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Chapitre 1 : L’exobiologie et Mars, ExoMars

5.1 Les méthodes d’estimation des propriétés du sous-sol à partir des données de WISDOM

5.1.1 Accès à la constante diélectrique en surface

La configuration particulière de WISDOM, dont les antennes seront situées à environ 35 cm du sol, peut constituer un avantage pour l’estimation de la constante diélectrique en surface, via la comparaison de deux signaux récupérés dans la même configuration, l’un contenant la réflexion d’un signal sur un sol

naturel, et l’autre sur un réflecteur parfait. Cette méthode a déjà été discutée par plusieurs auteurs et constitue un moyen robuste pour déterminer la partie réelle de la permittivité en surface le long du trajet des antennes (Slob et al., 2010, Chanzy et al., 1996).

Il est effectivement possible de conserver l’écho correspondant à l’arrivée sur la surface, en sélectionnant le bon intervalle de temps (pour une distance de 30 cm entre la surface et le sol, l’écho met environ 2 ns à arriver suite au couplage direct des antennes) pour en déduire le coefficient de réflexion et donc la constante diélectrique de la surface.

En champ lointain, la formule de Friis (Friis et al., 1957) permet d’exprimer la puissance de l’écho revenant d’une surface lisse en fonction des paramètres du radar, de la distance des antennes à la surface, et du coefficient de réflexion de la surface :

= ( )² = ² (5.1-1)

Avec la puissance de l’écho revenant de la surface, le coefficient de réflexion, la puissance transmise à l’antenne d’émission, et les efficacités en émission et réception, et

sont les gains respectifs des antennes d’émission et de réception, est la longueur d’onde et la distance entre les antennes et la surface.

Dans le cas d’une surface lisse, en incidence normale et pour une onde plane, le coefficient de réflexion dépend uniquement de la permittivité et est donné par :

= . (5.1-2)

Les autres paramètres contenus dans le facteur K sont liés aux paramètres du radar et à sa configuration. Ainsi, si l’on utilise un conducteur parfait, il est possible de mesurer expérimentalement ce facteur. Une plaque métallique de dimensions suffisantes placée à la même distance que la surface peut donc faire office de référence (Slob et al., 2010, Maser and Scullion, 1992), et possède un coefficient de réflexion

= −1.

La puissance reçue est alors = (5.1-3)

Le rapport des puissances émise et reçue nous permet de supprimer le facteur K, on obtient :

= ² (5.1-4)

Ainsi, ε = (5.1-6) Il est donc possible, à partir de la mesure de , d’estimer ε

5.1.1.2 Validation

Il nous a semblé important de tester la méthode que nous venons de décrire en l’appliquant sur des données simulées sous TEMSI-FD. En effet, il est vital de quantifier l’impact des conditions expérimentales sur la validité de cette méthode. Celle-ci est en théorie valable dans la zone de champ lointain, qui se situe à environ 1,5 m de distance dans le vide dans le cas de WISDOM (comme nous l’avons vu dans le Chapitre 3). Les antennes sont à une distance d’environ 35 cm de la surface, nous n’entrons donc pas dans ce cadre. De plus, la méthode expérimentale que nous utilisons consiste à obtenir une réflexion sur une plaque métallique de dimensions limitées (1 50 ), notamment pour des soucis de logistique dans des contextes de mesures terrain. Le code développé pour estimer la constante diélectrique à partir des mesures sur la surface et d’une mesure sur une plaque métallique (conducteur parfait) a donc été utilisé sur des données simulées. La méthode d’estimation de ε’ en surface donne de très bons résultats dans le cas idéal d’une surface lisse et de milieux homogènes, comme l’indique la Figure 5.1-1.

Figure 5.1-1 : Simulations TEMSI de la méthode basée sur l’exploitation de l’écho de sol avec la configuration de WISDOM. A gauche : illustration de la simulation pour la mesure sur plaque métallique. A droite : résultats

pour l'estimation de la constante diélectrique.

L’impact de plusieurs paramètres peut cependant rendre l’estimation difficile, au premier rang desquels la rugosité de surface, qui a pour effet, lorsqu’elle est diffusante, d’étaler l’écho propre à la surface qui peut même se retrouver superposé au couplage direct entre les antennes ou à d’autres échos provenant de son voisinage. C’est ce que nous allons aborder et tenter de quantifier dans la partie (5.1.2).

5.1.1.3 Résultats

La méthode d’exploitation de l’écho de sol a été utilisée pour les différentes campagnes de mesures effectuées avec les prototypes de WISDOM. Les résultats principaux sont listés dans le Tableau 5.1-1. Dans le cas des tests en environnement contrôlé (Dechambre et al., 2012), ceux-ci ont été conduits en collaboration avec le laboratoire GEOsciences Paris Sud (GEOPS) dans une chambre froide où les équipes étudient les comportements des milieux froids, notamment dans des environnements analogues martiens (Costard et al., 1996, ).

Tableau 5.1-1 : Estimation de la constante diélectrique en surface pour les différents lieux sondés avec WISDOM Campagne de mesures Type de terrain ε' Ecart-

type Références dans la littérature Dachstein Mars

simulation, Autriche Glace 3.2 0.25 (Petrenko and Whitworth, 1999) 3.15 pour la glace pure SAFER, Chili Sable sec, poussières, roche 3.4 0.30 (Williams and Greeley, 2004) 2.6-4

Etna,Sicile Dépôts pyroclastiques 5.7 0.35

2-15

(Rust et al., 1999) en fonction de l’humidité et de la densité Chamonix, Alpes Neige 2.8 0.63 (Mätzler, 1996) en fonction de 1.7-3

l’humidité et de la densité GEOPS, Orsay Pergélisol en chambre froide 3.35 0.22

2-8

(Martinez and Byrnes, 2001 ; Annan and Davis, 1976) en fonction de la quantité

de bulles d’air, d’impuretés et de la densité

GEOPS, Orsay Sable sec en chambre froide 2.73 0.27 (Mätzler, 1998) 2.7-2.8

Revenons un petit moment sur les mesures en environnement froid et contrôlé. L’expérience menée au laboratoire GEOPS avait pour objectifs d’une part de déterminer si WISDOM est bien capable d’identifier la stratification entre plusieurs milieux homogènes, et d’autre part de tester notre méthode basée sur l’écho de sol en environnement connu. L’expérience consiste à remplir une cuve disposée dans une chambre froide d’une couche de pergélisol surmontée par une couche de sable sec, de 10 cm d’épaisseur chacune. Le radargramme obtenu présente des échos en accord avec les temps d’arrivée théoriques des ondes aux différentes interfaces, ce qui témoigne de la capacité de l’instrument à distinguer de fines couches successives. En outre, la valeur de la constante diélectrique de la première couche peut être retrouvée de deux façons différentes :

 A partir des mesures des temps d’aller-retour des ondes et connaissant l’épaisseur des couches, on utilise la relation suivante : = = √ ′. Les résultats trouvés par cette méthode sont les suivants : ′ _ = 2.71 ; ′ = 3.72 .

 A partir des mesures d’amplitude connaissant celle correspondant à la réflexion sur une plaque métallique (référence) : = = . Le résultat trouvé par cette méthode est le suivant : ′ _ = 2.73;

En résumé, WISDOM s’est avéré capable de détecter la transition entre le sable sec et le pergélisol, ce qui est capital étant donné que la configuration d’une couche de sable sec surmontant une couche de glace pourrait être rencontrée sur Mars. De plus, la valeur de la constante diélectrique peut être retrouvée grâce aux valeurs d’amplitude mesurées connaissant une référence, les deux méthodes d’estimation indépendantes produisant les mêmes résultats.

Notons à propos des résultats du Tableau 5.1-1 que, même si la permittivité peut aider à la caractérisation d’un milieu, elle ne peut pas le déterminer de façon univoque : la valeur de la partie réelle de la constante