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8. Quelle compétence culturelle pour accéder à la compétence interculturelle?

8.4 De l'interculturel au transculturel

L'interculturel renvoie davantage à la séparabilité et la stabilité des cultures, quand au transculturel, il préconise plutôt la relation comme la transformation des cultures. Les travaux de la Commission Bouchard TAYLOR (2007-2008) sont par ailleurs similaires à ceux de l'UNESCO ( Investir dans la diversité culturelle et le

dialogue interculturel ,2009a) et relèvent le défi de combiner ces deux notions dans un

même projet pour mieux réfléchir aux enjeux du vivre ensemble dans la diversité ethnoculturelle qui est croissante dans notre société actuelle et qui fait partie d'une tendance plus générale de réflexions théoriques et politiques sur le multiculturalisme dans le monde.

L'idée est de proposer simultanément la préservation du caractère culturel distinctif (l’interculturel), et la valorisation de sa transformabilité dans un projet de société ouvert sur le monde (le transculturel). « Ce n’est pas parce qu’une communauté

accueille des étrangers, consent à leurs différences, même à leurs opacités, qu’elle se dénature ou risque de périr. Elle s’augmente au contraire, et se complète ainsi. Elle donne de l’éclat à ce qu’elle est, à ce qu’elle a, comme à ce qu’elle devient, et elle offre cet éclat qui de s’offrir reçoit. » [Glissant, Edouard et Chamoiseau, Patrick, 1997 :20]

Lorsque l'on parle de l'interculturel, on se heurte forcément au sujet de la prédominance de soi et de l'intégration de l'Autre. Dans le contexte multiculturel d'aujourd'hui, l’inter culturalisme est largement favorisé. Prenons exemple du Canada : « À la juxtaposition égalitaire des groupes qui a inspiré la politique du

multiculturalisme, le gouvernement du Québec a plutôt préféré une structure hiérarchique mettant côte à côte deux catégories d’individus, d’une part, la nation québécoise et, d’autre part, les communautés culturelles. Les rapports qui lient ces deux éléments sont à la fois exclusifs et partiellement inclusifs puisque les membres des groupes ethnoculturels sont appelés à s’intégrer au premier groupe. »[Labelle,

Micheline, Rocher, François,et Rocher, Guy, 1995: 221 ]

C'est une vision « différencialiste »et « hiérarchique » de la diversité culturelle, c'est-à-dire que l'on insiste sur les différences entre une culture dominante « la nation québécoise) et de l'autre dominée « les autres communautés ethnoculturelles, ainsi sur une hiérarchisation qui appelle à un groupe devant s'intégrer à l'autre. Cependant, une vision plus transculturelle apparaît, notamment avec la Commission Bouchard-Taylor (2007-2008) où se définit ainsi l'inter culturalisme :

« (L') inter-culturalisme (est un) modèle préconisant des rapports harmonieux entre

cultures, fondés sur l’échange intensif et axé sur un mode d’intégration qui ne cherche pas à abolir les différences, tout en favorisant la formation d’une identité commune. »

[Bouchard, Gérard et Taylor, Charles, 2008 :287]

Dans cette définition, on remarque toujours la présence de cette même « différenciation » (« rapport entre cultures », « ne pas abolir les différences »), mais la mise en relation des cultures (« échange intensif » et « intégration ») ouvre désormais la voie à quelque chose qui ne relève plus vraiment de la hiérarchisation nécessaire entre intégré et intégrant, mais plutôt de la création ou de la construction de ce qu’ils nomment une « identité commune » dans laquelle les différences comme les hiérarchies cèdent place à la rencontre et la recréation de cadres culturels nouveaux et surtout communs. C'est un passage de l'interculturel vers le transculturel.

Dans mon cas de recherche qui s'intéresse aux élèves chinois en France, est ce que ce passage de l'interculturel au transculturel existait déjà ? Je ne crois pas. Est-ce-que entre la culture chinoise et la française il y a un « rapport harmonieux » ? Pas vraiment. Cependant, prenons une présentation de Marc TOTTÉ pour mieux comprendre ces quatre termes (Inter-, Multi-, Pluri- et Transculturel) sous un angle « historique » et « évolutionniste »[Totté, Marc,2015 :5] :

Figure 5 : Inter-, Multi-, Pluri- et Transculturel par Marc TOTTÉ, 2015

A travers cette présentation, on peut constater que « ce passage » aura forcement lieu un jour, et que c'est dans « l'ordre des choses ». Même si actuellement l'interculturel est dans l'air du temps, le transculturel quant à lui est déjà germé et en préparation pour accueillir son ère.

Il est important pour les lecteurs de comprendre le cheminement de ma réflexion pour réaliser cette thèse, c'est pourquoi que dans ce deuxième chapitre, j'ai mis en lumière le but de ma recherche, sa justification, sa motivation et son impact pour arriver ensuite la problématique et tout en définissant les hypothèses qui la sous- tendent. Vous trouverez dans ce chapitre, les réponses qui concernent le « pourquoi ? (le but, la justification, la motivation et l' impact de ma recherche) Comment ? (la problématique et les hypothèses de cette thèse) ». Étant donné que les « publics cibles» sont des apprenants du français chinois, il est donc tout naturellement que je prenne leurs témoignages (réponses de deux questionnaires, notes des entretiens) comme sujet d'analyse. Le résultat des données collectées révèle que les dispositions des « cours préparatoires » en Chine actuels sont généralement peu adaptées aux besoins des apprenants, notamment pour ce qui est de « savoir-faire »et de «savoir-être » dans la vie courante en France. Cette « lacune culturelle» a été ressentie essentiellement lorsque ces apprenants chinois séjournaient déjà quelque temps (10-12mois) sur le sol français, (ils n'ont pas pris conscience de cette lacune culturelle en Chine), donc ils ont appris « sur le tas »avec souvent un sentiment de «malaise».Tout ceci renforce mes hypothèses proposées dans ce chapitre que je rappelle ici :

- La manière d'enseigner est différente entre la Chine et la France et nos étudiants sont mal préparés pour y faire face.

- Le « choc culturel » franco-chinois existe dans la vie de tous les jours qui pourrait été à l'origine de nombreux malaises.

- Les lacunes en matière de compétence culturelle dans la vie courante des chinois en France pourraient bien-être associées à une modification de l'approche didactique différente de l'enseignement du FLE en Chine et en France.

La revue des définitions, des concepts: multiculturel, interculturel, pluriculturel et transculturel est nécessaire pour déterminer avec quelle compétence culturelle on peut accéder à la compétence interculturelle (transculturelle). Sans oublier de m'appuyer sur les travaux des enseignants chercheurs (LADMIRAL, LIPIANSKY, MAUVIEL, BERTOLETTI, ABDALLAH-PRETCEILLE, PEROTTI, BOUCHARD, TAYLOR, TOTTÉ, etc...) qui traitent du même sujet.

CHAP.III Des cultures en Chine et en France