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L’intégration dominante de l’objectif de sécurité internationale dans les accords avec l’Asie-pacifique

véritables partenariats non-associatifs

Section 1 L’intégration dominante de l’objectif de sécurité internationale dans les accords avec l’Asie-pacifique

295. Si les accords de coopération de « troisième génération » conclus avec l’Asie à la fin des

années 1990 dépassaient le cadre de la coopération purement commerciale, ils se limitaient à aborder timidement les questions sécuritaires. Il faudra attendre les accords conclus au début des années 2000 avec l’Amérique latine, pour que soient davantage prises en compte au sein des accords externes de l’UE les préoccupations de sécurité internationale. C’est l’Accord d’association avec l’Amérique centrale qui contient la « panoplie complète des clauses en

matière de sécurité519 ». Cet accord aborde ainsi le désarmement (article 14), la

non-prolifération des armes de destruction massive (article 15), la lutte contre le terrorisme (article 16), ou encore contre les crimes graves de portée internationale (article 17). Ainsi, « la

conditionnalité sécuritaire devient un élément majeur, quoique d’intensité variable, des

relations que l’Union entend tisser avec ses partenaires520 ».

296. Les accords-cadres récemment conclus avec les pays d’Asie-pacifique521 contiennent des dispositions similaires. Les clauses relatives à la coopération en matière sécuritaire présentent des caractéristiques communes, qui s’articulent autour de deux points essentiels :

- elles démontrent une volonté de s’appuyer, tant en termes de légitimité que d’efficacité, sur les structures, organisations et textes internationaux, et de les renforcer ;

- elles mettent en place une coopération de niveau modeste, essentiellement centrée sur l’échange d’informations, de meilleures pratiques, et parfois l’octroi d’une assistance technique au bénéfice des PED.

297. L’ensemble des questions sécuritaires est pertinent aussi bien concernant l’UE que

l’Asie-pacifique. Cependant, à l’exception des menaces véritablement « globales » (risque nucléaire, terrorisme international), il existe une « déconnexion » concernant les acteurs et activités

519 BOSSE-PLATIERE I., « L’insertion des clauses de coopération en matière de sécurité… », précité, p.5

520 Ibid., p.3

521 Voir LEBULLENGER J., « L’articulation entre les accords de partenariat et de coopération (APC) et les accords de libre-échange (ALE/FTA) », in BERRAMDANE A., TROCHU M. (dir.), Le Partenariat UE-ASEAN, 2013, Bruylant, Bruxelles, pp.39-79.

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criminelles impliqués dans les deux régions. Par exemple, si l’UE et l’Asie-pacifique sont toutes deux confrontées au trafic de drogue, il ne s’agit pas forcément des mêmes types de stupéfiants, et les flux (approvisionnement/distribution/transit) diffèrent. De la même façon, en raison de l’éloignement géographique, les réseaux de passeurs ou de trafiquants d’êtres humains actifs sur le territoire de l’ASEAN ou à direction de l’Australie ne sont pas « connectés » à ceux qui agissent en Europe. Il s’agit d’un autre facteur expliquant le manque d’intensité de la coopération proposée au sein des accords-cadres sur ces sujets.

298. De plus, alors que la lutte contre les menaces globales s’opère essentiellement dans un

cadre multilatéral, le combat contre les autres formes de criminalité dépend davantage de la coopération bilatérale ou plurilatérale, au travers des échanges d’informations, de meilleures pratiques, ainsi que d’assistance technique. Or, l’architecture sécuritaire asiatique est encore très faiblement développée522. La promotion de l’adhésion universelle aux principaux traités en la matière constitue ainsi un levier important pour aider au démantèlement global des différents réseaux criminels, et permettre aux partenaires de joindre leurs forces au sein d’opérations, lorsqu’approprié.

299. Il existe ainsi deux types de menaces sécuritaires, qui appellent des réponses

transnationales différentes, quoique cohérentes.

D’un côté, il s’agit des menaces dites « globales », de par l’étendue potentielle ou avérée de leurs effets, à savoir la prolifération des armes de destruction massive, notamment nucléaire, et le terrorisme dans sa version mondialisée, inaugurée par Al-Qaida et perfectionnée par l’OEI. Or, en Asie-pacifique comme ailleurs, la promotion de la lutte contre l’insécurité en la matière est au final peu ambitieuse, et s’appuie essentiellement sur le cadre multilatéral (§1).

De l’autre côté, en matière de lutte contre les menaces « locales », et notamment les formes variées de criminalité transfrontalières, l’ambition des accords-cadres conclus en Asie-pacifique est cette fois non seulement limitée par les contraintes propres à la PESC, mais aussi par la « déconnexion » des réseaux et acteurs impliqués (§2).

522 Sur les origines contrariées de la Communauté de sécurité de l’ASEAN, v. BOISSEAU DU ROCHER S. « La Communauté de sécurité de l’ASEAN… », précité.

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§1 La lutte contre les menaces « globales » : la relativisation de l’engagement fort de principe par une coopération peu opérationnelle

300. En termes d’enjeux sécuritaires internationaux, deux thèmes se dégagent des autres, tant

la menace s’avère globale et tangible : les risques présentés par les armes de destruction massive (ADM) d’un côté, et le terrorisme, de l’autre. Ces deux menaces sont au cœur des préoccupations internationales, en Europe comme en Asie et dans le Pacifique.

La lutte contre les ADM est abordée au sein des accords-cadres de l’UE dans une clause standardisée, qui est qualifiée d’élément essentiel, aux côtés de la clause droits de l’homme523. Elle est quasi-systématiquement insérée dans les accords de coopération politique ou d’association. Son contenu a somme toute peu évolué depuis son introduction initiale en Asie-pacifique avec l’Indonésie (A).

Les Etats membres de l’UE comme les pays de la zone Asie-pacifique sont affectés par des phénomènes terroristes, quoique de nature et d’intensité variable. Ceci justifie la mise en place d’une coopération en la matière au sein des accords-cadres. Toutefois, l’action de l’UE en matière de lutte contre le terrorisme reste limitée, en raison notamment de la volonté des États de garder la main sur les questions régaliennes de sécurité524. Ceci s’en ressent très nettement dans le contenu des accords-cadres, en Asie-pacifique notamment (B).

A. La menace nucléaire en Asie-pacifique et la clause de non-prolifération des armes de destruction massive

301. La clause relative à la non-prolifération des armes de destruction massive (ci-après

« clause ADM ») fait partie de celles dont l’insertion au sein des accords de coopération et d’association a été rendue obligatoire par le Conseil de l’UE525. Il s’agit d’un sujet dont la nature

523 Deux exceptions doivent être rappelées : la lutte contre la corruption, au sein de l’accord euro-indonésien (article 35), et la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement au sein de l’accord euro-vietnamien (article 2), sont également qualifiés d’éléments essentiels.

524 WERNERT S., « L’Union européenne et la lutte contre le terrorisme », Politique étrangère, 2018, vol 2, pp. 133-144

525 Conclusions du Conseil relatives à la Politique de l’Union concernant l’élément « non-prolifération » dans les relations de l’Union avec les pays tiers, doc. 14997/03, 19 novembre 2003, 4 p.

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sécuritaire est directement liée à la dimension « défense » de la politique étrangère526. La question du fondement juridique de cette clause ADM est délicate, et n’a a priori pas encore été directement tranchée par le juge de l’UE527. Son contenu est largement standardisé, et axé sur la mise en œuvre des engagements internationaux en la matière (1). Elle fait néanmoins l’objet de quelques variations dans les accords négociés avec les partenaires d’Asie-pacifique (2).

1. La clause ADM « standard », élément essentiel de la promotion de la sécurité internationale

302. L’insertion de telles clauses avec les pays asiatiques se révèle particulièrement nécessaire

dans la mesure où plusieurs Etats du continent asiatique et du pacifique sont des puissances nucléaires528. De plus, depuis que le Traité de Non-Prolifération (TNP)529 est entré en vigueur en 1970, trois États non-signataires ont effectué des essais d’armes nucléaires : l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord, qui est l’Etat le plus « à risques » dans la région530.

303. L’insertion de la clause ADM est systématique au sein des accords de coopération et

d’association depuis les conclusions du Conseil en ce sens du 17 novembre 2003531. Elle comporte quatre éléments classiques. D’abord, les partenaires rappellent que la prolifération des ADM et de leurs vecteurs constituent « l’une des menaces les plus graves pour la stabilité

et la sécurité internationales ». Puis, ils réaffirment leur engagement à respecter leurs

obligations internationales en la matière. Cet élément est qualifié d’essentiel. La clause prévoit ensuite la mise en place d’une coopération, qui visera à améliorer la mise en œuvre des instruments internationaux sur le désarmement et la non-prolifération des armes de destruction

526 BOSSE-PLATIERE I., « L’insertion des clauses de coopération en matière de sécurité… », précité, p.6

527 Ibid.

528 Dans le monde, cinq États sont considérés comme des « États dotés d’armes nucléaires » selon les termes du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Ce sont, dans l’ordre d’acquisition : les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France et la République populaire de Chine. Le Traité sur la non-prolifération nucléaire a été conclu en 1968. Il vise à réduire le risque que l’arme nucléaire se répande à travers le monde, et son application est garantie par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

529 Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, entré en vigueur le 5 mars 1970.

530 La Corée du Nord a fait partie du traité, mais s’en est retirée en 2003. Pour une analyse mettant en évidence la contribution modeste, mais positive, de l’approche européenne de la question nord-coréenne, par opposition à la stratégie américaine notamment, voir CASARINI N., « Europe’s comprehensive approach to Northeast Asia’s security », Monde chinois, 2018, vol 1, n°53, pp. 94-102, précité.

531 Conclusions du Conseil relatives à la Politique de l’Union concernant l’élément « non-prolifération » dans les relations de l’Union avec les pays tiers, doc. 14997/03, 19 novembre 2003, 4 p.

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massive, notamment par l’adhésion et l’application de tous les autres instruments internationaux pertinents, le cas échéant. Enfin, au-delà du respect des obligations internationales, les parties conviennent d’établir ou de maintenir un système national efficace de contrôle des exportations, qui consiste en un contrôle des exportations et du transit des marchandises liées aux ADM, ainsi qu’un contrôle de l’utilisation finale des technologies à double usage532, et comportant des sanctions efficaces en cas d’infraction aux contrôles des exportations. Un dialogue politique régulier est systématiquement prévu pour accompagner et renforcer ces éléments533.

304. Etonnamment, aucun des « instruments internationaux » concernés n’est expressément

cité dans les clauses : il s’agit sans doute, comme pour les « autres instruments pertinents » en matière de protection des droits de l’homme, d’assurer la pertinence de la clause à travers le temps. Il n’en demeure pas moins que « cette référence constante et systématique » aux conventions pertinentes, même implicitement, est essentielle. Elle inscrit l’insertion de ces clauses dans le cadre normatif international et ce faisant, constitue pour l’Union « un moyen de

légitimation de sa politique de conditionnalité incitative »534.

305. En Asie-pacifique, quelques nuances au contenu de la clause ont pu être apportées selon

les partenaires, sans que cela ne change fondamentalement ni son esprit ni sa portée. Ces variations peuvent être motivées par des considérations légitimes, comme par des facteurs plus incertains.

532 Selon la définition usuelle, relèvent de cette catégorie les « biens, les équipements - y compris les technologies, logiciels, le

savoir-faire immatériel ou intangible – susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire ou pouvant - entièrement ou en partie - contribuer au développement, à la production, au maniement, au fonctionnement, à l’entretien, au stockage, à la détection, à l’identification, à la dissémination d’armes de destruction massive », Règlement (CE) n° 428/2009 du Conseil

du 5 mai 2009 (modifié) instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens et technologies à double usage, entré en vigueur le 27 août 2009, JOCE L 134, du 29.5.2009, p. 1–269.

533 Il est précisé pour les membres de l’ASEAN qu’il peut « se dérouler sur une base régionale », ex. : Indonésie, article 3§6

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2. Les variations de la clause de non-prolifération des armes de destruction massive

306. La première variation tient à une certaine mesure de différenciation parfois introduite

dans les accords. Ainsi, le statut de PED du Vietnam est mis en avant dans la clause qui a été négociée avec ses représentants. L’accord rappelle que la mise en place du système de contrôle des exportations doit se faire « dans le respect des capacités de chaque partie », et qu’une assistance technique pourra être fournie535. Cette version a été reprise avec les Philippines deux ans plus tard536. L’UE est appelée à coopérer en ce sens avec ces partenaires, afin d’assurer la cohérence de son action537.

D’autres aménagements interrogent davantage.

307. Par exemple, les partenaires ont pu dans certains accords-cadres souligner qu’il ne

s’agissait pas d’interdire les activités civiles liées aux technologies nucléaires. Cette distinction est également appuyée sur les prescriptions du TNP lui-même538. Il en va ainsi au sein de l’accord euro-vietnamien : d’abord, l’affirmation classique est nuancée, en ce qu’est rappelé « le droit légitime des parties en matière de recherche, de développement, d’utilisation, de

commercialisation et de transfert de technologie biologique, chimique et nucléaire et de

matériels apparentés à des fins pacifiques539 ». Plus loin, les parties ont tenu à indiquer que le

système de contrôle national des exportations ne devait pas « porter atteinte aux activités

d’importation et d’exportation ou aux opérations financières normales et licites540 ». Cette

nuance existe également dans l’accord conclu avec la Malaisie541.

308. Si l’on rapproche ceci du constat que l’Asie constitue pour les entreprises spécialisées

dans la construction et l’exploitation de centrales nucléaires, y compris européennes, une « terre

535 Vietnam, article 8§2

536 Philippines, article 8

537 Ce qu’elle fait, modestement, au moyen de l’Instrument de Coopération en matière de Sécurité Nucléaire, concernant le développement de programmes nucléaires civils, voir infra, titre 2.

538 Ce traité n’est pas conçu pour porter atteinte aux recherches et à l’exploitation du nucléaire dans une optique pacifique, puisqu’il incite au contraire à la coopération technologique et scientifique dans ce domaine (art. IV). L’article V fait mention de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire en engageant les États dotés de l’arme nucléaire (EDAN, le « club nucléaire ») à rendre accessibles, sur une base non discriminatoire, aux États non dotés de l’arme nucléaire (ENDAN) des dispositifs explosifs dont ils n’auraient pas à payer la recherche et la mise au point.

539 Vietnam, article 8§1

540 Vietnam, article 8§2

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d’avenir pour le nucléaire »542, cette mention peut interroger. Les besoins en énergie en Asie

sont en effet croissants, et certains observateurs constatent que les « projets gigantesques de

construction de centrales font saliver toute l’industrie nucléaire mondiale »543.

309. De fait, plusieurs des pays de l’ASEAN ont exprimé à des degrés divers leur intérêt pour

la construction de centrales nucléaires, afin de répondre à leurs besoins croissants en électricité, et dans le cadre des réflexions sur la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique544. Les Etats possédant des intérêts en la matière, au premier rang desquels les Etats-Unis, la Russie, le Japon (avant la catastrophe de Fukushima), et la Corée du Sud545, ont été particulièrement actifs dans leur soutien à ces ambitions546. Nombreux sont cependant les citoyens et ONG qui expriment des inquiétudes quant à la capacité de ces pays à assurer la sécurité de tels sites547.

310. En effet, si l’UE ne contrevient pas à ces engagements en acceptant l’introduction d’une

telle mention, la question peut se poser au plan éthique, au regard d’un côté des enjeux de sécurité, et de l’autre, de gestion des déchets nucléaires. Certains Etats d’Asie du Sud-Est sont encore fragilisés par l’instabilité politique qui y règne, et le terrorisme qui y sévit, en plus de la contrainte qui pèse sur leurs capacités de régulation, en tant que PED. Or, la sécurité des centrales nucléaires est un sujet qui préoccupe les services de sécurité de tous les pays qui en possèdent548, y compris les pays industrialisés, comme en témoigne l’adoption de la Convention internationale pour la répression du terrorisme nucléaire en 2005549.

311. Ensuite, la gestion des déchets dans les pays de l’ASEAN est d’ores et déjà un problème

grave. Dans des pays qui peinent déjà à gérer les déchets croissants produits par l’urbanisation,

542 Voir par exemple GAULENE M., Nucléaire en Asie : Fukushima, et après ? , Collection l’Asie immédiate, Editions Philippe Picquier, 2016, 208 p.

543 Ibid., p.5

544 V. sur ce point MOTTET E., « Asie du Sud-Est : des programmes nucléaires civils bientôt opérationnels ? », Monde chinois, 2015, vol 4, n°44, pp. 122-125.

545 La Corée du Sud est le pilier principal du nucléaire civil en Asie avec 30% de son électricité produite par l’atome. Elle envisage de porter la part du nucléaire dans son mix énergétique à 59% d’ici à 2013.

546 GAULENE M., précité, p.10.

547 Au regard des multiples difficultés rencontrées par les pays de l’ASEAN, et de l’abandon de certains des projets, ces entreprises ont partiellement déchanté. En 2011, l’Agence Internationale de l’Energie Nucléaire (AIEA) a estimé que la Thaïlande n’avait pas une réglementation suffisante pour mener son programme d’ouverture de deux centrales en 2020.

548 Sur ce sujet, voir LOUVET M. et MOGNARD M., « Géopolitique de l’énergie nucléaire et du risque terroriste », La revue

géopolitique, DiploWeb, post du 8 février 2018.

549 Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, 13 avril 2005, New-York, 113 parties au 08/06/2018.

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l’industrialisation, et la consommation domestique croissante, est-il raisonnable de promouvoir l’installation de centrales nucléaires ? Certes, la clause se contente de rappeler une distinction déjà connue, mais dans un accord où pratiquement toutes les dispositions sont de nature « proclamatoire » et où le symbole prime souvent sur la portée de la substance, cette mention des technologies civiles n’est pas anodine. D’autant plus que la clause négociée avec le Vietnam et la Malaisie ne mentionne en rien la possibilité de tenir un dialogue sur la sûreté nucléaire, entre autres questions.

312. En revanche, les activités de coopération menées avec plusieurs pays de l’ASEAN dans

le cadre de l’ICSN peuvent rassurer sur la cohérence que cherche à maintenir l’UE dans son action extérieure : les missions « exploratoires » menées avec le Vietnam notamment, révèlent la conscience des partenaires de la nécessité d’avancer prudemment dans le domaine, et de la priorité accordée à la nécessité d’assurer une sécurité des installations, de l’approvisionnement, et de la maintenance550.

313. En Asie-pacifique, comme ailleurs, la sanction du non-respest de la clause ADM n’a

jamais été mise en œuvre551. Il peut paraître dérisoire de menacer de suspendre la coopération face à une menace de l’ampleur de la menace nucléaire, ce qui réduit l’intérêt de ce « dernier recours ». En vérité, le risque nucléaire appelle une réponse coordonnée et fondamentalement multilatérale - comme les autres menaces « globales ». Ces clauses ne peuvent être qu’un élément parmi d’autres d’une politique plus globale de l’Union européenne en matière de lutte contre les fléaux qui menacent la sécurité internationale552.

314. Cette approche des enjeux sécuritaires se construit progressivement, comme en

témoignent les autres clauses sécuritaires des accords-cadres, et notamment celle concernant la lutte contre le terrorisme et son financement, en réponse à l’évolution de ce phénomène ancien, et surtout à la « mondialisation » de l’OEI.

550 V. infra, titre 2

551 M. MARESCEAU, « Unilateral Termination and Suspension of Bilateral Agreements Concluded by the EC », in Piet Jan SLOT (dir), Views of European Law from the moutain. Liber Amicorum, Wolters Kluwer, 2009, pp. 455-466.

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B. La lutte contre le terrorisme : une priorité relativisée par les contraintes pesant sur la capacité d’agir de l’UE en matière d’antiterrorisme

315. Au regard de l’importance croissante de la coopération553 en la matière, les auteurs s’attendent depuis quelques années à voir la clause consacrée à la lutte contre le terrorisme hissée au rang des « éléments essentiels ». Ceci étant, l’attente se prolonge. Deux facteurs notamment peuvent l’expliquer : d’abord, les Etats sont globalement réticents à l’introduction d’« éléments essentiels », indifféremment de leur contenu554. Leurs réticences ne peuvent que s’accroître dans un domaine aussi sensible que la lutte contre le terrorisme, qui mobilise les forces régaliennes de l’Etat, et touche au nerf de sa souveraineté.