir plus vite au résultat re-cherché (un nombre de photons) en modifiant les caractéristiques de notre appareil de mesure (l’interféromètre de Ramsey) en fonction de l’information déjà acquise. Nous avons donc présenté le principe de deux expériences dans lesquelles nous voulons adapter en temps réel la phase de Ramsey. Le but du prochain chapitre est de préciser les détails de leur mise en œuvre dans notre montage expérimental.