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L’exigence d’une obligation de remise en état conforme au droit de jouir d’un environnement de qualité et respectueux de la santé

B. Les apports positifs de la reconnaissance du droit à l’environnement comme fondement de l’obligation de remise en état

1. L’exigence d’une obligation de remise en état conforme au droit de jouir d’un environnement de qualité et respectueux de la santé

Il est apparu que dans le cadre de l’affirmation du droit à l’environnement le vocabulaire reste soumis à des variations multiples. Il est parfois question du droit à un « environnement

sain », ou comme dans la Charte d’environnement « équilibré et respectueux de la santé »376. Or, ce que recouvre exactement ce droit n’est pas clairement défini dans les textes. Afin de mieux comprendre de quoi il est question, il paraît indispensable de réfléchir au contenu de ce droit, car c’est le sens qui lui est donné qui conditionne la réalité des apports qu’il peut représenter pour l’obligation de remise en état en termes de renforcement de la protection de l’environnement. En effet, ainsi que le souligne Monsieur Vincent Rebeyrol, étudier le contenu d’un droit, c’est aussi « étudier les prérogatives reconnues au titulaire sur l’objet du droit »377. L’étude de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme comme celle du Conseil constitutionnel montre qu’il ne s’agit aucunement de faire primer à tout prix les considérations de nature écologique ou environnementale sur les autres. A l’heure actuelle, le droit à l’environnement n’est finalement que l’une des composantes des droits de l’homme, qui de ce fait doit être mis en balance avec les autres droits, mais n’entend pas primer sur eux, même s’il peut conduire à des arbitrages378.

De fait, le droit à l’environnement tel qu’il est formulé peut apparaître de prime abord assez limité379. L’usage même du terme « environnement » témoigne de cette perspective centrée sur l’être humain : « en un mot, l'environnement est ce « qu'il y a autour de l'homme », étant admis

par ailleurs que l'homme est dans la perspective des philosophies actuelles, le centre de la

376 Sur l’évolution dans l’emploi de ces termes par la CEDH entre les arrêts Tatar et Bacila, voir : M. Bary, « Le droit à un environnement sain », Revue Lamy Droit Civil, n° 71, mai 2010, p. 65-70.

377 V. Rebeyrol, L’affirmation d’un « droit à l’environnement » et la réparation des dommages environnementaux, précité, p. 62.

378 Voir CEDH 10 janvier 2012, Di Samo c/ Italie, précité, § 110 : « Il faut avoir égard au juste équilibre à ménager

entre les intérêts concurrents de l’individu et de la société dans son ensemble ».

379 Sur le caractère anthropocentré : A. Peri, « La Charte de l'environnement : reconnaissance du droit à l'environnement comme droit fondamental », LPA, n°39, 24 février 2005, p. 8-18.

civilisation »380. Une autre optique est parfaitement envisageable381. Mais elle n’est pas dans notre tradition judéo-chrétienne382.

Dans une acception restrictive du droit à un environnement sain, il serait parfaitement concevable que ce droit soit respecté si des populations sont déplacées ou empêchées de s’installer sur un site pollué sans que celui-ci soit remis en état, sans qu’aucune dépollution du site ne soit effectuée. Les apports pour la population seraient limités, puisque l’ordre public doit déjà garantir la sécurité la salubrité et la tranquillité publiques383. Les apports pour l’environnement seraient nuls, dans la mesure où ce dernier ne serait ni réellement pris en compte, ni protégé en considération de sa valeur intrinsèque384. C’est d’ailleurs, en termes de protection de l’environnement, la limite de l’approche de la remise en état par l’usage telle qu’elle existe dans le droit positif385. En ce sens, le droit de l’environnement serait plus protecteur qu’un droit à un environnement sain, confronté aux limites de la subjectivité386.

Néanmoins, il est également possible de soutenir que le droit à l’environnement ne vise pas seulement un environnement propre à permettre la survie de l’être humain, que le terme « sain »

380 C. Huglo, JurisClasseur Environnement et Développement durable, Fasc. 2200 : Environnement et droit de l’environnement - Définitions et notion de développement durable, novembre 2006, point 6.

M.-P. Camproux Duffrène, Pour un droit économique de l'environnement, Mélanges en l'honneur de Gilles J. Martin, Frison-Roche, 2013 ; « Entre environnement per se et environnement pour soi : la responsabilité civile pour atteinte à l'environnement », Environnement, n°12, décembre 2012, p. 13-21.

381 S. Monjean-Decaudin, « L'Équatorianité en question(s), Constitution et équatorianité : la Pacha Mama proclamée sujet de droit », Revue Histoire(s) de l’Amérique latine (HISAL), vol. 4, 2010, p. 14.

382 La Genèse 1.26 : « Puis Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine

sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre ». Il faut souligner cependant que soumettre la terre ne signifie pas la détruire : « L’homme n’est pas le maître de la création, il n’en est que le contremaître : il n’est pas le propriétaire de la création, il n’en est, tout au plus, que l’usufruitier ou le dépositaire », F.-G. Trébulle, « Environnement et respect de la création », Mélanges en l’honneur du professeur Jacques-Henri Robert, LexisNexis, 2012, p. 787-832 (citation p. 797).

383 R. Chapus, Droit administratif général, Tome 1, Montchrestien, 15ème éd., Paris, 2001, p. 702-707, n°904-909.

384 Monsieur Lambert distingue le droit à l’environnement du droit à l’environnement sain, ce dernier correspondant selon lui « à une notion restreinte par rapport au droit à l’environnement qui est infiniment plus

large et qui comprend la protection de la faune, la flore, du patrimoine architectural autant que celle de la santé »,

p.575. P. Lambert, « Le droit de l’homme à l’environnement sain », RTDH, n°43 juillet 2000, p. 553-580. Monsieur Winisdoerffer a également recours à cette distinction. Il écrivait au sujet de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’à défaut de reconnaitre un droit de l’homme à l’environnement, elle propose « les éléments constitutifs d’un droit de l’homme à un environnement salubre réunissant les conditions

indispensables à la vie, à la santé et, dans une petite mesure, au bien-être des individus », Y. Winisdoerffer, « La convention européenne des droits de l’homme », RJE, n°2 2004, p. 171-175.

385 Voir l’Introduction Générale

386 Sur cette question et les perspectives ouvertes par le droit civil voir : M. Bary, « Le droit à un environnement sain », précité. L’auteur souligne que l’expression « environnement sain » témoigne d’une vision essentiellement anthropocentrique de l’environnement qui le rend impropre à protéger l’environnement pour lui-même par exemple pour la réparation du préjudice écologique pur, même si cette dernière a été admise par certaines juridictions. Au contraire Madame Marie-Pierre Camproux-Duffrène, souligne qu’il ne s’agit pas nécessairement d’un obstacle dirimant, Pour un droit économique de l’environnement, Mélanges en l’honneur de Gilles Martin, précité.

de l’article L. 110-2 du code de l’environnement n’est pas utilisé en seule référence à la question de la salubrité et de la santé387. En effet, un environnement pleinement sain est aussi un environnement de nature à offrir une certaine qualité de vie. La Charte de l’environnement propose ainsi une définition du droit à l’environnement relativement large. Elle reconnait l’existence d’un droit à un environnement « respectueux de la santé », mais aussi à un environnement « équilibré »388. En ce sens, la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes naturels paraissent également pouvoir être pris en compte par ce droit389. En ce qui concerne l’obligation de remise en état, la reconnaissance de ce droit à un environnement équilibré pourrait alors permettre une meilleure prise en compte des équilibres naturels sur le site390.

Ainsi, il apparaît en définitive que le droit à l’environnement ouvre des perspectives intéressantes pour garantir une meilleure prise en compte des enjeux sanitaires et environnementaux au moment de la remise en état consécutive à une cessation définitive d’activité. Son anthropocentrisme relatif ne constitue en réalité pas un obstacle rédhibitoire pour permettre une réelle prise en compte des milieux et des équilibres naturels par le droit. Il faut souligner en outre que le droit de l’environnement est encore un droit jeune, en construction, et que la reconnaissance de tels fondements à l’obligation de remise en état aura vocation à s’enrichir de leurs évolutions. Ils pourraient notamment légitimer, voire contraindre à des évolutions de cette obligation. C’est pourquoi il importe à présent de s’intéresser un peu plus

387 « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une

absence de maladie ou d'infirmité », Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, adopté

par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entrée en vigueur le 7 avril 1948.

388 Madame Maguelonne Dejeant Pons expose ainsi que « plus qu’un droit de l’homme au sens strict, il doit donc

s’agir d’un droit de l’espèce qui protège à la fois l’homme et le milieu dans lequel il vit », M. Dejeant Pons, « Les

droits de l'homme à l'environnement dans le cadre du Conseil de l'Europe », précité, p. 862. Madame Dejeant Pons et Monsieur Pallemaerts affirment encore que « la portée du droit à un environnement sain est bien plus large que

de recouvrir uniquement les conditions écologiques indispensables à la satisfaction des besoins primaires ». Ils ajoutent que « la plupart des formulations font référence à un environnement favorable au bien-être de l’homme tout autant qu’à sa santé physique », Droits de l’homme et environnement, précité, p. 17 et p.18. Monsieur le

professeur François-Guy Trébulle souligne que l’invocation de l’article premier de la Charte pourrait ouvrir une voie de nature à permettre de dépasser les limites liées à l’anthropocentrisme qui caractérise l’affirmation du droit à un environnement sain, afin de parvenir à une réparation du préjudice écologique, F.-G. Trébulle, « Le Conseil constitutionnel, l'environnement et la responsabilité : entre vigilance environnementale et pré-occupation », précité.

389 Monsieur Vincent Rebeyrol se prononce ainsi pour une conception large de l’environnement incluant la protection de la biodiversité, L’affirmation d’un « droit à l’environnement » et la réparation des dommages

environnementaux, précité, p. 50 à 62.

390 Voir l’exemple de la remise en état par l’Ademe du site d’une ancienne mine d’or qui abritait une espèce de chauves-souris protégée, qui a impliqué la recréation d’habitats artificiels sur le site en remplacement de ceux détruits par les travaux de réhabilitation : arrêté n° 2008-1413, portant sur la réhabilitation du site des anciennes mines d'or du Châtelet, commune de Budelière, du préfet de la Creuse en date du 16 décembre 2008 (article 8 : prescriptions relatives à la protection des chauves-souris).

directement à la question du rôle de la jurisprudence relative au droit à l’environnement et aux perspectives nouvelles qui se dessinent sur ce fondement.

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