• Aucun résultat trouvé

115 Table des matières

IV. 2.1 Interaction neutron-matière

L’interaction du neutron (ou d’un faisceau de neutrons), que l’on qualifie d’interaction forte, peut prendre deux formes en fonction des réactions qui s’y produisent : on parlera d’absorption lorsque qu’il cède toute son énergie au milieu et de diffusion lorsqu’il garde une partie ou la totalité de son énergie après avoir traversé la matière. La diffusion est inélastique s’il cède une partie de son énergie au milieu, elle est élastique lorsqu’il traverse le milieu en conservant toute son énergie ;

Chapitre IV :Déformation in-situ couplée à la diffraction des neutrons et des RX

117

dans ce dernier cas, un phénomène de diffraction, régit par la loi de Bragg évoquée au chapitre précédent, peut avoir lieu.

IV.3- Production et classification des neutrons

En plus de l’énergie libérée lors des réactions nucléaires, la fission (ou la fusion) peut produire un ou plusieurs neutrons. La fission de l’235U par exemple peut libérer deux ou 3 neutrons. Et, lorsque l’on est en présence d’un nombre important de noyaux d’uranium 235, les neutrons libérés ayant subi une diminution de vitesse (par chocs successifs avec d’autres noyaux) peuvent à leur tour provoquer la fission d’autres noyaux et ainsi de suite. Il en résulte une réaction en chaîne (cf. figure 4.1) où le nombre de fissions augmente rapidement avec le temps.

Les 2,5 neutrons produits en moyenne par la réaction de fission de l’235U ont une énergie de l’ordre de 2MeV (deux millions d’électronvolt) [3]. Cette énergie est bien trop élevée pour pouvoir être utilisée en physique de la matière condensée. En effet, l’utilisation d’une telle énergie risque d’endommager l’échantillon à analyser. Les neutrons utilisés doivent aussi avoir une longueur d’onde du même ordre de grandeur que les distances interatomiques (0,5Å < λ < 10Å) ; ce qui correspond à une gamme d’énergie de 0,82meV à 328meV (comparable aux excitations élémentaires de la matière). Il est donc nécessaire de ralentir les neutrons produits par la fission. Pour ce faire, on utilise un modérateur constitué d’un matériau à atome léger (eau, graphite, béryllium…). Les neutrons de fission sont alors ralentis par chocs successifs avec les atomes du modérateur et terminent avec une énergie comparable à celle des atomes de ce dernier, soit 0,025eV pour un modérateur à 300K. Des canaux sont plongés dans le modérateur pour récupérer les flux de neutrons.

Les sections efficaces d’interaction du neutron varient très rapidement avec leur énergie et ce dernier va interagir, selon son énergie, différemment avec la matière. Pour certaines expériences par exemple, des neutrons de plus faible ou de plus forte énergie sont requis. On utilise donc des modérateurs secondaires tels que l’hydrogène liquide à 20K pour les ramener à une énergie d’environ 0,001 eV ou un bloc de graphite chauffé à 1400K pour obtenir des neutrons avec une énergie d’environ 1 eV.

Les neutrons sont classés en plusieurs catégories, pour des considérations d’ordre pratique, selon

leur énergie. Un classement non exhaustif de ces derniers en fonction des énergies est donné dans le tableau IV.1.

118

Figure 4. 1 : Schéma de la réaction de fission en chaine de l'uranium 235.

Catégorie Energie

Ultra froids < 100 neV

Froids 100neV - 25 meV

Thermiques ≈ 25 meV

Epithermiques 0,5 eV – 50 keV

Intermédiaires 50 keV – 1MeV

Rapides 1MeV – 20MeV

Relativistes > 20MeV

Tableau IV. 1 :Classification des neutrons selon leur énergie cinétique [4]

IV.4- Quelques applications des neutrons

Quelques années après la découverte du neutron par James Chadwick (1932), Frédéric Joliot et al (1939) montrent la possibilité d’une réaction en chaine avec les neutrons produits lors d’une réaction de fission. Dès lors, l’idée d’exploiter l’énergie de fission pour la production d’électricité a été admise. Cependant, dans le contexte de la deuxième guerre mondiale, la crainte d’une utilisation à des fins militaires de la fission en chaine par l’Allemagne d’Hitler, a mis fin aux recherches sur l’électronucléaire, en France notamment. L’eau lourde récupérée en Norvège par la France a même été cachée en Angleterre et l’uranium au Maroc à la suite de l’invasion allemande de la France en mai-juin 1940. Il a fallu attendre les années 1948 pour voir naître, en France, le premier réacteur nucléaire Zoé. Selon le rapport Elecnuc-2014 du Commissariat à l’Energie Atomique et aux

Chapitre IV :Déformation in-situ couplée à la diffraction des neutrons et des RX

119

Energies Alternatives (CEA), il y a actuellement près de 440 réacteurs électronucléaires en fonction dans le monde dont une centaine au Etats-Unis et 58 en France.

Cependant, entre les années 1943 et 1945, la réaction de fission en chaine, via le projet « Manhattan » a malheureusement abouti à la bombe A aux Etats-Unis et ses conséquences dramatiques sur Hiroshima et Nagasaki respectivement les 6 et 9 août 1945. A la fin de la deuxième guerre mondiale, malgré l’horreur provoquée à Hiroshima et Nagasaki, la course à l’arme nucléaire s’est poursuivie. Ainsi l’Union Soviétique conçoit et teste sa bombe A en 1949, suivi par le Royaume-Uni en 1952, la France en 1960 et la Chine en 1964.

En médecine nucléaire, les neutrons sont très utilisés, notamment en scintigraphie. Le principe consiste à administrer au patient un radio-traceur (association d’une molécule vectrice et d’un élément radioactif de courte durée de vie) et à imager la fixation de celui-ci sur certaines cellules [5]. On utilise, par exemple, la scintigraphie pour étudier le flux sanguin qui arrive dans le muscle cardiaque, dans l’exploration des maladies coronaires, dans les diagnostics d’embolies pulmonaires et de fractures, fissures ou inflammations du squelette, pour étudier la perfusion du cerveau ou même dans l’étude des maladies dégénératives ou épileptiques. Les neutrons rapides sont aussi employés dans le traitement des tumeurs des glandes salivaires inopérables [6].

Les neutrons sont aussi « largement » utilisés dans le domaine de la recherche scientifique et de la formation. Des années 1945 à nos jours, plus de 600 réacteurs expérimentaux de recherche ou assemblages critiques ont été construits dans le monde [7] dont une cinquantaine avec une puissance supérieure à cinq mégawatts. Les principales applications de ces installations portent sur la recherche en : chimie et matériaux – sciences de l’ingénieur – magnétisme et électronique – liquide et matière molle – physique fondamentale – biologie.