• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : L’exobiologie et Mars, ExoMars

1.4 Un exemple de mission spatiale exobiologique : ExoMars

2.1.4 Conditions attendues sur Mars

Les performances des instruments dont le principe est basé sur l’interaction des ondes électromagnétiques avec la matière pour sonder les sous-sols sont liées aux paramètres constitutifs des différentes couches traversées par les ondes. Comme nous venons de le voir, le sous-sol de Mars a été très peu exploré jusqu’à présent. Nous dédions d’ailleurs une partie de ce Chapitre (2.4.1) aux seuls instruments actuellement en vol capables de sonder son sous-sol, à savoir les radars MARSIS et SHARAD. La minéralogie est cependant bien connue en surface, notamment grâce au spectromètre OMEGA. Globalement, la couleur orangée de Mars témoigne de la présence d’oxydes de fer (hématite, maghémite..), plus ou moins hydratés, qui recouvrent la totalité de la planète sous la forme d’une couche de poussières de quelques centimètres à quelques mètres d’épaisseur. Les terrains les plus vieux situés au Sud ont été identifiés comme étant de nature basaltique, alors que les plaines du Nord seraient principalement composées d’andésite, ce qui témoigne de deux types de volcanisme ayant eu lieu à des époques différentes (Bandfield et al., 2000 ; Christensen et al., 2000 ; Alberti et al., 2012). En ce qui concerne les pôles, des dépôts de glace d’eau et de glace de CO2 sont présents en quantité, comme nous allons le voir à travers les résultats de MARSIS et SHARAD. Les occurrences de minéraux non hydratés dominent, cependant la cartographie globale des minéraux hydratés (différents types d’argile, de l’hématite, des minéraux ferromagnétiques) réalisée par Poulet et al. (2007) a mis en évidence des dizaines de sites ayant subi une altération aqueuse, dont 4 régions très étendues, information confirmée ensuite par de nombreuses études (Valles Marineris (Roach et al., 2010), Meridiani Planum (Poulet et al., 2008), Mawrth Vallis (Loizeau et al., 2007) et Nili Fossae (Mangold et al., 2007)). L’altération de ces minéraux aurait eu lieu principalement durant la première partie du Noachien. La présence de ces matériaux argileux, de sels, carbonates ou de roches magnétiques peuvent être à l’origine de fortes atténuations pour les fréquences radar. Les valeurs mesurées grâce aux instruments MARSIS et SHARAD donnent des constantes diélectriques en surface comprises entre 2.5 et 10 (Figure 2.1-5), et des tangentes de pertes relativement élevées, de l’ordre de 0.1 (Campbell et al., 2008, Stillman and Grimm, 2011).

Figure 2.1-5 : Carte de la permittivité réelle à la surface de Mars, obtenue à partir des données MARSIS. Source : Mouginot et al., 2010.

Sur certains terrains volcaniques présentant de forts taux d’oxyde de fer, les prédictions à 200 MHz donnent des valeurs proches de 10 dB/m (Heggy et al., 2006). Enfin, la perméabilité des roches étant en grande partie gouvernée par la présence de matériaux ferromagnétiques (Olhoeft and Capron, 1994), on ne peut pas toujours considérer que la couche de poussières a une valeur de perméabilité réelle égale à 1, comme c’est le cas pour de nombreux matériaux. Des mesures sur des analogues martiens prédisent des valeurs entre 1 et 1.6 pour ′ et entre 1.10-2 et 5.10-2 pour ′′ (Stillman and Olhoeft, 2008). Il est en effet possible d’effectuer des mesures en laboratoire sur des échantillons terrestres analogues à ceux présents sur la surface martienne pour déterminer leurs propriétés géoélectriques probables (Heggy et al., 2001 ; Stillman and Olhoeft, 2008 ; Petinelli et al., 2007 ; Leuschen, 1999). En effet, les seuls échantillons d’origine martienne disponibles sont des fragments de météorites qui ont subi de nombreuses altérations au cours de leur transport. Pour obtenir des échantillons représentatifs, il faudra attendre la mission prévue par la NASA pour la collecte puis le retour de fragments de roches. La confrontation des résultats issus de l’analyse des données géoradar avec ces mesures effectuées en laboratoire peut venir en appui à l’interprétation pour la caractérisation électromagnétique des milieux géologiques, et de nombreux échantillons de roches diverses et variées ont d’ores et déjà été caractérisés pour différentes gammes de fréquences (Bost et al., 2013).

Dans tous les cas, les mesures de paramètres diélectriques en laboratoire doivent être maniées avec précautions, les échantillons doivent en effet très souvent être réduits en poudre pour leur caractérisation, ce qui a forcément une influence importante sur leurs propriétés électromagnétiques (comme nous l’avons vu, la densité des matériaux influence très fortement la valeur de la constante diélectrique). Ainsi, la comparaison entre les résultats issus de méthodes non destructives comme le GPR et les mesures en laboratoire doit au maximum rester indicative.

Dans le sous-sol

La composition du sous-sol, quant à elle, ne peut être prédite que par des modèles, et ceux existants s’intéressent à des échelles spatiales importantes, ne faisant que peu de cas du régolithe (les premiers mètres de profondeur sont souvent assimilés à une couche homogène de poussières (Clifford, 1993; Heggy et al., 2003). On peut cependant étudier certaines figures morphologiques à la surface et analyser la stratigraphie exposée le long des parois des cratères (Quantin et al., 2012 ; Ciarletti et al., 2015) , ce qui permet de contraindre la composition et la géométrie du proche sous-sol (Figure 2.1-6).

Figure 2.1-6 : Image HIRISE révélant la stratigraphie le long des bords d'un cratère. Source : NASA/JPL

Un exemple de modèle géoélectrique du sous-sol martien proposé par Heggy et al. (2003) est présenté Figure 2.1-7, avec les propriétés électromagnétiques des différentes couches pour les fréquences centrales de MARSIS et SHARAD. Le modèle élaboré tente de reconstituer un terrain à fort flux géothermique, et trois autres modèles reproduisant une vallée de débâcle, un terrain caractéristique des plaines du Nord et un environnement évaporitique (sédiments formés par dessiccation au cours de l’assèchement d’une mer ou d’un lac) ont été mis au point. Les paramètres électromagnétiques ont été déduits de l’analyse électrique d’un grand nombre d’analogues terrestres. Les caractéristiques de la première couche en particulier, constituée de sédiments secs, ont été estimées à partir de mesures réalisées sur des échantillons lunaires (Olhoeft et al., 1974) et de lois de mélange reliant la permittivité à la densité (Olhoeft, 1992). Les couches sont supposées homogènes et parallèles en accord avec la stratigraphie observée le long des parois des cratères de Valles Marineris (Mc Ewen et al., 1999). La première couche de poussières s’étend sur quelques mètres de profondeur et est composée de poudre de basalte sec mélangée à de l’hématite et de la magnétite. Un tel mélange devrait avoir une constante diélectrique importante, mais la porosité très élevée de cette première couche (50%) induit une diminution de sa valeur. Ces modèles indiquent que les valeurs probables de constante diélectrique se situent entre 2.7 pour les matériaux secs et poreux et plus de 30 pour les milieux humides et denses. Les valeurs de conductivité, perméabilité et partie imaginaire de la permittivité sont relativement élevées, impliquant de fortes atténuations lors de la propagation des ondes électromagnétiques. Dans tous ces modèles, la première couche est considérée homogène sur une dizaine de mètres de profondeur, ce qui n’indique pas grand-chose au niveau des profondeurs de sondage visées par WISDOM, qui sont plus faibles (3 m à 5 m). L’interprétation n’en sera que d’autant plus délicate étant donné qu’aucun a priori n’est disponible pour cette gamme de profondeurs. L’instrument WISDOM représente ainsi la première opportunité pour l’observation plus précise du contexte géologique en proche sous-sol.

Figure 2.1-7 : Exemple de modèle géoélectrique d’un sous-sol martien (Heggy et al., 2003)

2.2 La propagation des ondes électromagnétiques dans les milieux