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Analyse dessin n°8 _ Anne 10 ans, diabétique depuis 5 ans

4.1 Analyse des dessins

4.1.8 Analyse dessin n°8 _ Anne 10 ans, diabétique depuis 5 ans

Anne se met rapidement à dessiner. Elle dessine une salle, une table, un lit, deux chaises et des personnages. Les personnages tiennent des objets dans les mains tels qu’un carnet, une feuille, une seringue et une pompe. En regardant son dessin, nous pourrions dire qu’elle a dessiné quatre enfants et un adulte se trouvant dans une salle.

Elle explique son dessin de la manière suivante : « la salle c’est l’infirmerie du camp. Des dames disent aux enfants combien il faut faire d’insuline et une autre personne [l’infirmière] contrôle combien d’insuline les enfants doivent injecter. Le personnage en bleu est le monsieur lui, il fait un peu comme V. [l’infirmière au camp], il contrôle tout », d’après les dires d’Anne (communication personnelle [entretien], 9 juillet 2012). Elle explique en fait le moment où les enfants s’entretiennent individuellement avec le médecin et l’infirmière avant chaque repas au camp. En effet, le camp est rythmé par ces moments où enfants et

soignants se retrouvent dans une salle pour discuter de la dose et de l’administration du traitement insulinique.

Anne utilise des couleurs vives. Je lui demande s’il y a une raison particulière à cela puis elle répond qu’elle préfère utiliser des couleurs joyeuses : « oui parce que je trouve triste, c’est plutôt quand on a des problèmes [qu’on utilise des couleurs sombres] », selon Anne (communication personnelle [entretien], 9 juillet 2012).

Nous demandons à Anne de parler des objets dessinés. Le carnet est pour écrire la glycémie et ainsi avoir une surveillance quotidienne de cette dernière. La feuille est pour que le médecin puisse déterminer la dose d’insuline que l’enfant devra injecter puis elle finit par me parler du garçon qui a peur. Le garçon vêtu d’un pull orange a peur de l’aiguille qui n’est pas capuchonnée. Anne nous rappelle l’importance de mettre un bouchon aux aiguilles pour sa sécurité et celles des autres. « Ça veut dire qu’elle peut piquer quelqu’un et lui, il a peur » d’après Anne (communication personnelle [entretien], 9 juillet 2012). Les injections sont une source d’anxiété et un moment souvent mal vécu par les enfants. Il ne faut pas sous-estimer la douleur que l’enfant ressent au moment de la piqûre. « Lorsqu’un enfant réagit fortement aux injections, il se peut que ce soit surtout par peur ou parce que le fait de l’immobiliser lui procure un sentiment de danger » (Geoffroy & Gonthier, 2003. p.85). Selon nos lectures, la peur des injections dépend de plusieurs facteurs comme la douleur, l’anxiété, l’expérience de chaque enfant ainsi que celles des parents. « La réaction de l’entourage aux injections, celles des parents en particulier, est un élément important dans l’acceptation des injections par l’enfant » (Geoffroy & Gonthier, 2003. p.86). De ce fait, les parents pourraient se faire une injection (sans insuline) pour montrer à l’enfant qu’il est possible de le faire.

Le fait qu’Anne fasse un dessin du camp nous fait penser que d’une manière ou d’une autre, elle s’identifie aux enfants du camp. Ses personnages semblent heureux, ils expriment un sourire malgré les plusieurs passages à l’infirmerie dans la journée. Elle explique qu’elle est heureuse et que pour cette raison elle dessine avec des couleurs joyeuses. Nous pouvons donc émettre comme hypothèse que malgré le traitement par insuline, qui prend une place importante dans la vie au camp, cela n’enlève pas la joie de vivre de cette enfant. De plus, par nos observations et nos entrevues, nous pouvons dire que le camp permet à Anne de créer des liens avec d’autres enfants diabétiques et qu’elle s’amuse tout en contrôlant son diabète. En effet, « l’enfant ou l’adolescent réalise enfin qu’il n’est pas le seul à être aux prises avec le diabète et que d’autres ont réussi à surmonter cet obstacle, tout en ayant une vie active et heureuse » (Geoffroy & Gonthier, 2003. p.278).

techniques, etc. Du haut de ses 10 ans et selon le stade de développement dans lequel elle se trouve, Anne possède des connaissances théoriques et pratiques qui lui permettent d’avoir une certaine autonomie dans la gestion de son diabète. « Même les tout petits peuvent faire des liens entre la maladie, sa gravité, l’intervention désagréable et parfois douloureuse et les émotions qu’elle suscite. On explique, on nomme ce qui se passe et l’émotion qui y est liée » (Geoffroy & Gonthier, 2003. p.208). À cet âge, l’enfant a plus de capacités à gérer ses émotions et à construire des stratégies en lien avec son développement intellectuel. Dans la tranche d’âge qui nous intéresse (7 à 12 ans), les enfants parviennent grâce à la gestion de leurs émotions et leurs connaissances à devenir acteur dans la gestion de la maladie, des contrôles glycémiques et du traitement. « L’enfant de dix à douze ans acquiert et développe des notions et des valeurs qui lui sont personnelles et qui ne sont plus obligatoirement celles de son environnement immédiat. Il ressent une grande émotivité affective » (CEMEA, 2013, p.19). D’où l’importance pour nous, futurs soignants, de prendre en soin l’enfant et sa famille en tenant compte des aspects de développement cognitif et affectif, les représentations, l’estime de soi, le coping et la résilience, concepts que nous avons développés dans les chapitres précédents afin que la prise en soins soit le mieux adaptée et individualisée possible.

Selon Erickson, l’âge d’Anne correspond au stade de développement affectif Travail versus

infériorité. Si l’enfant résout le conflit de cette étape, il développe alors la « compétence ». Il se sentira capable, utile et maîtrisera certaines tâches. Par exemple, être capable de préparer un stylo à insuline tout en respectant les règles d’hygiène et de sécurité. « En comparant ses propres compétences avec celles de ses pairs, l’enfant va alors acquérir une meilleure connaissance de lui-même et de ses limites » (Papalia, Olds & Feldman, 2010, p.232). Nous pensons donc que le camp est l’endroit idéal pour que l’enfant progresse dans la gestion du diabète et la recherche d’autonomie.