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1.1 Nanotube de carbone : bases

1.1.5 Interaction électron-trou et excitons

Interaction coulombienne à 1D

L’interaction coulombienne entre un électron et un trou peut apporter d’impor-tantes corrections aux transitions optiques présentées dans la partie précédente. Elle conduit en particulier à la formation de l’exciton, un état lié de la paire électron-trou. Cette quasi-particule est bien connue dans les nanostructures semiconductrices déjà étudiées avant la découverte du nanotube de carbone. Par exemples dans les puits quantiques de semiconducteurs, mais également dans les matériaux massifs ou les molécules organiques. Cependant, dans une configuration purement unidimension-nelle, l’interaction coulombienne entre deux charges de signes opposés (comme pour l’atome d’hydrogène) présente des singularités [33]. Par exemple l’énergie de liaison d’un état de paire diverge. En effet, lorsqu’on calcule l’énergie de liaison El de la paire, la singularité en 1

r du potentiel coulombien disparaît lors de l’intégration sur

un volume ou une surface. Mais ce n’est pas le cas à une dimension où une singularité logarithmique persiste : El3D2 |ψ|2 r ·4πr2 dr ∼3 |ψ|2rdr à 3D, (1.30) El2D2 |ψ|2 r ·2πrdr ∼3 |ψ|2dr à 2D, (1.31) El1D2 |ψ|2 r ·2dr 3 |ψ|2dr r à 1D. (1.32)

Les systèmes physiques étudiés en nanophotonique, qualifiés d’unidimensionnels tels que les nanotubes de carbone ou les nanofils quantiques, ne sont en réalité pas strictement unidimensionnels. Ce sont des objets dont deux de leurs longueurs caractéristiques sont environ égales à la longueur d’onde de Broglie des électrons, tandis que la troisième est macroscopique. Le rapport d’aspect élevé de ces objets conduit à la définition de systèmes quasi-unidimensionnels (q1D). Dans la vision à deux particules (la paire électron-trou), le point critique déterminant si le système peut être caractérisé de q1D au sens optoélectronique est lié à l’extension spatiale de l’exciton. Plus précisément, au rapport entre l’extension spatiale de l’exciton et l’extension spatiale du système dans le plan de confinement. Dans le cas du nano-tube, il a été montré théoriquement [34] et expérimentalement [35] que l’exciton est légèrement plus étendu que le diamètre des nanotubes. Ce dernier point valide le traitement q1D de ces derniers.

La paire électron-trou liée : l’exciton

Nous allons développer dans la suite de cette section, le cadre théorique permet-tant la description des propriétés opto-électroniques du nanotube par des transitions excitoniques. Dans un premier temps nous allons décrire le cas d’un exciton dans un système 3D, puis nous discuterons des effets introduits par le caractère q1D. Nous utilisons l’approximation de la masse effective et nous nous plaçons dans l’approxi-mation à une paire de bandes.

Considérons l’état lié électron-trou dont les propriétés énergétiques sont liées au hamiltonien hydrogénoïde : HX = p2e 2me + p2h 2mhe 2 4πκ|re− rh|, (1.33)

où me, pe et re sont respectivement la masse effective, l’impulsion et la position de l’électron, et mh, ph et rh leurs équivalent pour le trou.

La première étape pour décrire l’exciton est de découpler le mouvement relatif :

ρ = re− rh, (1.34)

µ = memh

me+ mh

, (1.35)

de celui du centre de masse :

R = mere+ mhrh

me+ mh

, (1.36)

MX = me+ mh, (1.37)

où MX la masse du centre de masse. Le moment cristallin K associé au centre de

masse est la somme des moments cristallins de l’électron et du trou :

K = ke+ kh . (1.38)

Dans cette représentation à deux mouvements découplés, l’hamiltonien peut s’écrire :

HX = −!2R 2MX + −!∇ 2 ρ 2µ − e2 4πκ|ρ|

= ˆHcentre de masse+ ˆHhydrogénoïde. (1.39) où κ est une constante diélectrique effective tenant compte de la constante diélec-trique du nanotube, de celle de l’environnement et de l’effet d’écrantage entre les charges distantes formant l’exciton.

La fonction d’onde excitonique prend la forme : ΨX(re, rh) = 1

NuX(re, rhX(re, rh)eiK·Rφα,m,l(ρ), (1.40) = u(re)u(rh)χ(re(rh)eiK·Rφα,m,l(ρ). (1.41)

où N est une constante de normalisation. La fonction φα,m,l qui vérifie

ˆ

Hhydrogénoïdeφα,m,l = Eαφα,m,l, (1.42) détermine le mouvement relatif. Les fonctions atomiques u(r) et les fonctions de confinement χ(r) des électrons et des trous ont été définies lors de la discussion de l’expression (1.25). L’ensemble χX(re, rh)eiK·Rφα,m,l(ρ) est la fonction enveloppe de l’exciton.

Dans ce développement, qui néglige les effets q1D sur l’interaction coulombienne entre l’électron et le trou, la physique de l’exciton dans le nanotube de carbone ne peut complètement être décrite. Nous allons donc commenter l’énergie totale de l’exciton en considérant l’aspect q1D de l’exciton. Celle-ci s’écrit :

Eα X(k) = Eg + Eechange+ !2K2 2MX + Eα, (1.43) = Eg(renorm) +!2K2 2MX + Eα, (1.44)

où Egest l’écart d’énergie entre le maximum de la bande de valence et le minimum de

la bande de conduction. Eechange est l’énergie d’échange entre particules identiques,

!2K2

2MX est l’énergie cinétique du centre de masse et Eα est l’énergie de liaison de l’ex-citon, dont l’expression est semblable à l’énergie de liaison de l’atome d’hydrogène. Cette dernière apporte une contribution négative à l’énergie totale de l’exciton. En revanche, l’interaction d’échange conduit à une renormalisation du gap et une aug-mentation globale de toutes les énergies des états électroniques. Une particularité du nanotube de carbone est que ces deux derniers effets sont du même ordre et se compensent.

Une fois l’interaction électron-trou prise en compte, chaque singularité de Van hove Sii donne lieu à une transition excitonique que nous notons ˜Sii. La Fig. 1.13 montre la dépendance énergétique des niveaux d’énergie de l’exciton ˜S11 en fonction du moment cristallin K. La structure quantifiée des états d’énergie de l’exciton, en particulier les états avec α = 1 et α = 2, d’énergie inférieure au continuum d’état libre (α → ∞), a été observée expérimentalement. Ces expériences de photolumi-nescence, dans une configuration d’excitation à deux photons [36, 37], ont permis de déterminer le rapport d’énergie entre les états avec α = 1 et α = 2.

Pour l’exciton de la ˜S11, dont les niveaux d’énergie sont représentés sur la Fig. 1.13, on remarque que pour α = 1, l’énergie de liaison est de l’ordre d’un tiers du gap. Cela correspond à 250 meV pour un nanotube dont le rayon est d’environ 1 nm. Cette

éner-gie est supérieure d’un ordre de grandeur à l’éneréner-gie thermique kBTamb = 25 meV,

où kB est la constante de Boltzmann et Tamb = 300 K. L’exciton, première

excita-tion d’un nanotube neutre, est donc stable à température ambiante. Nous verrons dans le paragraphe suivant que l’exciton domine d’une façon générale les propriétés optiques du nanotube.

Modification du spectre optique par l’interaction e-h

En l’absence d’interaction coulombienne électron-trou (e-h), nous avons vu que la structure de bande q1D conduit à une distribution caractéristique de la densité d’états en singularités de Van Hove. Ces singularités confèrent a priori au système un spectre d’émission ou d’absorption structuré au voisinage des énergies de ces sin-gularités. L’interaction e-h, qui conduit à la formation d’exciton, renforce cet effet dans la réponse optique du nanotube.

En l’occurrence, les effets excitoniques engendrent une redistribution de forces d’os-cillateurs des transitions électroniques. La force d’oscillateur de l’état fondamental de l’exciton est augmentée, au détriment de celles des transitions « bande à bande » cor-respondant aux états libres e-h [38, 39]. Le cas présenté par Spataru et al. [40] est

!"#$%#&&' (#)*+%) ),-.#"#./%01 (#)*+%) 2%1%"#.3.4)&5.67*$%8&/)1 2%1%"#.3.&#).67*$%8&/) Xα=2 Xα=1 K Eg(renorm) EX23Eg(renorm) Eg k Ev Ec

Figure 1.13 – États excitoniques et comparaison avec la représentation à une

par-ticule où les interaction entre porteurs de charges sont négligés.

très instructif. La Fig. 1.1.5 montre le spectre théorique de l’absorption d’un nano-tube issu de leur modélisation. Le spectre en trait pointillé représente l’absorption

Figure1.14 – Spectre d’absorption théorique d’un nanotube. Le pic A’ est d’origine

excitonique, tandis que le pic A provient des paires e-h libres. D’après [40].

des états e-h libres, et le spectre en trait plein représente l’absorption en présence de l’interaction e-h. On voit clairement l’apparition d’une résonance excitonique A’ à plus basse énergie par rapport à la raie A des paires e-h libres. Ce renforcement de la raie A’ est associé à la diminution du pic A, et représente l’absorption dominante de l’exciton par rapport à celle des paires libres.

Nous avons vu que l’énergie du gap est une fonction du diamètre du nanotube. Remarquons que l’énergie de liaison de l’exciton l’est aussi [41]. L’énergie des excitons est de fait très sensible au diamètre du nanotube. En plus de permettre d’envisager d’utiliser les nanotubes de carbone dans des applications aux gammes d’énergies

très variées, cette dépendance énergétique en fonction du diamètre dt du nanotube,

très structuré. Cela est visible sur la Fig. 1.1.5, qui montre la dépendance en d−1 t

de l’énergie de l’exciton 1D (une figure couramment désignée comme Kataura plot), juxtaposée à une carte d’excitation de la photoluminescence d’un ensemble de na-notubes. Sur cette dernière carte, on observe en ordonnée l’énergie d’excitation qui donne accès à l’énergie de l’exciton ˜S22, et en abscisse l’énergie de détection qui per-met de déterminer l’énergie de l’exciton ˜S11. La sélectivité optique des nanotubes de carbone est telle qu’il est relativement aisé de repérer les différentes classes (n, m) présentes dans un échantillon de nanotube, en comparant ces deux types de figures.

0,80 0,85 0,90 0,95 1,00 1,50 1,55 1,60 1,65 1,70 1,75

Figure 1.15 – À gauche : dépendance de l’énergie de l’exciton en fonction du

diamètre du nanotube. D’après [30]. À droite : carte d’excitation de la photolumi-nescence d’un ensemble de nanotube de carbone.

1.1.6 Structure fine excitonique et règle de sélection de la