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8. Quelle compétence culturelle pour accéder à la compétence interculturelle?

8.2. Définition des concepts: multiculturel, interculturel, pluriculturel et transculturel

transculturel

En ce qui nous concerne, il nous a paru important de définir avant tout ces principales notions telles que : multiculturel, interculturel, pluriculturel et transculturel qui sont largement employées mais pas toujours de façon efficiente ou tout au moins avec suffisamment de clarté pour le lecteur ou l'utilisateur de telle ou telle discipline (philosophe, anthropologue, ethnologue, sociolinguiste, psycholinguiste, didacticien, etc) avec des positionnements différents.

8.2.1Multiculturel, multiculturalisme

La notion de « multiculturel » consiste en une observation, un simple constat de

la présence de plusieurs cultures qui coexistent ensemble dans une société. Le préfixe

Geneviève KOUBI, le multiculturel « signale l’existence d’éléments singuliers qui

s’accumulent et qui se juxtaposent les uns aux autres sans qu’il y ait nécessairement entre eux des liens, liaisons ou combinaisons. »[Koubi, Geneviève, 2005 : 1177 - 1199]

Le multiculturalisme est un terme qui désigne la reconnaissance des différences culturelles sans qu'il n'y ait là des sous-entendus spécifiques. Dans le domaine sociopolitique, pour expliquer le concept du multiculturalisme, un exemple du modèle Nord-américain est souvent cité ce serait comme quelques choses :« qui fait coexister

les cultures dans des ghettos et des réserves, au demeurant en encensant les identités culturelles, mais sans faciliter leur rencontre dialogique. »[Totté, Marc, 2015 :2]

Geneviève KOUBI précise dans le même article que «...le multiculturalisme

préconise la constitution de « groupes culturels » spécifiques dont les traits distinctifs sont déterminés à l’aide de références externes (issues de pensées majoritaires qui déterminent « l’altérité ») et selon des thèses internes (repliées sur des « appartenances » dites communautaires ou identitaires). Le multiculturalisme relie ainsi dans un espace donné, territorial notamment, plusieurs catégories de personnes réunies en autant de groupes dont les caractéristiques sont ordonnées à partir d’une certaine perception de la « culture » - que celle-ci soit entendue comme un modèle de normes ou comme un système de valeurs. (...) Dans la logique portée par l’idéologie sous-jacente au multiculturalisme, le groupe en cause ne peut être appréhendé comme une catégorie de personnes que si le discours juridique intervient à l’appui de certaines politiques sociales d’affirmatives actions fondées sur la détermination des quotas réparateurs des inégalités sociales et culturelles par la plupart des acteurs de la société civile et par les pouvoirs publics. »[idem, in eadem] En effet, avec ce simple

constat de la situation, le multiculturalisme ne remet pas en question les problèmes sociaux liés à l'inégalité, à la segmentation et à la domination des uns sur les autres. Le terme multiculturel pour le conseil de l'Europe, exprime une situation

de fait, la réalité d'une société composée de plusieurs groupes culturels dont la cohésion est maintenue en accord avec un certain nombre de valeurs et de normes, alors que le terme interculturel affirme explicitement la réalité d'un dialogue, d'une réciprocité, d'une interdépendance et exprime plutôt un désir ou une méthode d'intervention. L'interculturel a une origine française: c'est en effet en France, dans le contexte des migrations des années 70, que face aux difficultés scolaires des enfants de travailleurs migrants, la pédagogie interculturelle va développer l'idée selon laquelle les différences ne sont pas des obstacles à contourner, mais une source d'enrichissement mutuel quand

elles sont mobilisées. Le « multiculturalisme » [De Carlo, Maddalena, 1998 :40] est une variante anglo-saxonne du pluralisme (culturel, mais aussi politique, religieux, syndical, etc.)qui se focalise sur la reconnaissance des différences culturelles, tout en respectant le principe d'égalité entre les cultures. Mais l'un comme l'autre n'est qu'une des modalités possibles du traitement de la diversité. La reconnaissance et la coexistence d'entités distinctes (comme les cultures, les partis, les religions, les syndicats, etc.) sont essentiels. Le multiculturel se caractérise en somme par un repli sur le groupe d'appartenance.

8.2.2 Interculturel, interculturalité

La thématique de l'interculturel se joue tantôt sur le mode du «deux »(relations entre deux cultures ou existence d'une culture mixte ou apparition d'un entre- deux),tantôt sur celui du « plus de deux »(intersection, interpénétration, interférence ou inter-construction voir inter-définition de plusieurs cultures) mais on soulignera que la plupart des usages d'inter dans le domaine de l'enseignement/apprentissage des langues et des cultures semblent bien renvoyer aux acteurs, apprenants et communicateurs tout en exigeant une compétence qu'ils possèdent ou doivent acquérir.

D'après Martine ABDALLAH-PRETECEILLE, l'interculturel est « une

construction susceptible de favoriser la compréhension des problèmes sociaux et éducatifs, en liaison avec la diversité culturelle » tandis que le multiculturel, tout en reconnaissant « la pluralité des groupes »et se préoccupant d'éviter « l'éclatement de l'unité collective », [Abdallah-Preteceille, Martine, 1992 :36-37] qui n'a pas de visée

clairement éducative. Une position qu'on retrouvera aussi chez à Maddalena DE CARLO, chez cette dernière, l'interculturel est défini comme « un choix pragmatique

face au multiculturalisme qui caractérise les sociétés contemporaines. »[De Carlo,

Maddalena, 1998 : 43]. L'interculturel apparaît dans la terminologie officielle, en France, dans le cadre du français langue maternelle, au début des années 70, lorsqu'on le lit dans une pédagogie de compensation destinée aux enfants de migrants, il est pros alors dans une optique d'intégration. Une décennie plus tôt, au cours des années 80,ce concept « l'interculturel » faisait ses premiers pas en didactique des langues étrangères par l'approche communicative, en modifiant radicalement les modalités d'accès à la culture étrangère selon CHAMBEAU, cité par DE CARLO « Il s'agit désormais de

reconnaître à l'Autre son statut de Sujet, en acceptant la réciprocité éventuelle de son regard « chosifiant » ».[De Carlo, Maddalena, 1998 : 44] A ce propos, Louis

PORCHER et Martine ABDALLAH-PRETECEILLE réaffirment fort ceci en insistant en ces termes « L'interculturel repose sur un principe fort et simple: l'Autre est à la fois

identique à moi et différent de moi. S'il manque l'un des deux termes, on se trouve inévitablement projeté vers un enseignement de l'exclusion ».[Porcher, Louis et

Abdallah-Preteceille, Martine, 2001 : 8]

Le point de départ doit donc être l'identité de l'élève: par la découverte de sa culture maternelle, il cherche à comprendre les mécanismes d'appartenance à toute culture. De plus il a conscience des critères implicites du classement de sa propre culture, plus il est capable d'objectiver les principes implicites de division du monde de la culture étrangère.L'approche interculturelle se révèle aujourd'hui comme une réponse possible au défi lancé par les nouveaux scénarios socioculturels qui signifie ici en ces termes:«L'emploi du mot « interculturel »implique nécessairement, si on attribue au

préfixe « inter »sa pleine signification, interaction, échange, élimination des barrières, réciprocité et véritable solidarité. Si au terme « culture » on reconnaît toute sa valeur, cela implique reconnaissance des valeurs, des modes de vie et des représentations symboliques auxquelles les êtres humains, tant les individus que les sociétés, se réfèrent dans les relations avec les autres et dans la conception du monde ».

[CECRL,Conseil de l'Europe,1986 :10]

Ainsi donc l'approche interculturelle s'intéresse à ce qui se passe dans une interaction entre des interlocuteurs (groupes) de culture différentes. L'objectif revient ainsi à faire comprendre aux apprenants que selon les valeurs culturelles diverses, nous aurons une différence de perception pour la « même chose ». Car, la représentation varie selon notre valeur culturelle. Ce constat ne devrait pas engendrer une discussion sur « qui a raison ? » ou « qui a tort ? » mais faire élargir et enrichir notre propre perception du monde.Autrement dit ceci rejoint la définition que Gérard MARANDON donne à savoir : « La notion d'interculturalité, pour avoir sa pleine valeur, doit, en

effet, être étendue à toute situation de rupture culturelle — résultant, essentiellement, de différences de codes et de significations —, les différences en jeu pouvant être liées à divers types d'appartenance (ethnie, nation, région, religion, genre, génération, groupe social, organisationnel, occupationnel, en particulier). Il y a donc situation interculturelle dès que les personnes ou les groupes en présence ne partagent pas les mêmes univers de significations et les mêmes formes d'expression de ces significations, ces écarts pouvant faire obstacle à la communication. »[Gérard, Marandon, 2003 :265]

référence universel, de découvrir qu’il n’y a pas un seul système d’organisation du monde mais plutôt des systèmes différents. « Apprendre une langue étrangère, c’est

d’abord apprendre à relativiser son point de vue. »[Vigneron, Françoise,1994 : 50]

Pour un enseignant, une approche interculturelle avait comme objectif la finalité à atteindre par un processus éducatif, consistent à « sauvegarder sa propre identité

culturelle et en même temps être prêt à se faire transformer graduellement par la rencontre et la fréquentation des autres. » [De Carlo, Maddalena, 1998 : 119-120]. On

peut dire que l'approche interculturelle se construit en deux temps : d'abord, une posture intellectuelle qui suscite une prise de conscience en ce qui concerne à nos différences culturelles et au respect de ces différences. Ensuite, une méthodologie avec des principes pédagogiques, des outils didactiques, qui provoque une ouverture de la perception des « autres » qui ne sont pas comme « moi » ou « nous ». Plus on est exposé dans l'air « interculturel », plus nos valeurs culturelles seront complétées et complexes. En interagissant avec les personnes des autres cultures, notre perception se modifie en une direction «commune ». Un « métissage culturel » peut être plus proche de la vérité, car notre monde est multiculturel. L'enseignant doit aider aux apprenants à construire cette conscience interculturelle définie par le cadre européen commun de référence pour l’enseignement/apprentissage des langues vivantes comme « la connaissance, la conscience et la compréhension des relations (ressemblance et

différences distinctives) entre la communauté d’origine et la communauté cible. Elle inclut la conscience de la diversité régionale et sociale. »[idem, in eadem]

Cependant, la notion d'inter culturalité renvoie davantage à une méthodologie, à des principes d'action, qu'à une théorie abstraite. Selon Philippe BLANCHET : « C'est

la raison pour laquelle je lui préfère approche interculturelle. L'idée fondamentale est de s'intéresser à ce qui se passe concrètement lors d'une interaction entre des interlocuteurs appartenant, au moins partiellement, à des communautés culturelles différentes, donc porteurs de schèmes culturels différents, même s'ils communiquent dans la même langue. Il s'agit alors de prévenir, d'identifier, de réguler les malentendus, les difficultés de la communication, dus à des décalages de schèmes interprétatifs, voire à des préjugés (stéréotypes, etc.) ». [Blanchet, Philippe, 2004 :5]

L'interculturel se définit alors comme un processus dynamique d'échanges entre différentes cultures et en tant que tel, c'est donc un concept récent. Pour Gilles VERBUNT « Ce terme ouvre une nouvelle perspective: celle des regards croisés ». [Verbunt, Gilles, 2011 : 12] Lorsque l'inter-culturalité est basée sur l'idée de l'échange

et du respect de l'autre il s'agit de modérer l'ethnocentrisme, c'est-à-dire la tendance à juger d'autres cultures seulement à travers notre propre regard. C'est à travers l'altérité, c'est-à-dire le regard de l'autre que nous nous rendons compte de notre propre vision du monde, et cette vision doit être dynamique et non statique. Geneviève VINSONNEAU précise que l'inter culturalité « met en cause l'ancienne modalité de gestion du rapport

similitudes-différence, ébranle à la fois les limites entre le moi et le non-moi et les attributions qui accompagnent les opérations de catégorisation ». [Vinsonneau,

Geneviève, 2002 : 60]

Dans le Dictionnaire de didactique du français langue et seconde40, Jean Pierre CUQ distingue les deux termes : « interculturel » et « multiculturel ».Ce dernier désigne la présence et la coexistence de différentes cultures au sein d'une même société sans qu'il y ait forcément une interaction entre elles. Contrairement à l'interculturel qui suppose l'échange et l'interaction entre les différentes cultures, l'articulation, les connexions, les enrichissements mutuels.

8.2.3 Pluriculturel, pluriculturalisme

Le terme « pluriculturel » est souvent le synonyme de « multiculturel », cependant, pour certains, il existe une différence entre ces deux notions.

Le pluriculturel « qui s'inspire de plusieurs cultures » est orienté vers une finalité « unificatrice ». « Il signale l’existence d’une entité globalisante qui comporte

plusieurs éléments certes distincts et pourtant liés ou rassemblés dans un ensemble général unique et unitaire. »[Koubi, Geneviève, 2005 :1177-1199] La pluralité, la base

de la diversité est la qualité d'un tout qui réunit plusieurs unités. « En relèvent les

représentations de la nation, du peuple, du corps social. Celles-ci ne sont pas construites suivant des mobilités psychosociologiques prétendument identitaires : elles sont élaborées à partir d’une conscience d’intérêt commun ou dans le but du bonheur commun par delà les différences individuelles et collectives. » [idem, in eadem, sqq]

Geneviève KOUBI définit ainsi le pluriculturalisme « il répond à une

compréhension des relations interculturelles et intra-culturelles, c’est-à-dire dans la corrélation permanente des groupes de populations - sans appuyer la démesure de la tolérance qui renouvelle les formes d’ostracisme sous les couleurs didactiques du respect des différences. Composante dynamique des modes relationnels politiques et

collectifs, le pluriculturalisme ne préconise pas de formes de juxtaposition de ces groupes ; il contribue ainsi, pour une part non négligeable, à un décloisonnement des référents culturels trop souvent dits identitaires. »[idem, in eadem, sqq]

D'ailleurs, dans ce même texte, l’auteur résume la différence entre ces deux termes : « En quelque sorte, alors que le multi- prône la « réunion », le pluri- préconise l' « assemblée ». » On peut y ajouter également une conclusion de la part de Marc TOTTÉ « Le Multi- est essentiellement la reconnaissance de la diversité mais sans

recherche d’articulation, comme simple juxtaposition ; alors que le Pluri- concerne la résultante de cette diversité, mais dans la perspective d’une orientation générale commune et sans influence sur chacune de ces cultures. »[Totté, Marc, 2015 :3]

8.2.4 Transculturel, transculturalité

Quant au « transculturel », son suffixe trans- marque une idée de « transcendance », c'est-à-dire d'accéder à un niveau supérieure « méta niveau ». L'approche transculturelle tente de dépasser le stade de dialogue et donc se situe au- delà des cultures. « On retrouve l’idée de finalité, de résultat, mais avec la perspective

de transformation d’une partie de chacune des cultures, de manière à disposer de valeurs et normes communes, mieux assumées par tous et chacun. »[Totté, Marc,

2015 : 4]

Sans aucun doute, nous sommes d'aujourd'hui en plein mondialisation. Les personnes, les marchandises, les informations, les idées et les cultures se déplacent, se mélangent. Cette recherche transculturelle de « valeurs et normes communes » traduit indéniablement une réflexion qui s'impose quant aux modalités et aux enjeux de l'homogénéisation des cultures. « Au sens large, on peut définir le transculturel comme

ce qui transcende les géographies, les histoires et les représentations nationales en dépassant le cadre exclusif des matrices culturelles fondées sur une langue, un territoire et une civilisation spécifique. Ce qui est transculturel peut se dire et a une valeur dans plusieurs cultures simultanément. » [Jin, Si Yan et Rosaye, Jean-Paul,

« Études transculturelles » du site de l'université d'Artois ] Le transculturel va donc plus loin que le pluriculturel qui vise l'universel.

Pour éclairer la notion de la transculturalité, Marc TOTTÉ la comparait avec l'inter culturalité : « La transculturalité apparaît, dans les définitions, plus subie que

l’inter culturalité où il y a, comme le montre DEMORGON, une volonté consciente, délibérée, même si celle-ci peut être idéalisée. Entre ces deux termes se joue en fait une

question importante, celle de la conception de la culture et derrière elle, celle de la conception du changement : conception comme produit ou comme procès ? Soit on considère le changement (et la culture) comme un produit et donc c’est la transculturalité qui est mise à l’honneur, soit on le considère comme un processus (le passage d’un état à un autre, éventuellement avec inversions et rétroactions) et alors c’est plutôt l’interculturel qui sera à l’honneur. » [Totté,Marc, 2015 :4]

En guise de conclusion, je retiens le tableau synthétique de Marc TOTTÉ dans son excellent article (p5) cité auparavant et qui résume très bien, en quelque mots, les caractéristiques de ces quatre termes :

8.3 De la compétence culturelle à la compétence interculturelle selon de nombreux