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1.2 Dynamique de recombinaison de l’exciton

1.2.4 Interaction exciton-phonon 1D

Au sein du nanotube, l’interaction qui domine la largeur de raie de l’exciton est le couplage exciton-phonon. L’intensité de ce couplage est déterminée d’une part par la température et d’autre part par la dimensionnalité des phonons, elle même

caractérisée par le rapport d’aspect de l’ordre de 103 du nanotube. Nous souhaitons

discuter de ces différents points au cours de cette partie, qui nous intéressent puisqu’il est important pour nous de caractériser la forme de raie de l’exciton. En effet, nous verrons dans le chapitre 3 que celle-ci doit être modifiée par le couplage du nanotube aux antennes plasmoniques. D’autre part, dans le cadre de la description de nos expériences de spectroscopie optique non-linéaire (cf. chapitre 2), nous serons amenés à définir plus précisément le temps de cohérence de l’exciton en fonction de sa largeur de raie. Ainsi, bien que nous ne baserons pas l’interprétation de nos résultats sur l’intensité du couplage exciton-phonon, il est important pour nous de comprendre le mécanisme dominant la largeur de raie de l’exciton.

La nature optique ou acoustique des phonons conditionnent les effets du couplage exciton-phonon sur le spectre optique du nanotube. Nous ne discuterons que le cas des phonons acoustiques. En effet ce sont ces phonons qui ont la plus grande influence sur la réponse optique de l’exciton brillant.

Couplage entre excitons et phonons acoustiques

Nous allons présenter l’effet du couplage exciton-phonon sur la forme de la raie d’émission de l’exciton dans le cas des nanotubes de carbone, en prenant appui sur l’exemple plus ancien des boîtes quantiques.

montre la dépendance en température du signal de photoluminescence d’une unique boîte quantique InAs/GaAs [96]. Sa raie d’émission est quasi-Lorentzienne à 5 K avec une bande latérale à basse énergie. Lorsque la température augmente (30-50 K), une bande latérale apparaît à plus haute énergie. À partir de 70-80 K l’émission de la raie centrale, dite à zéro-phonon (ZPL pour zero phonon line en anglais), est négligeable devant celle des bandes latérales.

Il apparaît donc que la raie d’émission de l’exciton a plusieurs origines : la raie à

Figure1.26 – (a) Profil expérimental (points) de la photoluminescence d’une unique

boîte quantique InAs/GaAs, pour différente température. La ligne pleine est un ajus-tement par une Lorentzienne simulant la raie à zéro phonon. L’encart représente la proportion de la raie à zéro phonon dans le signal de photoluminescence. D’après [96] (b) Profil expérimental (points ouverts) de la photoluminescence d’un unique nano-tube de carbone, pour différentes températures. La ligne rouge est un ajustement théorique. D’après [97]

zéro phonon (ZPL) habillée de deux ailes de phonons. Ces deux ailes de phonons ont également deux origines différentes :

• L’aile côté basse énergie par rapport à la ZPL est liée au mécanisme de création de phonons.

• L’aile côté haute énergie par rapport à la ZPL est liée au mécanisme

Dans le cas des nanotubes, Fig. 1.26(b), la ZPL n’est pas visible, même à 4 K. La raie d’émission est très asymétrique avec une allure «triangulaire» procurée par la raie latérale à basse énergie. À partir d’une température de 10 K, la raie latérale à haute énergie apparaît et l’allure globale de la raie d’émission de l’exciton se sy-métrise à mesure que la température augmente.

Discutons maintenant du comportement commun aux boîtes InAs/GaAs et aux nanotubes de carbone : d’une part l’existence d’ailes de phonons dont l’énergie est proche de l’énergie de la ZPL et d’autre part la symétrisation des raies avec l’aug-mentation de la température. Puisque la phénoménologie est la même dans les deux systèmes, nous discutons des échelles d’énergies dans le cas du nanotube de carbone. Les mécanismes de création ou d’absorption de phonons acoustiques lors de la

re-combinaison d’un exciton mettent en jeu des énergies de l’ordre de !ωph ∼ !csπ/d,

où ωph est la pulsation du phonon, cs est la vitesse du son dans le nanotube et d est le diamètre du nanotube. Cette énergie est d’environ quelques meV. Il en résulte que l’énergie des photons émis lors de recombinaisons assistées par absorption/émission de phonons, diffère de seulement quelques meV de l’énergie des photons issus de la recombinaison de l’exciton isolé.

Pour discuter de la symétrisation des raies à mesure que la température augmente, il nous faut remarquer que les probabilités d’annihilation et de création de phonons lors de la recombinaison radiative de l’exciton dépendent de la température. En ef-fet, la probabilité P d’annihilation d’un phonon est proportionnelle à la densité de phonon nph, tandis que la probabilité Pde création d’un phonon est proportionnelle à nph+ 1. A très basse température dans le régime où nph << 1, seul le terme de création de phonons subsiste :

P = C1nph n−→ 0,ph→0 (1.53)

P= C2(nph+ 1) nph→0

−→ C2, (1.54)

où C1 et C2contiennent les éléments de matrice du hamiltonien d’interaction exciton-phonon. Dans ce régime, seule l’aile basse énergie associée à l’émission de phonons est présente. Dès lors que la température est suffisante, c’est-à-dire kBT ∼ !ωph∼ !csπ/d (soit nph∼ 1), les probabilités d’annihilation et de création de phonons sont voisines et la raie excitonique se symétrise de plus en plus à mesure que la température aug-mente.

Abordons maintenant la différence entre les deux cas de la Fig 1.26 : pour les boîtes quantiques, la ZPL domine le spectre à basse température avec une bande laté-rale spectlaté-ralement séparée, alors que pour les nanotubes de carbone, on observe pas de ZPL mais seulement une seule raie très asymétrique. C’est ici la dimensionnalité des phonons qui modifie l’interaction exciton-phonon, comme montré par Galland et al. [97]. La Fig. 1.27 présente une partie de leurs résultats. Dans le cas de phonons 3D (Fig. 1.27(b)), le profil de raie excitonique à 5 K est composée de la ZPL et d’une faible aile de phonons à basse énergie. Dans le cas de phonons 1D (Fig. 1.27(a)), l’aile de phonons à basse énergie ne permet pas d’observer distinctement la ZPL.

Figure1.27 – Profil théorique de l’émission d’un exciton couplé à un bain de phonon 1D (A gauche) et 3D (à droite), à une température de 5 K. D’après [97]

effet, les phonons sont tridimensionnels dans la plupart des semiconducteurs épi-taxiés utilisés pour faire des boîtes quantiques (tant que la différence d’impédance acoustique entre les matériaux formant la boîte quantique n’est pas trop impor-tante). En revanche, les phonons acoustiques du nanotube sont q1D.

Pour expliquer l’influence de la dimensionnalité dim des phonons sur la forme des raies excitoniques, on définit le rapport de branchement RB qui prend la forme [98] :

RB = P

P0 · DOS(ω) (1.55)

où P est la probabilité de création d’un phonon de pulsation ω lors de la

recombi-naison radiative, P0 la probabilité de recombinaison radiative n’impliquant pas de

phonon et DOS(ω) est la densité d’états des phonons. Le RB quantifie la contribu-tion des ailes de phonons dans la raie d’émission de l’exciton. La quantité qui nous

intéresse est la dépendance du RB en fonction de la pulsation ωph des phonons, qui

est [98] :

RB ∝ ωphdim−2. (1.56)

Cette dépendance indique que dans le cas de phonons de faible pulsation (énergie) :

• dim= 3 : RB ωph→0

−→ 0, c’est-à-dire que les ailes de phonons sont très faibles et forment un petit piédestal par rapport à la ZPL.

• dim = 1 : RB ωph→0

−→ ∞, c’est-à-dire que les ailes de phonons dominent la ré-ponse optique et éclipsent la ZPL.

Ceci explique la différence entre les spectres des boîtes quantiques et ceux des na-notubes de carbone présentés dans la Fig. 1.26. La forme de la raie d’émission de l’exciton du nanotube de carbone est principalement due aux ailes latérales de pho-nons, même à basse température. Le spectre de photoluminescence des nanotubes est de fait dominé par le couplage exciton-phonon.

En conclusion, le temps de cohérence (la largeur de raie) de l’exciton est dominé par le couplage aux phonons acoustiques. C’est pourquoi les expériences de spectro-scopie non-linéaire présentées dans le chapitre 2 de ce manuscrit, dont le signal est issu d’une interaction cohérente à trois photons entre le rayonnement et le nanotube,

sont réalisées à températures cryogénique.

Dans le cadre de ces expériences, nous sommes également intéressés par la dynamique de relaxation de la population d’excitons. Nous allons voir dans les paragraphes sui-vants que les interactions exciton-exciton contrôlent cette dynamique.