• Aucun résultat trouvé

3. INTÉRACTION RAYONNÉMÉNT-MATIÉ RÉ

Dans les conditions d’entreposage et de stockage profond des colis de déchets nucléaires MA-VL, les déchets polymères sont soumis à l’effet des rayonnements causés par les radionucléides.

Les radionucléides dans les colis de déchets nucléaires MA-VL émettent des rayonnements ,  et . Il faut noter que des neutrons sont également émis mais que le dépôt d’énergie dans la matière est tellement faible qu’ils seront négligés par la suite. Le rayonnement  correspond à l’émission de noyaux d’hélium. Le rayonnement  émet des électrons () ou des positrons (. Enfin, le rayonnement  émet des photons de quelques keV à plusieurs MeV, voire plusieurs GeV dans les cas particuliers de freinage de particules chargées (Darras, 1975). L’interaction rayonnement-matière est la conséquence du dépôt d’énergie de ces particules dans le milieu qu’elles traversent, en éjectant des électrons des atomes environnants. Deux types de rayonnements peuvent être distingués : ceux avec un faible dépôt d’énergie ( et ) et ceux avec un fort dépôt d’énergie (). Au libre parcours moyen près, il n’y a pas de différence notable entre les rayonnements  et : nous les considérerons comme équivalents. Ces trois types de rayonnements sont suffisamment énergétiques pour exciter et ioniser une partie du polymère. L’excitation est le passage d’un électron de l’état fondamental vers un état d’énergie supérieure (dit « état excité »). L’ionisation est l’éjection d’un électron.

Lors de ce travail, seule l’interaction du rayonnement  avec le polymère est étudiée car il a été observé, lors des études précédemment réalisées au laboratoire, que ce type de rayonnement est le plus pénalisant vis-à-vis des PDH créés. Le rayonnement  est composé de photons de haute énergie très pénétrants. En fonction de l’énergie initiale des photons, trois phénomènes peuvent résulter de l’interaction rayonnement – matière : l’effet photoélectrique, l’effet Compton et la création de paires électron-positron. Ces trois phénomènes donnent lieu à une série d’excitations et d’ionisations dans la matière (Foos, 1994).

Suite à ces excitations et ionisations, des radicaux sont créés. Ces radicaux sont instables et amorcent des séries de réactions radicalaires avec les réactifs présents (principalement le dioxygène et les chaînes polymères voisines). Ces réactions peuvent aboutir soit à des scissions de chaînes polymères, soit à des réticulations (entre les chaînes polymères ou à l’intérieur d’une chaîne polymère). Ces deux phénomènes coexistent lors de l’irradiation d’un polymère. Il faut noter que les radicaux peuvent rester piégés dans la matrice polymère plus ou moins longtemps selon la structure du polymère (présence de zones cristallines, température de transition vitreuse élevée…) (Dannoux, 2007).

31 Deux conditions expérimentales sont distinguées :

- l’irradiation sous atmosphère inerte : la réaction résultante est la radiolyse du polymère ;

- l’irradiation sous air : dans ce cas, les radicaux formés lors de l’interaction rayonnement-matière peuvent réagir avec l’oxygène, et la réaction résultante se nomme la radio-oxydation.

Lors de cette étude, seules des irradiations sous air sont menées. En effet, les déchets sont en contact avec l’air pendant la période d’entreposage qui peut durer plusieurs années. De plus, la majorité de la dose est souvent déposée pendant cette période d’entreposage (Dannoux, 2007).

3.1 M

ÉCANISME GÉNÉRAL DE RADIO

-

OXYDATION

Les radicaux ont la possibilité de réagir avec le dioxygène pour former des hydropéroxydes ou de réagir avec d’autres radicaux présents sur les chaînes polymères. Les hydropéroxydes étant peu stables, ils peuvent à leur tour réagir. Pour un polymère monobloc PH, la radio-oxydation peut-être décrite par les réactions ci-dessous (Dély, 2005) :

Radio-amorçage : 𝑃𝐻 𝑟𝑎𝑦𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑖𝑜𝑛𝑖𝑠𝑎𝑛𝑡𝑠→ 𝑃° + 𝐻° Propagation : 𝑃° + 𝑂2 → 𝑃𝑂𝑂° 𝑃𝑂𝑂° + 𝑃𝐻 → 𝑃𝑂𝑂𝐻 + 𝑃° Terminaison : 𝑃° + 𝑃° → 𝑃 − 𝑃 𝑃° + 𝑃𝑂𝑂° → 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡𝑠 𝑃𝑂𝑂° + 𝑃𝑂𝑂° → 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡𝑠

Avec PH : chaîne polymère, P° : macroradical, POO° : radical peroxyle et POOH : hydropéroxyde.

Cependant, ces réactions sont schématiques car il n’existe pas qu’une seule espèce de macroradical. De plus, les produits formés par terminaison peuvent à leur tour réagir.

3.2 P

ARAMÈTRES D

IRRADIATION

Dose absorbée

La dose absorbée par un polymère correspond à l’énergie reçue par le matériau divisée par sa masse. Elle est exprimée en Gray (Gy) et est homogène au J∙kg-1. Donc, plus la dose absorbée augmente, plus le polymère se dégrade. Il faut noter que le terme « dégradation » dans cette étude comprend les notions de réticulations et de scissions de chaînes.

32

Les doses réellement absorbées par les polymères dans les colis de déchets nucléaires sont très variables car elles dépendent de la nature et de la quantité des radioéléments, du type de rayonnement et de leur distance à la source. En présence de particules , le dépôt d’énergie par unité de longueur est très important, mais ceux-ci perdent leur énergie sur une distance très courte. En présence de particules  ou , à l’inverse, le dépôt d’énergie est plus homogène et aura lieu sur une distance plus importante. Le dépôt d’énergie par unité de longueur dans le matériau par les particules  ou  est donc moins important qu’avec les particules  (Ferry, 2008). Par exemple, dans le cas des colis MA-VL de type conteneurs standards de déchets compactés (CSD-C) étudiés par AREVA, la dose absorbée en 300 ans est estimée de l’ordre de 34 MGy (Dannoux, 2007). Ces doses sont relativement élevées comparées à celles d’autres colis de déchets comme les colis CBF-C’2 (ou F2-3-08) où la dose absorbée est estimée de l’ordre de 2 MGy pour 300 ans (Andra, 2015). De plus, la dose absorbée n’évolue que très lentement après les 100 premières années d’entreposage ou de stockage (Dannoux, 2007). Par conséquent, il a été décidé de découpler les phénomènes de radio-oxydation et de lixiviation lors de cette étude. Le polymère d’intérêt, le PURm, sera donc d’abord radio-oxydé puis lixivié.

Débit de dose

Le débit de dose correspond à la vitesse à laquelle la dose est absorbée. Il s’exprime en Gy∙s-1. Le débit de dose est un paramètre possédant une grande influence sur la radio-oxydation. Afin que la radio-oxydation soit homogène dans le polymère, le débit de dose doit être choisi de manière à ce que la vitesse de diffusion du dioxygène dans le polymère soit plus suffisante pour que de l’oxygène soit toujours présent en tout point du matériau. Si ce n’est pas le cas, cela peut aboutir à des phénomènes différents dans la masse du polymère (dans l’épaisseur) et à la surface. Il est alors très difficile d’interpréter les résultats.

L’épaisseur critique est l’épaisseur maximale qu’un échantillon peut posséder pour que la radio-oxydation soit homogène. Elle est calculée à partir de la formule de Gillen et Clough (1991) : 2 2

( )

. .

[ ( )].

c

P O

L p X

G O I

(I-1) avec :

- P(O2) la pression partielle du dioxygène en atm.

- p le coefficient de perméabilité du matériau en mol∙cm2∙kg-1∙atm-1∙s-1.

- I le débit de dose en Gy∙s-1.

- G(-O2) le rendement chimique de la consommation de dioxygène en mol∙J-1.

-

1 c X

avec αc un paramètre adimensionnel traduisant l’influence du profil

d’oxydation, ce paramètre est choisi tel que la concentration en dioxygène dans le

polymère soit uniforme à 90% et 2

2 0.5

( )

( )

P O P O

. 𝑃(𝑂

2

)

0.5 est la valeur pour laquelle

33 La décroissance radioactive étant une cinétique du premier ordre, les débits de dose effectifs dans les colis de déchets dépendent de l’âge du colis, de la nature des radionucléides et de leur disposition par rapport aux matériaux radiolysables. Par exemple, dans le cas des colis MA-VL de type CSD-C étudiés et envisagés par AREVA, le débit de dose majorant a été évalué à 0,4 kGy∙h-1 (Dannoux, 2007).

Température

La température à laquelle se déroule l’irradiation est un paramètre à prendre en compte ou à contrôler car elle influe sur la vitesse de dégradation (Boughattas, 2014). Lors de cette étude, les irradiations seront menées à température ambiante, ce qui est proche de la température de fonctionnement des sites d’entreposage et de stockage des colis MA-VL (entre 22 et 56°C).

Formulation du polymère

La nature chimique du polymère influence grandement la vitesse et les mécanismes de radio-oxydation. La présence d’hétéroatomes, de groupes latéraux, de réticulations, entre autres, dans la résine polymère influencent les mécanismes. La présence d’additifs, en particulier les antioxydants, va également influencer les mécanismes de dégradation des polymères sous irradiation. Ainsi, Decker et Mayo (1973) ont montré que lors de l’irradiation d’un polypropylène atactique sous atmosphère oxydante, la présence d’antioxydants retardait la consommation de l’oxygène de l’atmosphère : plus la concentration en antioxydants est importante, plus le temps d’induction8 est grand.

Les radionucléides dans les colis de déchets nucléaires MA-VL émettent des rayonnements ,  et . Lors de ce travail, seule l’interaction du rayonnement  avec le polymère est étudiée car il a été observé lors des études précédemment réalisées au laboratoire que ce type de rayonnement est le plus pénalisant vis-à-vis des PDH créés. Ce rayonnement est composé de photons de haute énergie très pénétrants qui induisent une série d’excitations et d’ionisations dans la matière.

Lors de cette étude, seules des irradiations sous air sont menées dans le but de se placer au plus près des conditions réelles rencontrées. Les radicaux formés lors de l’interaction rayonnement-matière peuvent réagir avec l’oxygène, et la réaction résultante se nomme la radio-oxydation. Les principaux paramètres de l’irradiation influant sur les produits de radio-oxydation sont : la dose absorbée, le débit de dose, la température et la formulation du polymère.

8 Le temps d’induction est le temps pendant lequel aucune modification des propriétés du polymère étudié n’est décelable.

34