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8. Quelle compétence culturelle pour accéder à la compétence interculturelle?

8.1 Du « culturel » vers l' « interculturel »

Comme son préfixe « inter- » indique une notion relative aux relations

mutuelles ou de réciprocité, l’approche interculturelle renvoie ainsi une éthique de l'altérité. En France, c'est par la Renaissance que nous allons aborder notre découverte de l'altérité et notamment par Montaigne. Ce dernier, dans ses Essais, avait déjà tenté de se pencher sur un message de tolérance au cœur des guerres de religions qui faisaient rage de son temps36. Les Lumières du XVIIIe siècle reprennent cette entreprise avec Jean-Jacques Rousseau. Mais dans les deux cas, ces amateurs ethnologues ou anthropologues d'avant l'heure n'auront que peu d'impacts sur les actions politiques dominantes de leur époque. La révolution française parle d'universalité au XVIIe siècle avant de privilégier les différences.

L'intérêt porte sur la diversité culturelle qui commence par la masse migratoire des populations après la seconde guerre mondiale. C'est surtout en Europe et aux États- Unis qu'on s’interroge sur la question de faire face à cette pluralité ethnique et culturelle. D'abord, on a pris une attitude « rigoureusement mono-culturelle » [De Carlo, Maddalena, 1998 : 37]. Ensuite, on a donné une place à l'altérité culturelle. Cela devient en effet, possible en France grâce à ces savants tels que Claude LEVI- STRAUSS, Marcel MAUSS, etc. Mais il faudra attendre les années 70 pour affirmer que la période post-coloniale française s'achève et laisse place à des formes inédites d'enseignement du français. D'autre part, des nouvelles réformes d’État se préparent dans le domaine scolaire. Désormais, la France accueille les étrangers en les accompagnant de façon diverses selon les espaces d'accueil (voir les hmong en Guyane, les portugais en France métropole dans l'hexagone.)

Ainsi dès les années 70, le terme de l'interculturel apparaît dans les textes de la

36 Je dis cela par rapport peut-être à l'apparition des 1ers hommes, il y a 40-60000 avant JC. Parce

CEE37 qui réglementent la vie quotidienne des migrants dans les pays importateurs de main d’œuvre. Or, la scolarisation des enfants arrivés dans le cadre du regroupement familial a été perçue comme un phénomène massif posant des problèmes nouveaux et appelant des solutions spécifiques. La solution du Conseil des ministres de la Communauté Européenne du 9 février 1976 préconisait de ce fait, un programme d'action en faveur des travailleurs migrants et de leurs familles. Dans les organismes internationaux comme l'UNESCO38 39, ce sont les groupes de travail sur la coopération culturelle qui ont commencé à s'occuper de l'interculturel et à cet effet, la commission d'étude dégage deux acceptions de la culture : « la culture majuscule qui recouvre les œuvres de civilisation » et l'idée que tout un chacun est « porteur de culture ».Le passage de l'étude de la culture à la recherche interculturelle repose sur l'opposition entre homogène et hétérogène. La réalité culturelle est assez stable et homogène, en revanche l'interculturel c'est ce qui met en jeu au moins deux cultures ou deux composantes culturelles. Autrement dit, l'interculturel semblerait définir pour l'UNESCO, tout ce qui n'est pas identifiable comme relevant d'une culture spécifique, au sens de monoculture et qui relèverait d'un contact de cultures. Or l'enseignement des langues s'opère toujours dans un contexte de contacts entre deux ou plusieurs langues. On se trouve, par conséquent, dans une situation interculturelle. « L'emploi du mot

« interculturel » implique nécessairement, si on attribue son préfixe « inter » sa pleine signification, interaction, échange, élimination des barrières, réciprocité et véritable solidarité. Si au terme « culture »on reconnaît toute sa valeur, cela implique reconnaissance des valeurs, des modes de vie et des représentations symboliques auxquels les êtres humains, tant les individus que les sociétés, se réfèrent dans les relations avec les autres et dans la conception du monde ».[Conseil de

l'Europe,1986:18] La confrontation avec une culture étrangère favorise les deux cultures. L'interculturel suppose un échange, une interaction et un dynamisme constants, une interaction et une échange pour dépasser et même éliminer les barrières. Entrer en relation avec les autres et communiquer implique plus qu'une compétence linguistique, une compétence culturelle, un savoir être. Louis PORCHER définit à ce propos, la compétence culturelle comme : «La capacité de percevoir les systèmes de

37 CEE: La Communauté économique européenne

38 UNESCO:L'Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture.

39 J'aimerai renvoyer le lecteur à des positions, définitions etc., soutenues un peu partout y compris par

nos enseignants de Strasbourg concernés par cette problématique. Parmi ceux que j'ai rencontré: Julia Putsche (milieux d'enfants), Laurent Kashema (francophone et milieux universitaires) d'où une petite contribution d'éclaircissement sur la notion.

classement à l'aide desquels fonctionne une communauté sociale et par conséquent, la capacité pour un étranger d'anticiper, dans une situation donnée, ce qui va se passer ».

[Porcher, Louis, 1995 : 66] Quant au culturel, selon Patrick CHARAUDEAU , « ce

n'est pas simplement un ensemble de connaissances sur l'histoire, la géographie, les institutions d'un pays etc. Le culturel peut être défini comme ce qui résulte à la fois d'un ensemble de pratiques sociales et d'un ensemble de discours construits sur ces pratiques. Ces pratiques et ces discours ne sont pas ceux d'un pays, mais des groupes qui le constituent. Le culturel n'est pas une réalité globale, c'est une réalité fragmentée, multiple, plurielle qui dépend de nombreux facteurs tels que le lieu géographique, la couche sociale, l'âge, le sexe, les catégories socioprofessionnelles etc. Il faut parler des caractéristiques culturelles d'un groupe social donné, à une époque donnée, et voir les choses sous l'angle de la pluralité. Mais il convient de ne pas non plus confondre le culturel avec une simple connaissance référentielle nécessaire à la compréhension. »[Charaudeau, Patrick,1987 : 26]. Lorsque pour parler

de « interculturel », Patrick CHARAUDEAU souligne ainsi que « la dénomination

« interculturel »recouvre des activités pédagogiques qu'on appelait jadis « l'étude de la civilisation »; la civilisation n'a jamais été une discipline scientifique, elle est un carrefour de réflexion, de tentative de synthèses sur le croisement des données que fournissent d'autres sciences.» [Idem, in eodem, P6] Être « interculturel », c'est prendre

en compte l'altérité, positiver les différences.