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Fig. 7.1 – A gauche : Simulation 2D de l’AEI (Caunt & Tagger 2001). A droite, NGC157 et son champ de vitesse. On peut entre autres choses observer les vortex de la corotation (Fridman et al. 2001).

7.2 Instabilit´es de swing

L’AEI tient son origine dans la longue s´erie des instabilit´es dites de swing. Elle leur est tr`es semblable, mais tient ses propri´et´es particuli`eres de la pr´esence additionnelle d’un champ magn´etique et de mati`ere coronale.

7.2.1 Spirale auto-gravitantes

Les premi`eres ´etudes ayant ´et´e faites pour des disques galactiques auto-gravitants, il est plus simple d’expliquer le principe de ces instabilit´es par cet exemple.

Analyse locale : modes axisym´etriques

L’id´ee des premi`eres ´etudes ´etait de trouver un crit`ere de stabilit´e locale pour les disques, semblable au fameux crit`ere de Jeans. Les premiers travaux concernent des disques en rotation uniforme (Goldreich & Lynden-Bell 1965a), puis en rotation diff´erentielle (Toomre 1964), et enfin en rotation diff´erentielle avec pression (Goldreich & Lynden-Bell 1965b).

Le syst`eme est suppos´e uniquement soumis aux forces de gravit´e centrale, d’auto-gravit´e et de pression. En perturbant un disque `a l’´equilibre, on trouve que des perturbations axi- sym´etriques peuvent se propager si elles v´erifient l’´equation de dispersion suivante :

ω2= κ2− 2πGΣkr+ k2rc2s (7.1)

o`u ω et kr sont les fr´equences temporelle et spatiale de l’onde ´etudi´ee, Σ est la densit´e de

surface du gaz, cs est la vitesse du son locale, G est la constante de gravitation, Ω est la

vitesse de rotation locale et

κ2 = 2Ω r ∂r(r

2Ω) (7.2)

est la fr´equence ´epicyclique locale. Si on perturbe le syst`eme en imposant un profil spatial donn´e, on g´en`ere un ensemble d’ondes qui v´erifient cette ´equation. Tant que les fr´equences ω g´en´er´ees sont r´eelles, les ondes se propagent simplement. Au contraire, si des ondes sont

excit´ees avec une fr´equence imaginaire, alors, elles sont amplifi´ees ou amorties. La limite de stabilit´e se trouve donc en ω = 0 soit :

κ2− 2πGΣkr+ k2rc2s= 0 (7.3)

Cette ´equation n’a de solution r´eelle pour kr que si : κcs = πGΣ. Il existe donc des modes

instables si le crit`ere de Toomre est satisfait : Q = csκ

πGΣ < 1 (7.4)

Lorsque ce crit`ere est v´erifi´e tous les modes ne sont pas forc´ement instables. En fait, seuls ceux qui v´erifient kr > kc sont instables, o`u dans la limite disque froid (cs → 0),

kc =

κ2

2πΣG (7.5)

Lorsque le syst`eme est potentiellement instable et que les modes instables sont excit´es, alors, la mati`ere du disque se condense en anneaux circulaires. La source de cet effondrement est l’autogravit´e du gaz.

L’´etude de modes non-axisym´etriques est tr`es semblable. Elle montre n´eanmoins que ceux- ci sont toujours localement stables (Goldreich & Lynden-Bell 1965b, Julian & Toomre 1966). Les instabilit´es locales ne permettent donc pas d’expliquer les structures spirales observ´ees dans les galaxies, qui par d´efinition sont non-axisym´etriques.

Analyse globale : modes non-axisym´etriques

Heureusement, les modes non-axisym´etriques sont sujets `a des instabilit´es globales. De mani`ere g´en´erale, une perturbation non-axisym´etrique s’´ecrit comme une somme d’ondes spirales. L’´equation de dispersion de telles ondes est la suivante :

(ω − mΩ)2 = κ2− 2πGΣk + k2c2s (7.6)

o`u m est le nombre de bras de la spirale, k2 = k2r+ m2/r2 et kr est le nombre d’onde radial.

Par rapport `a la situation axisym´etrique, la rotation diff´erentielle joue un rˆole majeur dans cette situation.

La premi`ere diff´erence est l’existence d’un rayon caract´eristique pour lequel ω = mΩ. Le disque ´etant en rotation diff´erentielle, il existe en effet un rayon sp´ecifique pour lequel le gaz tourne `a la mˆeme vitesse que la spirale. Ce point est appel´e la corotation.

La deuxi`eme diff´erence vient de l’existence de deux points tournants o`u kr = 0 (au sens

WKB). Si on n´eglige l’auto-gravit´e et la pression, ces points se trouvent de part et d’autre de la corotation, au niveau des r´esonances de Lindblad1 d´efinies par :

ω − mΩ(r) ≈ ±κ(r) (7.7)

Entre ces deux rayons, `a fr´equence ω fix´ee, aucun k r´eel ne peut v´erifier l’´equation de disper- sion : dans la r´egion de corotation, les ondes sont amorties. Cette r´egion constitue donc une bande interdite sur laquelle sont r´efl´echies les ondes venant de l’ext´erieur (voir figure 7.2).

Cette bande interdite est tr`es importante car c’est le moteur mˆeme des instabilit´es de swing. Elle s´epare le disque en deux domaines dans lesquels les ondes spirales peuvent se propager : un domaine externe `a la corotation qui ne nous int´eresse pas outre mesure, et surtout, une r´egion interne. Si la condition au centre du disque est r´efl´echissante, alors, la r´egion interne constitue une cavit´e r´esonnante, au mˆeme titre que les cavit´es Laser. Dans le

7.2 Instabilit´es de swing 107

Fig. 7.2 – Bande interdite et r´esonance de Lindblad pour une spirale `a deux bras (m = 2). La courbe ´epaisse repr´esente eω(r)/ω = 1 − mΩ/ω. Le rayon de corotation rc est d´efinit par

e

ω = 0. Les deux courbes en trait simple repr´esentent l’´evolution de la fr´equence ´epicyclique κ. La bande interdite est d´efinie autour de la corotation par : −κ < eω < +κ. Le profil de rotation est choisi ici purement k´epl´erien : en Ω ∝ r−3/2.

cas des disques de galaxies, la mati`ere est pr´esente jusqu’au centre de rotation. Les ondes peuvent traverser, ce qui m`ene effectivement `a une condition r´efl´echissante. Dans le cas des disques de binaires X, la situation est diff´erente et l’on suppose toujours l’existence d’un bord interne. Si ce bord est raide, alors la condition est effectivement r´efl´echissante. Par contre, le disque autour d’un trou noir peut s’´etendre jusque la derni`ere orbite stable. Le gaz tombe alors sur le trou noir, et les ondes ne sont pas r´efl´echies (Blaes 1987).

Dans le cas o`u les ondes sont bel et bien r´efl´echies au bord interne du disque, la cavit´e interne s´electionne certains modes (voir les simulations num´eriques de Caunt & Tagger 2001), et il apparaˆıt que ces modes sont instables. On peut en effet montrer que l’´energie des ondes sous la corotation est n´egative, si bien que leur pr´esence diminue l’´energie du disque. Pour partir d’une situation d’´equilibre, s’effondrer et former ces ondes spirales, il faut donc que la cavit´e interne perde de l’´energie. C’est l`a que la r´egion de corotation joue un rˆole majeur. Dans cette r´egion, les ondes ne se propagent pas mais sont evanescentes. Elle poss`edent donc malgr´e tout une certaine amplitude qui d´ecroˆıt `a mesure que l’onde p´en`etre dans la bande interdite, mais ne s’annule jamais rigoureusement avant de ressortir de l’autre cˆot´e. Elle g´en`ere donc par effet tunnel une autre onde spirale dans la partie externe du disque. Ce faisant, elle perd de l’´energie, ce qui permet au gaz de la cavit´e interne de s’effondrer pour former des bras spiraux. Le taux de croissance de cette instabilit´e est donc en partie gouvern´e par l’´epaisseur de la bande interdite : plus cette derni`ere est grande, plus il est difficile aux ondes de la cavit´e interne de c´eder une partie de leur ´energie de l’autre cˆot´e, et donc, moins le syst`eme est instable.

Ce simple sch´ema est celui des instabilit´es gravitationnelles dans les disques. Ces insta- bilit´es spirales ont principalement ´et´e ´etudi´ees dans le cadre des spirales Galactiques car on peut les observer et constater directement qu’elle sont fortes (voir figure 7.1). Dans les disques

d’accr´etion en revanche, l’auto-gravit´e est plus faible et cette force ne contribue probablement que tr`es peu `a d´estabiliser des modes.

7.2.2 L’instabilit´e de Papaloizou-Pringle

En fait, plusieurs instabilit´es fonctionnent exactement sur le mˆeme principe que celle que je viens de pr´esenter pour les spirales auto-gravitantes. Ces instabilit´es sont appel´ees instabilit´es de swing.

Pour mention, on peut citer l’instabilit´e de Papaloizou & Pringle (1985). Le principe de cette instabilit´e est le mˆeme que dans le cas auto-gravitant, mais sans l’auto-gravit´e... Seule reste donc la force de pression, et il a ´et´e montr´e que celle-ci ´etait suffisante `a d´eclencher une instabilit´e. Cette instabilit´e de pression a principalement ´et´e appliqu´ee aux disques d’accr´etion de binaires X, mais le taux de croissance est beaucoup plus faible qu’avec l’auto-gravit´e. En effet, la gravitation, force `a longue port´e, franchit relativement facilement la bande interdite, alors que les perturbations de pression s’amortissent exponentiellement au travers de la bande interdite et ne peuvent donc perdre que tr`es peu de leur ´energie `a chaque cycle. A moins donc de consid´erer des spirales `a tr`es grand m (on sait d´ej`a que ce n’est pas le cas dans les spirales galactiques qui favorisent en g´en´eral le mode m = 2), le taux de croissance de l’instabilit´e de Papaloizou & Pringle (1985) reste donc tr`es faible. De plus, cette instabilit´e est en g´en´eral amortie par la r´esonance de corotation (voir plus loin).

7.2.3 Spirales magn´etis´ees

Une derni`ere classe d’instabilit´es de swing est celle des spirales magn´etis´ees. C’est ce type d’instabilit´es qui nous int´eresse et qui conduit naturellement `a l’AEI. La pr´esence d’un champ magn´etique vertical traversant le disque est responsable d’une force de Laplace sur les ´el´ements de plasma du disque. C’est cette force, `a l’instar de l’auto-gravit´e ou de la pression dans les deux cas que nous avons d´ej`a vus, qui, dans le cas des spirales magn´etis´ees est responsable de l’instabilit´e (Tagger et al. 1990). L’´equation de dispersion de telles ondes est en effet : (ω − mΩ)2= κ2+ 2B 2 Σ k + k 2c2 s (7.8)

Cette ´equation est formellement la mˆeme que celle des spirales auto-gravitantes. Les spirales magn´etis´ees ont donc exactement les mˆemes propri´et´es. Une diff´erence notable est cependant le signe de la force : la force magn´etique est ici une force r´epulsive alors que la force gravi- tationnelle est attractive. Cela se traduit par une efficacit´e plus faible `a traverser la bande interdite et donc des taux de croissance souvent faibles ´egalement. A elles seules, les spirales magn´etis´ees ne permettent finalement pas d’obtenir des structures marqu´ees sur quelques temps dynamiques comme le peut l’auto-gravit´e. Cependant, l’action `a longue port´ee de la force de Laplace les rendent plus instables que l’instabilit´e de Papaloizou & Pringle (1985), due `a l’action locale de la pression.