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A l’origine essentiellement rattaché au droit public et en particulier aux polices administratives, le droit de l’environnement a considérablement évolué pour devenir aujourd’hui un droit autonome, à la fois solide et mobile, éminemment transversal204. S’est opéré un passage d’une structure pyramidale à une structure fonctionnant davantage en réseaux205. Il est fort à prévoir que le droit de l’environnement reste un droit en notable évolution206.

Son dynamisme se confirme avec l’émergence de grands principes inscrits dans la loi Barnier, puis dans le code de l’environnement207 et adossés pour certains à la Constitution208. Le développement de la branche privée du droit de l’environnement est remarquable, jusqu’à parfois transcender les distinctions classiques209.

204 Voir M. Prieur, Droit de l’environnement, précité, p. 1 à 14 ; R. Romi, Droit de l’environnement, LGDJ, Domat Droit public, 9ème éd., 2016, p. 13-42 ; Voir M. Moliner-Dubost, Droit de l’environnement, précité, p. 1-21 ; A. Van Lang, Droit de l’environnement, PUF, coll. Thémis droit, 4ème éd., 2016.

205 V. Monteillet, La contractualisation du droit de l'environnement, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2017, voir spécialement l’introduction, p. 1-30.

206 I. Doussan (dir.), Les futurs du droit de l'environnement : simplification, modernisation, régression ?, Colloque annuel de la Société française pour le droit de l'environnement, 20 et 21 novembre 2014, à la Faculté de droit de Nice, Bruylant, Bruxelles, 2016.

207 Art. L. 110-1 c. env.

208 Charte de l'environnement de 2004, Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement, JO n°0051 du 2 mars 2005 p. 3697.

209 M. Mekki, E. Naïm-Gesbert, (dir.), Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ?, Actes du colloque international organisé à Paris le 12 juin 2015 par l'Université Paris 13 - Sorbonne Paris Cité, LGDJ, 2016.

Ce renforcement d’un droit de l’environnement qui s’étoffe et prend une nouvelle assise s’accompagne aussi de mutations profondes, c’est ce que révèle en particulier le phénomène de « contractualisation du droit de l’environnement » qui le lie de plus en plus étroitement au droit des obligations210.

S’observe aussi l’irrigation et l’entrelacement du droit de l’environnement avec d’autres branches du droit qui lui étaient à l’origine étrangères211, notamment avec l’intrication de plus en plus significative du droit de l’environnement avec le droit commercial212. Ce à tel point qu’on assiste à une forme entremêlée « d’économicisation » du droit de l’environnement213 et de verdissement du droit des affaires214, ce dernier passant aussi largement par la circulation et la transmission de l’information environnementale215.

Ainsi, s’agissant des sites pollués, « une nouvelle tendance se dessine peu à peu. Le site

contaminé n’apparaît plus comme une donnée de fait. Objet ou prétexte de rapports juridiques

210 V. Monteillet, La contractualisation du droit de l'environnement, précité ; M. Hautereau-Boutonnet (dir.), Le

contrat et l’environnement, Etude de droit interne, international et européen, PU Aix-Marseille, 2014.

211 M. Mekki, « Ecologisation du droit civil des biens à l'aune de la Charte de l'environnement », JCP G, n°26, 30 juin 2014, p. 1293-1296.

212 Voir la nouvelle obligation de vigilance au sein des groupes de sociétés : loi n°2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, JO n°0074 du 28 mars 2017.

213 M. Moliner-Dubost, Droit de l’Environnement, précité, p. 5-6. : « Mouvement d’« économicisation » de toutes les questions environnementales ».

Voir P. Lascoumes, Action publique et environnement, PU France, 2012, coll. Que-sais-je : « Depuis la seconde

partie du XIXe siècle, les domaines d’intervention de l’État ont proliféré, du patrimoine architectural aux énergies renouvelables, en passant par les OGM et la biodiversité. Chaque enjeu suscite des expertises contradictoires et le nombre d’acteurs concernés se diversifie. Les décisions sur les questions environnementales se prennent souvent dans un contexte d’incertitude tandis que les formes de régulations évoluent. Ainsi, si le droit reste l’outil privilégié, il est de plus en plus complété par des instruments fiscaux, conventionnels, économiques, participatifs, etc. Par ailleurs, sur ces enjeux qui débordent largement le cadre national, l’État est également confronté à l’engagement des acteurs de la société civile (acteurs économiques, ONG et de plus en plus les citoyens eux-mêmes) qui a pris une place essentielle. Mener une politique publique de l’environnement est une affaire complexe et qui invite souvent à repenser l’action publique ».

214 A.-S. Epstein, « Éthique environnementale », in « Éthique de l’entreprise (Janvier 2015 – Septembre 2016) »,

LPA, n° 126, 26 juin 2017, p. 8 : « La 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) ; accord de Paris du 12 décembre 2015 ; déclaration des institutions financières sur le financement de l’efficacité énergétique ; Task Force on Climate Related Financial Disclosure ; rapport de l’AMF sur l’investissement socialement responsable (ISR) dans la gestion collective, nov. 2015 ; projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, art. 45 ter ; avant-projet de loi de réforme de la responsabilité civile, art. 1235 ; L. n° 2015-992, 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le changement climatique est de ces domaines où les initiatives des entreprises sont particulièrement attendues. Si ces initiatives sont parfois volontaires, elles se déploient dans un contexte favorable à l’engagement de la responsabilité des pollueurs. La consécration du préjudice écologique dans le Code civil en témoigne. Au-delà des entreprises considérées individuellement, ce sont des filières ou des bassins entiers qu’il s’agit de responsabiliser ; les premiers pas de l’économie circulaire dans notre législation sont, à cet égard, révélateurs ».

215 Décret n° 2016-1138, 19 août 2016 pris pour l'application de l'article L. 225-102-1 du code de commerce et relatif aux informations environnementales figurant dans le rapport de gestion des entreprises, JO 21 août 2016. R. Vabres, « Rapport de gestion Informations environnementales », Droit des sociétés, n° 11, novembre 2016, p.29.

variés, c’est à travers eux que le droit trouve aujourd’hui les moyens de le saisir. C’est l’étude de l’organisation des rapports juridiques relatifs aux sites contaminés qui nous fournira l’occasion de montrer en quoi cette nouvelle approche peut être source de progrès »216.

L’obligation de remise en état des installations classées est une obligation de police administrative. Pourtant, son exécution se situe physiquement localisée sur des sols, qui sont des biens immeubles, objets de droit privé. Elle intervient donc directement dans des rapports juridiques entre particuliers qui sont eux aussi régis par le droit privé (en particulier dans les transactions qui vont régir le devenir du site remis en état ou à remettre en état : vente, location etc.). Obligation fondée sur de grands principes, mais obligation de police aux fonctions diverses, confrontée au phénomène de la contractualisation du droit de l’environnement, obligation d’ordre public, elle doit être respectée, on ne peut y déroger par contrat. Obligation légale d’intérêt général, elle sert des fins spécifiques dont l’exploration recèle bien des attraits. Il faudra donc au fil de cette étude s’intéresser au droit des polices administratives et au droit constitutionnel, mais aussi au droit des obligations et plus particulièrement au champ de la responsabilité civile, ou encore au droit des procédures collectives et au droit des sociétés.

En ce sens, l’obligation de remise en état constitue véritablement un objet d’étude privilégié du droit moderne de l’environnement, répondant à la thématique émergente de l’économie circulaire et transcendant la distinction classique entre droit public et droit privé. Son étude sous un angle de droit privé, sans ignorer son ancrage dans le droit public, s’annonce à la fois potentiellement fructueuse et pleine de promesses.

A travers sa nature composite, se révèle sa spécificité et c’est dans l’interaction de ces droits convergents et complémentaires que se trouve sa substance. Le droit de l’environnement permet ainsi aujourd’hui de l’étudier en s’affranchissant des frontières artificiellement tracées, et dans toute sa complexité.

L’obligation juridique de remise en état possède donc des contours bien définis, mais semble tout de même environnée encore de beaucoup de flou et de zones d’ombres. Or, au regard du contexte présenté, elle semble pourtant essentielle, dans la mesure où elle répond à un besoin authentique de dépollution des sols et de « recyclage » des friches industrielles. Il

216 G. J. Martin, (Introduction) in P. Steichen, Les sites contaminés et le droit, LGDJ, bibliothèque de droit privé, tome 269, 1996, p. 2-3.

paraît donc intéressant de se concentrer sur la caractérisation de l’obligation juridique de remise en état, afin de mieux cerner ensuite qui en sont les « obligés », au sens juridique du terme.

Dans un premier temps, il est indispensable d’approfondir ce qu’est juridiquement l’obligation de remise en état des installations classées à la cessation définitive d’activité. (Première Partie). Pour ce faire, il s’agit de chercher à la caractériser, en l’étudiant finement en tant que notion juridique spécifique. Il faut alors rechercher ses fondements, notamment constitutionnels, mais aussi sa nature, à ses fonctions complémentaires, et le rôle joué par la contractualisation du droit de l’environnement. Son insertion en droit de l’environnement se décline sous deux pans. En tant qu’obligation légale d’intérêt général intégrant un ordre public écologique émergent. Mais également dans un cadre prospectif, en tant qu’elle pourrait fonder de nouvelles actions et surtout permettre de discerner une notion générale de remise en état dans le code de l’environnement.

Dans un second temps, considérant les enjeux de la bonne mise en œuvre de l’obligation de remise en état, l’attention se focalise sur les obligés à la remise en état, c’est-à-dire les personnes susceptibles de l’exécuter ou de la financer parce qu’elles y sont juridiquement contraintes par la loi, un acte ou un fait juridique (Seconde Partie). En effet, l’analyse concrète qui peut en être faite montre que l’obligation de remise en état est trop souvent peu ou mal respectée. Il faut alors s’intéresser au droit positif, étudier quels sont les points de blocage et quels apports juridiques pourraient permettre de dépasser ces difficultés. L’étude se concentre donc sur son débiteur légal, le dernier exploitant, in bonis ou soumis à une procédure collective, mais aussi sur d’autres personnes telles que les sociétés membres du même groupe, et même des tiers qui paraissent susceptibles d’apporter des solutions à la défaillance de l’exploitant.

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