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Chapitre 1 : L’exobiologie et Mars, ExoMars

4.2 Interactions avec un milieu non homogène

4.2.1 Comportement au passage d’interfaces

4.2.1.3 Interfaces rugueuses

La rugosité des interfaces entre les unités géologiques gouverne largement l’efficacité de la réflexion des ondes émises, ainsi que les phénomènes de dépolarisation.

Lorsque la rugosité de la surface est du même ordre de grandeur que la longueur d’onde incidente, une diffusion importante apparait et diminue drastiquement l’amplitude de l’onde réfléchie dans la direction

spéculaire (retro réfléchie si l’incidence est normale). On assiste également à des phénomènes de dépolarisation dus aux pentes et aux arêtes des facettes réfléchissantes de la surface.

Afin de caractériser et de quantifier les différents types de rugosité, on utilise souvent le critère de Rayleigh. Ce critère est défini, pour une onde plane, en calculant la différence de marche entre deux rayons incidents parallèles arrivant sur une interface qui présente des variations de hauteur. Le déphasage entre les deux signaux, dans le cas d’une réflexion spéculaire, s’exprime de la façon suivante :

∆ = ∆ (cos cos ) ∆ (sin − sin ) (4.2-2)

Les paramètres géométriques sont précisés dans le plan d’incidence moyen (défini par le vecteur de propagation de l’onde d’incidence et la normale au plan moyen de la surface). est le nombre d’onde. est l’angle d’incidence et l’angle d’observation. ∆ est la différence de hauteur entre les deux points de réflexion et ∆ est la différence de position horizontale dans le plan d’incidence.

En rétrodiffusion et incidence normale, la formule donne ∆ = 2 ∆

Les interférences entre ces rayons dépendent de cette différence de phase. Pour ∆ ≪ , les deux ondes sont en phase, produisent des interférences constructives et la surface se comporte comme si elle était lisse. Pour ∆ ≅ , les deux ondes sont en opposition de phase et produisent des interférences destructives dans la direction d’observation, la contribution d’énergie dans la direction spéculaire est minimale. Le critère de Rayleigh stipule que si ∆ > , la surface peut être considérée comme rugueuse. Si ∆ ≪ , elle peut être définie comme très lisse. Pour caractériser dans son ensemble une interface, il est alors possible de substituer à ∆ℎ l’écart-type des hauteurs de la surface . Le critère de Rayleigh devient alors < , où est le paramètre de Rayleigh qui s’écrit :

= cos ( ) (4.2-4)

Les fréquences de fonctionnement de l’instrument WISDOM se situent entre 0,5 GHz et 3 GHz, résultant en des longueurs d’onde allant de 10 cm à 60 cm dans l’air. Dans la glace, de permittivité réelle 3.2, ceci revient à des longueurs d’onde situées entre 3 cm et 20 cm.

Les Figure 4.2-9 à Figure 4.2-11 contiennent des simulations de surfaces rugueuses selon deux polarisations différentes. Ils ont été générés à partir du logiciel TEMSI-FD, basé sur la méthode des différences finies, développé par le l’Institut XLIM de Limoges. Nous y consacrerons une partie dans le volet Modélisation de ce manuscrit. La géométrie d’acquisition et les paramètres instrumentaux sont conformes à ceux de WISDOM, et la scène est constituée d’une couche d’air surmontant une couche de glace. L’interface entre les deux milieux est rugueuse. Pour chaque interface, la longueur de corrélation et les informations sur les variations de hauteurs de la surface (écart-type et histogramme des hauteurs) sont indiqués. Précisons tout de même que dans le cas des surfaces présentant une grande longueur de

corrélation, ces paramètres ne sont pas représentatifs du profil réellement effectué (qui passe au milieu de la surface le long de l’axe X) elles ne sont pas statistiquement représentatives du profil effectué. Pour le premier exemple uniquement, on affichera les radargrammes pour les deux polarisations X et Y et les histogrammes des hauteurs pour les profils simulé et vu par WISDOM.

Commençons avec une surface que l’on peut qualifier de très rugueuse, avec des variations de hauteurs de l’ordre de quelques centimètres (Figure 4.2-9) et une grande longueur de corrélation (donc des variations plutôt douces de pente pour les facettes réfléchissantes). On se trouve ici dans un cas « rugueux » au sens de Rayleigh, pourtant le radar semble capable de détecter et de suivre la topographie de la surface. L’écho principal de la surface principal (qui se traduit par une séquence noir-blanc-noir sur le radargramme) s’étale sur 1-1.5 nanosecondes. Les composantes X et Y du champ qui représentent deux polarisations différentes sont similaires en terme de géométrie, mais n’ont pas la même amplitude le long de la surface. Ceci est dû à l’effet dépolarisant des facettes inclinées, qui renvoient plus ou moins de signal vers l’antenne de réception. On constate que les données radar simulées permettent bien de retrouver les bons paramètres de rugosité (écart-type des hauteurs et longueur de corrélation).

Figure 4.2-9 : En haut : surface rugueuse en entrée du modèle et son autocorrélation. Elle sépare une couche d'air d'une couche de glace homogène. Au milieu : radargrammes selon deux polarisations issus de la simulation d'un

profil au-dessus de la surface rugueuse et profils des hauteurs de la surface simulée et vue par WISDOM. En bas : autocorrélations et histogrammes des hauteurs le long du profil simulé et vu par WISDOM.

Poursuivons avec une faible rugosité (Figure 4.2-10Erreur ! Source du renvoi introuvable.), on restera pour cet exemple avec des variations de hauteur comprises entre -5 mm et +5 mm et une grande longueur de corrélation. On se trouve dans la gamme des surfaces « lisses » selon le critère de Rayleigh. On remarque en effet que le radar est toujours capable de suivre la topographie de la surface. L’écho s’étale sur 1-1.5 nanosecondes.

Figure 4.2-10 : En haut : Surface rugueuse en entrée du modèle et son autocorrélation. En bas : topographie le long du profil simulé et vu par WISDOM. Les longueurs de corrélation et les écarts-types des hauteurs pour la

surface simulée d’une part et déduits des données d’autre part sont également précisés.

Venons-en à notre dernière surface

Figure 4.2-11) : une faible rugosité en termes de variations de hauteurs, mais cette fois avec une très petite longueur de corrélation. On se trouve toujours dans la gamme « lisse » selon le critère de Rayleigh. Cette fois, des phénomènes de diffusion apparaissent, avec un étalement en temps de la réponse de la surface, qui ne couvrait que 1 nanoseconde dans les deux premiers cas, et qui s’étale maintenant sur plus de 2.5 nanosecondes. La topographie de la surface n’est pas détectée et le traitement des données radar ne permet pas de retrouver la bonne valeur pour l’écart-type des hauteurs. On arrive cependant à retrouver une longueur de corrélation du même ordre de grandeur que la surface simulée.

Figure 4.2-11 : En haut : surface rugueuse en entrée du modèle et son autocorrélation. En bas : profils des hauteurs de la surface simulée et vue par WISDOM. Les longueurs de corrélation et les écarts-types des hauteurs

pour la surface simulée d’une part et déduits des données d’autre part sont également précisés

Ces simulations démontrent la limitation du critère de Rayleigh comme nous l’avons écrit, qui ne tient compte que des variations de hauteur de la surface, mais pas de « l’organisation spatiale » de ces variations. On constate en effet que la longueur de corrélation joue un rôle important sur le caractère diffusif des structures. Une estimation de l’écart-type de la phase induit par une surface rugueuse pour le cas de WISDOM en fonction de l’écart-type des hauteurs et de la longueur de corrélation est représenté Figure 4.2-12. Cette figure a été générée par simulations numériques de surfaces rugueuses dont les écarts-types des hauteurs varient entre 0 à 15 cm et les longueurs de corrélations entre 0 et 20 cm. Pour chaque point de chaque surface, le trajet entre l’antenne d’émission, le point et l’antenne de réception a été calculé Les écarts-types des déphasages induits par ces surfaces sont représentés en couleur pour une fréquence centrale de 1 GHz. Les limites entre les cas rugueux et lisse pour des critères de ∆φ=π/4 et ∆φ=π/8, pour WISDOM et au sens du critère de Rayleigh (qui ne tient compte que des écarts-types de hauteurs de la surface) sont également indiquées. La limite au sens de Rayleigh est plus restreinte qu’en réalité, puisque pour les mêmes variations de hauteurs, une longueur de corrélation importante permet de maintenir la surface dans la catégorie « lisse », alors que le critère de Rayleigh ne tient compte que du cas extrême où la longueur de corrélation est minimale.

Figure 4.2-12 : Déphasage global induit par une surface rugueuse pour la configuration géométrique de WISDOM (noir) et selon le critère de Rayleigh (rouge) en fonction de l'écart-type des hauteurs et de la longueur

de corrélation de la surface rugueuse en incidence normale, pour une fréquence centrale de 1GHz. Les traits pleins, (resp pointillés) représentent la limite à π/8 (resp π/4)

Observons maintenant la rugosité apparente vue par l’instrument WISDOM dans le cas de la détection de surfaces rugueuses. Nous avons conduit des simulations sous TEMSI-FD prenant en compte une couche d’air surmontant une couche de glace, séparées par une interface rugueuse. Les paramètres instrumentaux sont identiques à ceux de WISDOM. Les surfaces rugueuses simulées avec différents jeux de paramètres ( , ) sont présentées dans le Tableau 4.2-1.

Tableau 4.2-1 : Surfaces rugueuses simulées pour fournir une base d’aide à l’interprétation des données du GPR WISDOM.

Type de rugosité simulée σh (cm) lcorr (cm)

Surface 1 Lisse 0 ∞

Surface 2 Faible, variations lentes 1.6 14

Surface 3 Faible, variations moyennes 2.5 3.1

Surface 4 Faible, variations rapides 2.3 0.5

Surface 5 Moyenne, variations lentes 5 14

Surface 6 Moyenne, variations moyennes 8 11

Surface 7 Moyenne, variations rapides 5 5

Surface 8 Forte, variations lentes 14 19

Surface 9 Forte, variations moyennes 14 9

Figure 4.2-13 : Résultats des simulations conduites pour l'étude de la rugosité : comparaison entre les paramètres de rugosité en entrée des simulations et déduits des radargrammes produits sous TEMSI-FD. Les numéros correspondent aux différentes surfaces simulées listées dans le Tableau 4.2-1. La ligne blanche représente la

limite entre les cas lisse et rugueux pour WISDOM.

Les paramètres de rugosité vus par le radar déduits des radargrammes produits par simulation sont représentés Figure 4.2-13. WISDOM est capable de retrouver la longueur de corrélation de la surface pour presque tous les cas simulés, avec une erreur moyenne de 2 cm. L’écart-type des hauteurs restitué par le radar a quant à lui permis de délimiter les zones lisse et rugueuse au sens de WISDOM : lorsque la diffusion est importante, l’étalement de l’écho de surface induit en effet une surestimation de σh, parfois très importante (de l’ordre de 12 cm). On remarque que la zone « lisse » couvre des gammes de rugosité plus importantes dans le cas de WISDOM que pour une limite de différence de phase inférieure à pour une fréquence de 1 GHz. Ceci est cohérent étant donné que la limite blanche a été déterminée avec la contribution de toutes les fréquences, de 0.5 GHz à 3 GHz. Ces simulations nous ont également permis d’estimer l’impact de la rugosité sur la méthode de restitution de la constante diélectrique que nous avons développée et que nous présenterons un peu plus loin dans ce manuscrit.