• Aucun résultat trouvé

Intelligence opératoire (6-7 ans à 11-12 ans)

2.2 Développement de l’enfant

2.2.1 Développement cognitif chez l’enfant, selon Jean Piaget

2.2.1.3 Intelligence opératoire (6-7 ans à 11-12 ans)

D’après le cours de Sandrine Favre (communication personnelle [polycopié], 2009), le niveau intellectuel de l’enfant ne cesse de se développer et se complexifie au fur et à mesure des âges. La pensée de l’enfant devient opératoire. L’enfant est capable d’accéder à une certaine logique qui reste encore très attachée au contexte. La cognition passe un cap qu’elle n’avait pas dans l’étape pré-opératoire. L’enfant développe une grande curiosité, une envie d’apprendre et de développer ses connaissances. Il est capable d’intégrer et d’organiser de nouvelles données les unes par rapport aux autres dans sa mémoire, en les classifiant, en les sériant et en les dénombrant. Néanmoins, il n’est pas encore capable d’émettre des hypothèses par rapport à ces données. Il acquerra cette intelligence à l’adolescence et à l’âge adulte grâce à l’intelligence hypothético-déductive.

Selon Piaget, « l’enfant fait un grand bond en avant lorsqu’il découvre qu’une certaine logique gouverne les choses et les relations entre elles » (Bee & Boyd, 2003, p.170). Tout d’abord, Piaget parle des « opérations concrètes ». Il s’agit de l’aptitude de l’enfant de pouvoir manipuler de manière mentale les objets entre eux et d’acquérir une « règle » en lien avec les objets et leurs relations. « En d’autres mots, ce sont des actions intériorisées. Lorsque ces actions portent sur des objets visibles, elles deviennent des opérations concrètes et, lorsqu’elles portent sur des propositions verbales, elles deviennent des opérations formelles » (Bergeron & Bois, 1999, p.115 cités par Bee & Boyd, 2003, p.170). La dernière période citée intervient à l’adolescence, nous ne l’aborderons pas dans ce travail. Lors de cette période des opérations concrètes, l’enfant développe des nouveaux concepts plus abstraits et internes par rapport à la période pré-opératoire : « la réversibilité, la sériation, les opérations sur les nombres, la conservation (conscience des transformations), la classification (inclusion des classes), la logique inductive et la moralité autonome » (Bee & Boyd, 2003, pp.170-171).

La réversibilité consiste à ce que l’enfant comprenne que les actions et les opérations mentales ont la capacité de pouvoir s’inverser. « La réversibilité permet à l’enfant d’effectuer une opération et de retourner à son point de départ » (Bee & Boyd, 2003, p.171). L’enfant a compris que lorsqu’un objet subit une transformation, elle peut être annulée et subir une transformation inverse (Bee & Boyd, 2003, p.171). Bee et Boyd nous donnent l’exemple suivant : « si vous maîtrisez l’opération de la réversibilité, vous savez que, si A est plus grand que B, alors B est plus petit que A » (p.171). L’acquisition de la réversibilité permet aussi à l’enfant de pouvoir faire des liens et des relations logiques entre les actions (Bee & Boyd, 2003, p.171).

La sériation est la capacité à ordonner les éléments en séquences, c’est-à-dire de classer ces différents éléments selon un ordre croissant ou décroissant (Bee & Boyd, 2003, p.171), « Par exemple, du plus petit au plus grand ou du plus foncé au plus pâle » (Bee & Boyd, 2003, p.171). Ce n’est que vers l’âge de 7 ou 8 ans que l’enfant compare les éléments entre eux. Avant cet âge, dans la période pré-opératoire, l’enfant ordonne les choses de manière partielle, il ne regarde pas les éléments dans leur globalité. Il va oublier d’aligner les objets entre eux pour savoir lequel est plus grand ou plus petit (Bee & Boyd, 2003, p.171). À l’intelligence opératoire, « l’enfant compare chaque élément avec un autre pour vérifier s’il est plus grand que le précédent et plus petit que les suivants » (Bee & Boyd, 2003, p.171). Piaget parle de « réversibilité par réciprocité ». L’enfant peut ordonner les éléments entre eux, grâce au concept de sériation. Mais il est, en plus, capable d’ajouter dans cette série d’autres éléments et de les placer au bon endroit selon son ordre et sa logique.

Les opérations sur les nombres : « c’est au début de la période opératoire que les enfants vont être en mesure d’appliquer avec constances la règle » (Bee & Boyd, 2003, p.171), qui permet à l’enfant de comprendre que lorsqu’il fait une addition, cela permet d’augmenter les nombres et lorsqu’il fait une soustraction, cela provoquera une diminution du nombre. Grâce à l’assimilation des opérations sur les nombres et des règles qui les gouvernent, l’enfant sera capable par la suite d’exécuter des opérations plus complexes sur les nombres, par exemple des divisons ou des multiplications (Bee & Boyd, 2003, p.172).

La conservation de la substance (de la matière, du liquide et du nombre) s’acquiert dans l’étape opératoire grâce, entre autres, au fait que l’enfant parvient à ne plus être perturbé par sa perception et de comprendre la transformation, comme nous l’avons vu ci-dessus. En effet, l’enfant est capable de dire que « toute quantité de matière ou de liquide est conservée ou demeure identique (identité), quelles que soient les transformations que subit son apparence » (Bee & Boyd, 2003, p.172). Piaget explique cela par le fait que les enfants sont focalisés sur l’objet transformé et ils ne comprennent pas que rien n’a été rajouté ou enlevé à ce même objet entre avant et après la transformation. Bee et Boyd (2003), nous donnent un exemple : « deux boules identiques d’argile. L’enfant admet que les deux boules contiennent la même quantité d’argile. On donne la forme d’un boudin à l’une des boules. On demande à l’enfant si le boudin et la boule contiennent la même quantité d’argile. À l’âge pré-opératoire, le boudin contient plus d’argile. À l’âge opératoire, la boule et le boudin contiennent la même quantité d’argile » (p.173). C’est seulement après plusieurs étapes que l’enfant est capable de comprendre la conservation de la substance. L’enfant doit avoir acquis au préalable la compréhension de la réversibilité, l’addition et la soustraction (rien n’a été ajouté, ni rien enlevé) et la compensation, c’est-à-dire que l’objet est plus gros, mais il est en même temps plus mince qu’avant et par conséquent, il reste le même (Bee & Boyd, 2003, p.172).

La classification apparaît dans la période pré-opératoire, l’enfant commence à trier et à organiser les objets. Au début, il choisit une caractéristique qui les relie l’un avec l’autre, par exemple la forme ou la couleur. Ensuite, il complexifie les caractéristiques, en utilisant plusieurs caractéristiques à la fois, par exemple la taille et la forme (Bee & Boyd, 2003, p.172). Par contre, à la période opératoire, l’enfant est capable de « traiter les classes et les relations entre les classes dans un système unifié … effectuer une classification multiple » (Bee & Boyd, 2003, p.172). Durant cette période, l’enfant comprend qu’un objet peut faire partie de plusieurs catégories à la fois, selon une classification logique, « l’enfant saisit le principe de l’inclusion des classes » (Bee & Boyd, 2003, p.174), c’est-à-dire qu’un objet appartient à un sous-groupe d’un groupe. Par exemple, le sous-groupe est les vaches et le plus grand groupe, plus général, est celui des animaux de la ferme. L’enfant ayant assimilé

Mosher et Hornsby (1966) ont tenté une expérience qui consistait à montrer, à des enfants de 6 à 11 ans, 42 images d’animaux, de personnages et des appareils. L’enfant devait deviner à quelle image l’expérimentateur pensait. Pour cela, l’enfant devait lui poser une série de questions pour lesquelles, l’expérimentateur ne pouvait répondre que par une affirmation ou une négation. Il en ressort de cette expérience que les enfants ont deux stratégies : la première s’appelle le « balayage d’hypothèse », nommé par Mosher et Hornsby. Cette stratégie consiste à montrer une image après l’autre et procéder par élimination jusqu’à trouver la bonne image. Ou alors, l’autre stratégie comprend à « classer mentalement les images selon une hiérarchie de classes, puis poser des questions sur une classe à la fois » (Bee & Boyd, 2003, p.174). Cette stratégie s’appelle la recherche par élimination, selon Mosher et Hornsby (Bee & Boyd, 2003, p.174).

La logique inductive est la faculté de l’enfant à pouvoir faire des liens et de combiner des actions appropriées et logiques. La logique inductive « consiste essentiellement à passer du particulier au général » (Bee & Boyd, 2003, p.174).

Par exemple, il peut constater en s’amusant que, s’il ajoute un jouet à un ensemble de jouets et qu’il fait ensuite le compte, il y en a un de plus. Il comprend qu’il n’aura pas besoin de recompter chaque fois tous les jouets et qu’il lui suffira d’appliquer une règle, soit le total précédent plus 1. L’enfant de 4 ou 5 ans s’arrête à cette conclusion, mais l’enfant de 7 ou 8 ans applique cette observation au principe générale selon lequel ajouter, c’est toujours aller en augmentant (Bee & Boyd, 2003, p.174).

À cet âge, l’enfant reste encore très ancré aux faits concrets, à ses observations et à sa propre expérience personnelle. Il n’est pas encore apte à émettre des hypothèses et à se détacher de ses propres expériences pour imaginer des événements ou des faits. Cela viendra plus tard avec la logique déductive, à la période de l’intelligence hypothético-déductive. Cependant, cette habilité intellectuelle permet à l’enfant d’apprendre plus facilement les sciences ou d’autres matières, à condition qu’elles soient présentées de manière concrète en alliant à la fois des expériences pratiques et des expérimentations inductives et surtout pas de manière déductive (Bee & Boyd, 2003, p.175).

Pendant cette période, l’enfant passe à une moralité autonome alors que précédemment il était dans une moralité définie, une moralité hétéronome dans laquelle l’autorité vient de l’extérieur, le plus souvent des parents. La moralité autonome permet à l’enfant de s’autogérer et s’autocontrôler, selon des règles (Bee & Boyd, 2003, p.175). À ce stade, l’enfant arrive à comprendre que les autres puissent avoir un point de vue différent que le sien et cela grâce à une diminution de son égocentrisme. Il assimile le respect mutuel et la

coopération avec ses pairs. Il intègre mieux les normes sociales et respecte les règles, lors des jeux, par exemple. Il devient plus sociable et son jugement est plus flexible.

Par la suite, vers l’âge de 10 ans, l’enfant comprend que les règles ne sont pas rigides, qu’elles peuvent être modifiées, à condition que tout le monde soit d’accord. L’enfant comprend que « les règles et les lois sont créés pour répondre à leurs besoins et peuvent être modifiées selon leur désir et leur volonté » (Bee & Boyd, 2003, p.175). L’enfant, à cette période, fait la distinction entre un comportement intentionnel ou accidentel ; la punition à caractère éducatif sera donc plus ou moins sévère selon si c’est l’un ou l’autre et la victime doit être dédommagée (Bee & Boyd, 2003, p.175).