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 Une double texture dans la matrice multi-échelle de cuivre apparaît rapidement : une composante <111> très prononcée et une composante <100>, moins intense.

Du fait du caractère multi-échelle de la matrice de cuivre, une analyse locale de la texture s’est révélé d’une grande importance dans la connaissance de la microstructure très complexe des conducteurs nano-composites architecturés Cu/Nb. La nécessité de cette analyse locale de la texture figurait dans toutes les perspectives des précédents travaux sur ces matériaux. Ainsi un protocole de préparation des surfaces de ces matériaux à fort contraste mécano-chimique a été mis en place et a permis l’acquisition de données inédites sur la texture locale des composites Cu/Nb. Les résultats EBSD, riches en informations, ont révélées la répartition spécifique des trois composantes majoritaires de texture précédemment trouvées par l’analyse globale de la texture.

 Une composante unique de texture, similaire à celle de l’analyse globale, a été mise en évidence dans les filaments de niobium. Si la texture du niobium n’évolue pas de façon significative de l’étage n = 2 à l’étage n = 3 (100% texturé dès l’étage n = 2), la taille moyenne des grains, en revanche, a été divisée par trois.

 En ce qui concerne la matrice de cuivre, les deux composantes majoritaires de texture du cuivre restent quasiment les mêmes (<111> et <100>). Cependant, la fraction volumique de ces composantes dépend du nombre de cycles ADB. Dans les canaux de cuivre large, les fractions volumiques des composantes restent dans des proportions similaires (80% <111> et 20% <100>) aux résultats obtenus en DRX. Par contre, dans les canaux de cuivre fin, notamment les canaux de Cu-0, on observe une inversion totale des fractions volumiques : dans Cu-0/852

, 70% <111> et 30% <100> ; dans Cu-0/853, 28% <111> et 78% <100>.

Nous avons interprété l’augmentation de la fraction volumique de la composante <100> du Cu-0/853 comme étant une conséquence de la « recristallisation confinée » dans les canaux fins de cuivre où les grains (un ou deux dans la largeur de ces canaux) sont spatialement confinés entre les filaments de niobium. Après l’étape de recristallisation imposée à la fin du second cycle ADB (extrusion à chaud), les étapes de déformation à froid n’arrivent pas à transformer toute la composante de recristallisation <100> en composante de déformation <111> dans ces canaux fins, au contact des filaments de Nb.

Les analyses EBSD sur une coupe longitudinale de l’échantillon N = 853 ont mis en évidence ce qui pourrait être une signature de la construction d’interfaces spécifiques Cu-Nb similaires à celles observées dans Cu/Nb-ARB. En effet, dans les canaux Cu-1/853, au contact direct des filaments de niobium, nous avons observé des grains très allongés suivant l’axe du fil. Ces grains sont orientés soit <111> soit <100>, tandis que les grains présents dans le volume du canal Cu-1 présentent une distribution assez complexe avec des orientations de types <110> et <211>. Ces grains orientés <111> et <100> au contact des filaments de niobium pourraient indiquer les prémices de la mise en place des interfaces <111>//<110> et/ou <100>//<110> déjà observées antérieurement par des analyses MET sur les Cu/Nb fabriqués par ADB. Cette observation est peut être aussi à relier avec la stabilisation de l’orientation <100> dans les canaux les plus fins, en lien avec le phénomène de recristallisation confinée.

Les propriétés mécaniques de chaque phase (matrice de Cu et renforts de Nb) ont été caractérisées par des essais de traction in-situ couplée à la diffraction des neutrons et au rayonnement synchrotron. Un intérêt particulier a été porté aux familles de grains correspondant

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aux trois composantes majoritaires de texture dans les conducteurs Cu/Nb. Ces essais ont mis en évidence des comportements mécaniques différents pour chacune des familles de grains :

Pour l’échantillon N = 852 de diamètre 2mm :

 la famille {110}Nb, correspondant à la composante unique de texture des filaments de niobium, a un comportement purement élastique ;

 les familles {111}Cu, {200}Cu ont un comportement élasto-plastique avec une transition vers 450MPa pour la première et une transition vers 600MPa pour la seconde. Ces résultats nous ont aussi montré que les fils Cu/Nb se déforment uniaxialement en mode « iso-

déformation ».

En ce qui concerne les échantillons N = 853, les famille {110}Nb et {111}Cu ont les mêmes comportements mécaniques que dans l’échantillon N = 852 , cependant la famille {200} a un comportement différent :

 la famille {200}Cu présente un comportement purement élastique dans les échantillons N = 853 de diamètres 2mm et 0,3mm. Le comportement élastique de cette famille dans ces échantillons est la signature d’effets couplés de taille et d’architecture : en effet, le procédé ADB induit, aux étapes avancées de la fabrication, une architecture où les canaux fins de cuivre se retrouvent majoritairement orientés <100> . Cette localisation préférentielle des grains texturés <100> dans les zones les plus affinées induit une augmentation importante de la limite d’élasticité des canaux de cuivre fins.

 Nous avons aussi observé le développement d’une asymétrie des pics de diffraction (200) lors de la déformation de l’échantillon de diamètre 0,3mm. Cette asymétrie pourrait être due à la mise en place d’un gradient de transitions élasto-plastiques au sein de la famille {200}Cu avec la présence de ces grains dans différents canaux présentant des tailles allant du

domaine nanométrique à micrométrique.

Durant les travaux de ce mémoire, nous avons pu collecter des données sur la microstructure des micro- et (nano)-composites cuivre/niobium filamentaires. Une partie des résultats confirme les observations obtenues durant les précédentes études menées sur ces matériaux. L’autre partie (analyses EBSD, déformation in-situ) apporte un éclairage nouveau sur la compréhension de la mise en place de la microstructure au cours du procédé ADB et vient valider certaines hypothèses précédemment émises sur le lien entre la microstructure et les propriétés observées à l’échelle macroscopique, la nouveauté de la présente étude résidant dans la prise en compte de l’architecture : - les composantes de texture du cuivre ne sont pas réparties de façon homogènes dans la matrice et un effet d’architecture apparaît dès le troisième cycle ADB : la réduction de l’espacement inter- filamentaire induit une stabilisation de la composante <100> dont le comportement élasto-plastique est radicalement différent de la composante <111> ;

- la connaissance des comportements élasto-plastiques de chaque « phase » (renforts de Nb et différents canaux de Cu) associée à la confirmation du mode « iso-déformation » durant un essai de traction laisse entrevoir la possibilité de prédire voire contrôler les propriétés macroscopiques des fils Cu/Nb ;

Conclusion générale et perspectives

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- la mise en place d’interfaces spécifiques Cu-Nb semble se faire graduellement, cette observation demandant d’être approfondie.

Un des points forts de ces travaux est d’avoir pu fournir des données précises sur les différents « composants » des fils Cu/Nb, en vue de la modélisation de leurs propriétés électriques et mécaniques, dans le cadre d’une deuxième thèse financée par le projet METAFORES (thèse de Tang Gu, ENSAM-Mines ParisTech). Au moment de la rédaction de ce manuscrit, certaines simulations sont encore en cours, il n’a donc pas été possible de montrer l’étendue du bon accord existant entre les propriétés expérimentales et simulées. Si nous nous en tenons aux exemples présentés dans ce manuscrit, nous voyons que les données expérimentales, associées à des modèles en champ moyen et en champ complet, permettent de reproduire de manière remarquable les propriétés électriques longitudinales et transverses, ainsi que les comportements élasto-plastiques des familles de grains au sein des composites Cu/Nb. Cette capacité à bien reproduire les comportements expérimentaux permet de tirer trois enseignements importants :

- les données expérimentales qui ont été fournies sont bien discriminantes dans le comportement de ces matériaux complexes (texture, taille des grains, contraintes résiduelles, limites d’élasticité) ;

- les effets de taille et d’architecture semblent bien reproduits ;

- la robustesse de la simulation laisse envisager la possibilité de tester n’importe quelle configuration « numérique » de microstructure et d’architecture, en vue de tester son impact sur les propriétés électriques et mécaniques macroscopiques.

Ce dernier point sera probablement le résultat le plus original du projet METAFORES car il permettra la définition de critères de design prenant en compte les effets de taille et d’architecture en vue de l’optimisation du procédé de fabrication pour l’obtention de fils adaptés la fabrication de bobines générant des champs pulsés de l’ordre de 100T. Plus généralement, cet ensemble de données expérimentales et les simulations en découlant, permettrons de comprendre les effets d’architecture, confirmant leur intérêt comme degré de liberté supplémentaire dans le design de matériaux optimisés.