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Des accords fondés sur les valeurs communes et la doctrine de l’action extérieure européenne

véritables partenariats non-associatifs

Titre 1 Des accords fondés sur les valeurs communes et la doctrine de l’action extérieure européenne

128. La « charte »245 de l’article 21 TUE requiert de l’UE qu’elle assure la promotion de ses valeurs au sein des relations qu’elle noue avec les Etats tiers, y compris dans ses liens conventionnels. Les principes et objectifs de l’action extérieure européenne sont ainsi inscrits dans chacun des accords bilatéraux et bi-régionaux conclus par l’UE, et constituent le socle de valeurs partagées et d’intérêts communs sur lequel s’établissent et peuvent se développer les relations entre les parties. Pour mémoire, à chacun des grands principes de l’action extérieure européenne (qui peuvent se décliner en plusieurs valeurs ou objectifs connexes) correspond un « bloc » de conditionnalité : la gouvernance démocratique, entendue comme composée des droits fondamentaux, principes démocratiques et de l’Etat de droit246 ; la recherche de la paix et de la sécurité internationale ; le développement durable dans ses trois composantes.

129. Le respect du droit international et ses corollaires, à savoir le soutien au multilatéralisme

et à l’intégration régionale, constituent un autre principe transversal, qu’on retrouve dans chacun des blocs de conditionnalité au sein des accords-cadres. La promotion de ce principe se manifeste de façon transversale et indirecte : elle ne saurait être limitée à un champ particulier de coopération, et « l’influence sur la teneur du droit de l’action extérieure va être indirecte,

puisqu’elle découlera du droit international par la suite adopté dans le cadre de cette

coopération internationale247 ». Dès lors, on peut considérer que dès que l’UE cherche, dans le

cadre des accords, à encourager une action collective au sein des enceintes internationales, ou qu’elle promeut l’adoption et le respect à un traité ou un texte international, elle contribue au respect de cet objectif. Le même raisonnement s’applique au soutien aux intégrations régionales en tant que vecteurs de stabilité et de prospérité, ce qui dans le cadre de cette étude, se manifeste essentiellement dans le soutien de l’UE à l’ASEAN.

245 Terme emprunté à I. BOSSE-PLATIERE, « L’objectif d’affirmation de l’UE sur la scène internationale », précité, p.265

246 Voire de la bonne gouvernance, voir infra, chapitre 1

247 BILLET C, Dimension externe de l’espace de liberté, de sécurité et de justice et action extérieure de l’Union européenne, thèse de doctorat sous la direction de FLAESCH-MOUGIN C et GUILD E, 2014, 719p., note de bas de page 1750, p.450.

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130. La doctrine de l’action extérieure de l’UE248 présente deux autres traits caractéristiques. D’abord, la vision européenne repose sur la circularité, l’interdépendance des valeurs : il ne saurait y avoir de paix sans éradication de la pauvreté, ni développement économique durable sans protection sociale et environnementale, ni sécurité sans respect des principes démocratiques contribuant à la paix sociale, etc249. Parallèlement, l’UE insiste sur la transversalité de la prise en compte des valeurs, au sein de chacune des activités ainsi que de chacun des actes de l’action extérieure. Cette transversalité découle de l’interdépendance des valeurs. Puisque l’avènement de chacun des principes/objectifs dépend des autres, il convient de les envisager de façon systémique et systématique, et non cloisonnée, et d’en garantir la prise en compte dans tous les aspects de l’action extérieure.

131. Les principes/objectifs de la doctrine européenne ne sont ceci étant pas hiérarchisés.

Pourtant, « la conciliation de tous est irréaliste »250. Dans la mesure où certains objectifs de l’action extérieure peuvent parfois se heurter l’un à l’autre, leur transversalité impliquerait d’établir lequel aurait la primauté. Pourtant, il n’existe pas de disposition prévoyant un tel arbitrage a priori au sein des Traités. Les arbitrages se font donc au cas par cas, en fonction, cela étant, des prescriptions que le droit secondaire, les communications de la Commission, les conclusions du Conseil de l’UE et du Conseil européen, peuvent parfois offrir. Les enjeux de tels choix sont fondamentaux puisqu’ils conditionnent la cohérence de la politique de l’Union et sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires. Cela justifie que l’identification de ces « intérêts et objectifs stratégiques » incombe au Conseil européen qui en décide à l’unanimité251, la préparation des priorités étant assurée par le Haut Représentant, comme l’indiquent les conclusions du Conseil du 16 septembre 2010252.

132. Or, au sein des accords-cadres conclus en Asie-pacifique, certains sujets sont traités avec

plus d’ambition que d’autres. Notamment, la contribution à la sécurité par la coopération judiciaire ou policière transnationale, ou la prise en compte des aspects positifs des migrations,

248 Que l’on pourra désigner ensuite, par souci de concision, par « la doctrine », ou « la doctrine de l’UE ».

249 Cette interdépendance des valeurs est également consacrée dans l’approche de l’Assemblée Générale des Nations-Unies (AGNU).

250 V. C. FLAESCH-MOUGIN, « Approche transversale des relations extérieures », ADE, 2004, 2006, vol. II, p. 629.

251 Article 22§1 TFUE. Voir HILLION C., « Common strategies and the interface between E.C. External relations and the CFSP / Lessons of the partnership between the E.U. and Russia », in A. DASHWOOD and C. HILLION, The general law of

E.C. external relations, Sweet and Maxwell, London, 2000, 287p.

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sont traités au sein des accords de façon très superficielle, alors que la promotion des composantes de la gouvernance démocratique s’avère plus exhaustive et ambitieuse. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette apparente hiérarchie des valeurs dans les accords-cadres. La persistance d’une mainmise des Etats-membres sur les questions de PESC constitue la raison principale de la relative faiblesse des clauses « sécuritaires ». Quant à l’instabilité et la modestie relative des clauses relatives au développement durable et à la participation des acteurs privés, elle tient au caractère encore récent et donc expérimental de ces dispositions.

133. Ainsi, au regard des situations parfois très problématiques en Asie du Sud-Est, on se

réjouit de constater que les accords assurent une promotion affirmée des valeurs liées à la démocratie, aux droits de l’homme et à l’Etat de droit. Les accords négociés en Asie-pacifique bénéficient en cela de l’expérience conventionnelle antérieure de l’UE, et de la « standardisation » des clauses, qui ne souffrent désormais qu’à la marge des compromissions et des aléas de la négociation (Chapitre 1).

134. En revanche, il ne saurait en être dit autant au sujet de la conditionnalité « sécuritaire » et

de ses composantes (sécurité, liberté, justice). La promotion des valeurs liées à la sécurité est contrainte par deux principaux facteurs. D’abord, la persistance de la mainmise des Etats-membres sur la politique étrangère et de sécurité commune limite de fait ce que l’UE peut inclure dans ses accords externes. Ensuite, de façon plus ou moins corollaire, l’UE n’est pas un acteur sécuritaire suffisamment affirmé en Asie-pacifique, et surtout en Asie. Il en découle une forme d’asymétrie dans la promotion des différentes composantes de la conditionnalité sécuritaire : si la dimension « sécurité » connaît la transcription la plus fidèle et ambitieuse, les aspects « liberté » et « justice » font l’objet d’une promotion plus modeste (Chapitre 2).

135. Quant la promotion du développement durable et inclusif, si elle s’enrichit et s’affirme à

chaque nouvelle expérience conventionnelle dans la zone Asie-pacifique, le manque de cohérence globale, et la timidité de la coopération proposée sont en revanche à déplorer. C’est d’autant plus regrettable que l’UE dispose d’une valeur ajoutée certaine dans ces domaines, dont elle pourrait faire davantage profiter ses partenaires (Chapitre 3).

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Chapitre 1 La promotion et la protection de la gouvernance démocratique au fondement des relations avec l’Asie-pacifique

Chapitre 2 La promotion asymétrique des valeurs de sécurité, de liberté et de justice avec l’Asie-pacifique

Chapitre 3 La promotion du développement durable par la régulation du libre-échange et la participation du public avec l’Asie-pacifique

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Chapitre 1 La promotion et la protection de la gouvernance démocratique au