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Les apports potentiels en termes de renforcement de la protection de l’environnement et de la santé

B. Les apports de la reconnaissance du droit des générations futures comme fondement de l’obligation de remise en état

1. Les apports potentiels en termes de renforcement de la protection de l’environnement et de la santé

Le droit des générations futures se rattache au droit à l’environnement sur le contenu, mais il a vocation par nature à s’exercer dans une perspective diachronique plutôt qu’en synchronie. En dépit des convergences réelles qui viennent d’être relevées et de la préoccupation manifeste de l’obligation de remise en état pour l’avenir, il semble toutefois difficile de soutenir que ce droit façonne l’obligation de remise en état telle qu’elle existe dans le droit positif. En effet, ainsi que cela a été précédemment évoqué, l’obligation de remise en état se traduit souvent par une obligation de remettre le site en état pour un nouvel usage industriel, alors même qu’il s’agissait à l’origine d’un site naturel. De fait, une remise en état pour un usage industriel restreint les choix d’urbanisme des générations futures, puisqu’elles subissent une restriction des usages possibles sur le site, sauf à engager des coûts parfois considérables pour en effectuer une remise en état plus poussée du site. Si la question de la consommation d’espace est

réellement prise en compte, cela pourrait conduire à changer la perspective428. Alors, la prise en compte du droit des générations futures pourrait fonder une obligation de mise en œuvre de l’obligation de remise en état plus exigeante en termes de restauration de l’environnement et l’existence d’un seuil minimum d’exigences quant à cette dernière. Il serait par exemple envisageable de restreindre les possibilités de remettre en état pour un usage industriel un site implanté à l’origine sur un espace naturel, sans pour autant prôner dans tous les cas un retour à l’état initial du site.

Une obligation de remise en état qui prendrait réellement en compte le droit des générations futures pourrait également inciter à des arbitrages différents sur le choix des techniques à employer. Dans un certain nombre de cas, lorsque des quantités importantes de sol sont polluées, la question se pose de savoir s’il est préférable d’excaver les terres polluées, soit pour les dépolluer, soit pour les envoyer dans des centres de stockage où elles sont alors qualifiées de déchets429. Dans certains cas, la solution retenue consiste à confiner la pollution sur le site430. La prise en compte du droit des générations futures, peut inciter à modifier la balance coût-avantages en faveur d’une dépollution plus complète, sur le site, lorsque cela est possible431.

428 P. Balny, O. Beth, E. Verlhac, Protéger les espaces agricoles et naturels face à l'étalement urbain, rapport du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et du conseil général de l'environnement et du développement durable, précité ; Urbanisation et consommation de l’espace, une question de mesure, revue du

commissariat général au développement durable (CGDD) – service de l’observation et des statistiques, précité.

429 Sur l’excavation des terres polluées : voir

430 Sur les enjeux et la question du confinement des pollutions, voir par exemple la remise en état du site des anciennes mines d’or de Salsigne dans l’Aude par l’ADEME : X. Foata, « Gestion de l’après-mine, exemple de Salsigne », conférence Difpolmine, 12-14 décembre 2006, Montpellier ; A. Girard, Site de Salsigne (Aude), gestion

et surveillance 2007 – 2010, rapport BRGM/ RP- 59620, 2011.

431 Dans la pratique, les questions se posent déjà et il y a des réflexions sur la durabilité d’un tel système de confinement des pollutions, voir A. Girard, Site de Salsigne (Aude), gestion et surveillance 2007 – 2010, précité. Mais la situation n’est pas toujours simple. L’exemple du site de Stocamine dans le Haut-Rhin est emblématique. Environ 44.000 tonnes de déchets industriels ultimes ont été stockés entre 1999 et 2002 sous terre dans des anciennes galeries de mine par la société Stocamine, filiale des Mines de potasse d'Alsace. Les stockages ont cessé depuis un incendie en 2002. Notamment du fait de cet incendie, vraisemblablement dû au stockage de déchets non conformes, le caractère réversible de l’opération a été remis en cause. Or, la proximité de la nappe phréatique sous-terraine aboutira à long terme à un ennoyage des galeries susceptible de causer une importante pollution de l’eau. Le rapport Caffet précise que l'option de « confinement définitif (…) conduirait pour sa part à un ennoyage du

stockage à horizon de 100 à 150 ans et à un risque de remontée par les puits d'éléments dangereux, à un horizon encore plus lointain (estimée à environ 600 ans après l'ennoyage) ». M. Caffet, B. Sauvalle, Rapport fermeture du stockage de déchets ultimes Stocamine, Ministère de l’écologie, du développement durable et de la mer en

charge de l’économie verte et des négociations sur le climat, Conseil général de l’environnement et du développement durable, Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies, p. 3. En dépit des risques évoqués, la décision de savoir s’il faut tenter d’aller chercher les déchets est très difficile à prendre, puisque ces interventions comportent elles-mêmes des risques non négligeables.

Comme c’est le cas pour le droit à l’environnement, il faut réaliser une mise en balance des différents intérêts en jeu432. Dans cette perspective, la question de l’anthropocentrisme du droit des générations futures doit être relativisée. Certes l’environnement n’est pas vraiment pris en considération pour sa valeur intrinsèque, mais en fonction de ses interactions possibles avec l’homme. Pourtant, laisser aux êtres humains de demain un environnement de qualité implique une obligation bien réelle de protection de l’environnement et de la biodiversité433.

Enfin, la prise en compte du droit des générations futures incite à une meilleure prise en compte des risques de défaillance de l’exploitant pour limiter la proportion de sites orphelins. Le principe pollueur payeur oriente la recherche d’une personne solvable pour prendre en charge les sites orphelins, ou prévenir les défaillances, vers des personnes qui puissent être considérées à un titre ou un autre comme des « pollueurs ». Le développement durable invite à mettre en balance les considérations sociales, environnementales et économiques dans la recherche de solutions juridiques appropriées pour répondre à cette problématique. Le droit à l’environnement incite à renforcer les mécanismes de nature à garantir les risques liés à une défaillance du débiteur de l’obligation de remise en état. C’est cependant la prise en considération des droits des générations futures qui illustre le mieux l’importance de cette préoccupation en invitant les pouvoirs publics à adopter une perspective à long terme, certaines pollutions pouvant n’apparaître qu’après plusieurs années, ou fortuitement à l’occasion de travaux sur le site434.

Pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, les apports de la prise en compte du droit des générations futures dans le cadre de l’obligation de remise en état des installations classées au moment de la cessation définitive d’activité semblent non négligeables et pourraient justifier un renforcement et une meilleure prise en compte de cette obligation dans le sens de la protection de l’environnement.

Toutefois, si ce droit n’est pas invocable, s’il n’est pas doté, d’une certaine « justiciabilité », ces apports pourraient bien rester lettre morte.

432 Voir le § 1 de cette section sur le droit à l’environnement et la nécessité de le mettre en balance avec d’autres intérêts notamment économiques et sociaux.

433 Sur les rapports entre droit à l’environnement et droit des générations futures voir E. Gaillard, Générations

futures et droit privé, vers un droit des générations futures, précité, p. 384-396.

434 La question déjà évoquée dans ce chapitre de la possibilité de donner quitus à l’exploitant après la mise en œuvre de travaux de remise en état déterminés en coordination avec les pouvoirs publics va clairement à l’encontre de cette démarche, Club des juristes, Commission environnement, Mieux réparer le dommage environnemental, précité, p. 63.

2. Les perspectives ouvertes par l’invocabilité du droit des générations

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