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Analyse dessin n°7 _ Bruno 10 ans, diabétique depuis 7½ ans

4.1 Analyse des dessins

4.1.7 Analyse dessin n°7 _ Bruno 10 ans, diabétique depuis 7½ ans

La consigne donnée, Bruno se met tout de suite à dessiner. Il commence, tout d’abord, à dessiner deux lignes horizontales en rouge, traversant la feuille qui représente un vaisseau sanguin. Puis, partant de celui-ci, d’autres vaisseaux qui se terminent par une maison. Dans les vaisseaux, Bruno dessine, en jaune, des clés et en orange, des morceaux de sucre. Cependant aucune clé n’est dessinée sur les chemins qui mènent aux maisons du haut de la feuille. Bruno nous raconte qu’aux maisons du bas de la feuille, il esquisse un sourire avec un toit orange et une porte d’entrée ouverte. Dans les maisons du haut, les maisons sont tristes, leur toit est violet et ont leur porte fermée. « Les maisons sont contentes parce qu’elles ont de l’insuline et du sucre. L’insuline c’est les clés puis ça ouvre les maisons et donc le sucre peut passer. Et puis ça c’est le sang [en montrant un vaisseau coupant en deux le dessin]. Ici, y a des maisons [sur le haut de la feuille] qui ne sont pas contentes parce qu’elles n’ont pas d’insuline, mais elles ont que du sucre. Sauf que le sucre, il ne passe pas » d’après les dires de Bruno (communication personnelle [entretien], 10 juillet 2012).

Bruno, est diabétique depuis 7 ans et demi. Depuis toutes ces années, nous constatons qu’il a acquis de nombreuses connaissances sur les manifestations physiopathologiques de la

représentations pour le patient se fait sur le vécu de la maladie » (Baudrant et al., S.d., p.2). Il est important de rappeler qu’il est essentiel de connaître les représentations, car si le soignant ne les connait pas, elles peuvent influencer, voire entraver l’éducation thérapeutique (Baudrant et al., S.d., p.2). Le fait que Bruno dessine ce qui se passe dans son organisme, avec ou sans insuline, l’aide à mettre un sens au diabète. « Il peut comprendre et intégrer la fonction de l’insuline puisqu’elle lui permettra de retrouver son état physique initial » (Rocaboy, 2009, p.25).

Dans son dessin Bruno, nous décrit le diabète sur le plan physiopathologique. Certes cela reste à son niveau de compréhension, car il utilise différents symboles : clés, morceaux de sucre, maisons. Ceci peut se justifier d’après les stades du développement de Piaget. Bruno est moins influencé par l’affect et il commence à laisser place à l’intellect. Dans la période de l’intelligence opératoire, l’enfant acquiert la notion des symboles. De plus, durant cette période l’enfant devient curieux et a envie d’apprendre de nouvelles connaissances. Cependant, il n’est pas encore capable de prendre de la distance avec ce qu’il sait, ses connaissances et ses expériences pour imaginer d’autres événements. Nous pouvons remarquer que d’après son âge, Bruno a de l’avance par rapport à d’autres enfants du même âge que lui, selon nos hypothèses. En effet, lors du diagnostic d’une maladie chronique comme le diabète, l’enfant est amené à intégrer des connaissances importantes qui ne sont pas forcément adaptées à son âge. « Par un exercice intellectuel évolué, l’enfant va transformer un état physiologique en chiffres, c’est-à-dire du sucre en plus ou en moins dans le sang … maîtriser les processus de proportionnalité » (Ricard-Malivoir, 1999, p.70). Cependant, nous pourrions penser que les enfants sont plus matures, car ils doivent intégrer des connaissances abstraites et des techniques précises (ponction capillaire, injections insuline sous-cutanée). Cependant, « leurs performances cognitives (intelligence, mémoire, attention, concentration…) sont identiques à celles de leurs pairs non diabétiques » (Wiss, Perrot & Sauvage, 2000, p.18). Ces enfants sont spécialisés dans leur maladie.

En effet, il symbolise l’insuline par une clé, mais il n’a pas encore le développement cognitif pour voir que l’insuline est une hormone qui se lie à un récepteur et qui permet au glucose de pénétrer dans la cellule. Il parvient à l’expliquer avec des symboles qui lui parlent, qu’il connaît. En effet, « ils [les enfants] expriment leur vécu et racontent l’histoire de leur diabète avec ce qu’il faut faire et comment ils vivent au quotidien » (Baudrant et al., S.d., p.2). Par contre, nous pouvons voir que Bruno a compris l’effet et le but du traitement insulinique : « elles [les maisons du bas] ont du sucre et eux [les maisons du haut] aussi ont du sucre, mais ils n’ont pas d’insuline … donc y a trop de sucre ici [en montrant des petits vaisseaux qui vont vers les maisons] puis ça va pas », selon Bruno (communication personnelle [entretien], 10 juillet 2012).

Bruno a 11 ans, il se trouve vers la fin du stade de l’intelligence opérationnelle. Il s’apprête à accéder à l’intelligence hypothético-déductive. À cet âge, Bruno est capable de comprendre des notions abstraites, des choses qu’il ne voit pas. Ricard-Malivoir (1999) illustre bien ce fait, d’après l’âge de l’enfant et du développement cognitif de celui-ci : « ce n’est qu’à partir d’environ 9 ans, … [que] les enfants envisagent et commencent à dire que le diabète insulino-dépendant est provoqué par un dysfonctionnement physiologique interne » (p.69). Bruno a compris qu’il n’est pas possible, pour lui, de vivre sans insuline. Nous voyons à travers son dessin que le diabète est une maladie due à un manque d’insuline dans son organisme.

L’insuline est l’élément central du diabète, car elle permet à l’enfant de retrouver une « bonne » santé et de pouvoir vivre de la même manière que les autres enfants qui n’ont pas le diabète (Ricard-Malivoir, 1999, p.70). De plus, nous avons pu observer que durant l’entretien que Bruno peut être tantôt l’enfant du bas du dessin, s’il a pris son traitement insulinique et tantôt l’enfant du haut du dessin : « ben aux deux, parce qu’ils ont les deux le diabète. Quand j’injecte l’insuline, je suis celui du bas et quand je suis haut, je ressemble à celui du haut. Ici les maisons sont malades, parce qu’elles n’ont pas d’insuline. Et donc là [en montrant les maisons du bas], elles ne sont pas malades. Elles sont toutes maigres celles-là [les maisons du haut] », d’après Bruno (communication personnelle [entretien], 10 juillet 2012).

Dans ce dessin nous constatons que Bruno est clair dans la compréhension de sa maladie et que son traitement d’insuline a un sens, car il permet aux maisons d’être contentes. Nous pouvons émettre l’hypothèse que les maisons sont en quelque sorte ses cellules qui font partie de son corps, sa personne et que cette insuline lui permet de vivre.