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5.3 Ejection

Comme nous l’avons d´ej`a dit, l’accr´etion de mati`ere sur des objets compacts semble intrins`equement li´ee `a des ph´enom`enes d’´ejection de mati`ere. La mod´elisation des jets est beaucoup plus discut´ee que celle des disques et il existe de nombreux mod`eles diff´erents (voir Livio (1999) pour une revue de ces diff´erents mod`eles). La plupart ne fonctionnent bien que pour une cat´egorie particuli`ere d’objets (´etoiles jeunes, NAG, microquasars), mais l’universalit´e du ph´enom`ene semble pointer vers une explication commune.

5.3.1 Observations et propri´et´es

Dans cette partie de ma th`ese, je m’int´eresse principalement aux microquasars. Pour ces objets, quelques ´ejections catastrophiques comme celle de la figure 4.3 ont certes ´et´e observ´ees, mais les observations de jets compacts sont beaucoup plus d´elicates. Une des meilleures ob- servations de jet compact est pr´esent´ee sur la figure 5.4. Ces observations permettent de

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mJy/beam

mJy/beam

2.0 cm

3.6 cm

Fig.5.4 – Observation du jet compact de GRS1915+105 (Fuchs et al. 2003). L’extension fait une dizaine d’unit´e astronomiques.

contraindre dans une certaine mesure l’angle d’ouverture du jet par exemple (Dhawan et al. 2000, Fuchs et al. 2003), mais son extension d´epasse de tr`es peu la taille du beam. Heureu- sement, d’autres objets tr`es similaires pr´esentent des jets compacts qui eux sont observables avec une grande pr´ecision. A titre d’exemple, des jets d’´etoiles jeunes et de quasars sont pr´esent´es respectivement sur les figures 5.5 et 5.6.

La compr´ehension des jets doit beaucoup aux ´etudes sur les noyaux actifs de galaxies. Les jets de Quasars ont en effet ´et´e d´ecouverts bien avant ceux des microquasars. Ces objets extrˆemement lumineux (L ∼ 1041−47 erg s−1, soit L∼ 108−14 L

⊙) correspondent aux parties

tr`es internes de certaines galaxies dites actives dont le coeur abrite un trou noir supermassif de quelques 107− 108M ainsi qu’un disque d’accr´etion. Dans ce sens, les microquasars n’en sont finalement que des mod`eles r´eduits, `a l’´echelle stellaire. C’est d’ailleurs ce qui a motiv´e leur d´enomination (Mirabel et al. 1992).

Fig. 5.5 – Jets d’´etoiles jeunes : exemple de 3 objets Herbig-Haro. De gauche `a droite : HH30, HH34 et HH111. La longeur typique des jets est de l’ordre de 0.1-1 pc. Les vitesses sont de l’ordre de 10-100 km s−1. Plus de 200 objets stellaires avec jets ont ´et´e observ´es dans

la galaxie (Wu et al. 1996). D’autres mesures indirectes par l’observation de raies montrent aussi des jets optiques allant jusqu’`a des vitesses de 200-600 km s−1.

dans l’axe perpendiculaire au disque. Encore une fois, ces ´ejections peuvent se faire sous deux formes : sous la forme de bulles discr`etes de gaz (van der Laan 1966) ou sous la forme de jets continus (Blandford & Konigl 1979). Les deux types de jet ´emettent en radio par rayonnement synchrotron. Chaque portion de jet ´emet une loi de puissance avec une coupure caract´eristique de la temp´erature locale. Plus une portion est ´eloign´ee de la source, plus la mati`ere s’est refroidie du fait de l’expansion et plus la coupure est `a basse fr´equence. Au bilan, la somme de toutes les portions donne un spectre constant sur une grande gamme de longueurs d’onde. Les r´egions les plus internes ´emettent cependant avec une temp´erature finie, ce qui correspond `a une coupure `a plus haute ´energie dans le spectre global. Ce type de spectre est observ´e dans les quasars, les ´etoiles jeunes, mais aussi dans les microquasars.

Parmi les nombreuses propri´et´es des jets d’´etoiles jeunes et de noyaux actifs de galaxies, je voudrais en souligner deux tr`es importantes qui imposent de grandes contraintes sur les mod`eles :

• La mati`ere est fortement acc´el´er´ee `a la base des jets, souvent jusque des vitesses relativistes pour le cas des NAG.

• La mati`ere ´eject´ee est extrˆemement bien collimat´ee, avec un angle d’ouverture typique de quelques degr´es au maximum.

Les spectres et les corr´elations spectrales des microquasars ´etant tr`es semblables `a ceux des NAG et des ´etoiles jeunes, on peut naturellement supposer que leurs jets poss`edent les mˆemes propri´et´es.

5.3 Ejection 87

Fig.5.6 – Jets de quelques quasars. Dans l’ordre de lecture : Cyg A, M87 et 3c175 et NGC383. Ces jets s’´etendent typiquement sur plusieurs centaines de kpc `a des vitesses souvent relati- vistes. On distingue 2 classes : les FRI o`u le jet est peu lumineux et r´egulier et les FRII o`u le jet est extrˆemement bien collimat´e et forme un choc terminal tr`es lumineux.

5.3.2 Mod`eles hydrodynamiques

Les premiers mod`eles de jet ´etaient naturellement hydrodynamiques (Blandford & Rees 1974, pour les NAG), (Canto & Rodriguez 1980, Konigl 1982, pour les YSO).

Dans ces mod`eles, l’acc´el´eration r´esulte de deux m´ecanismes alternatifs : la pression de radiation (Abramowicz & Piran 1980) et l’effet Blandford & Znajek (1977), le dernier ne pouvant cependant rendre compte que des objets abritant un trou noir. Avec ces m´ecanismes, l’´ejection de mati`ere est initialement plutˆot sph´erique. La collimation est assur´ee plus loin, par la pression ext´erieure d’un tore de mati`ere tr`es proche de l’objet central ne laissant s’´echapper la mati`ere que le long de l’axe de rotation.

N´eanmoins, si ces mod`eles peuvent expliquer des jets dans certaines configurations bien pr´ecises, elles sont de mani`ere g´en´erale assez peu efficaces et sont de plus sujets `a de fortes instabilit´es de type Kelvin-Helmoltz qui d´etruisent tr`es rapidement la structure dense res- ponsable de la collimation (Papaloizou & Pringle 1984, Zurek & Benz 1986, Begelman et al. 1987). Enfin, des observations directes de l’´etoile jeune HH30 (figure 5.5) montrent claire- ment que le jet est collimat´e tr`es pr`es du centre, ce qui semble exclure la possibilit´e d’un confinement par pression `a une certaine distance du centre (Ray et al. 1996). Ces r´esultats

sont `a mettre en parall`ele avec les plus r´ecentes observations de M87 qui montrent le mˆeme comportement pour un noyau actif de galaxie (Junor et al. 1999).

5.3.3 Mod`eles magn´etohydrodynamiques

Aujourd’hui, la plupart des mod`eles de jet se basent sur les propri´et´es d’un champ magn´etique `a grande ´echelle. Comme nous allons le voir, les mod`eles MHD pr´esentent l’´enorme avantage de r´epondre efficacement et de mani`ere tr`es g´en´erale aux deux exigences que j’ai cit´ees pr´ec´edemment, quelle que soit la nature de la source, et surtout d’une mani`ere auto- consistante, ne n´ecessitant aucune autre physique.

Mod`eles de jet

L’influence d’un champ magn´etique sur la dynamique des jets est mentionn´ee d`es les ann´ees 70 (Lovelace 1976, Blandford 1976), mais les premiers mod`eles MHD aboutis datent des ann´ees 80, avec notamment l’article de r´ef´erence par Blandford & Payne (1982). Dans cet article, les auteurs exhibent une solution stationnaire et auto-similaire de jet dans une g´eom´etrie bipolaire domin´ee par un champ magn´etique `a grande ´echelle, ancr´e dans un disque mince du type disque-α. Le jet lui-mˆeme est tr`es peu dense, si bien qu’il est tr`es magn´etis´e : β << 1. Ce mod`ele est qualifi´e de magn´etocentrifuge car l’acc´el´eration r´esulte du mouvement de rotation des lignes de champ magn´etique (voir section 8.2 pour plus de d´etails). Ces derni`eres ´etant en bonne approximation droites et inclin´ees pr`es du disque, la mati`ere oblig´ee de se d´eplacer le long des lignes de champ subit donc la concurrence de la gravit´e et de la force centrifuge projet´ees sur les lignes de champ. Finalement, l’´ejection de mati`ere intervient d`es que l’angle que font les lignes de champ avec la verticale fait plus de 30˚. La collimation se fait ensuite naturellement par l’enroulement des lignes de champ autour de l’axe `a une certaine distance de l’objet central. Cet enroulement n’est pas une hypoth`ese du probl`eme, mais d´ecoule naturellement de l’´ejection de mati`ere. La rotation des lignes de champ exerce ´egalement un couple sur le disque. Elle est donc `a l’origine d’une extraction du moment cin´etique du disque. Contrairement `a la viscosit´e, le champ magn´etique transporte le moment cin´etique verticalement, avec le jet. Ces r´esultats ont ensuite ´et´e g´en´eralis´es `a des solutions non auto-similaires (Pelletier & Pudritz 1992) et simul´es num´eriquement (Ouyed & Pudritz 1997). Beaucoup d’autres travaux ont aussi ´et´e men´es sur les jets magn´etis´es (Heyvaerts & Norman 1989, Contopoulos & Lovelace 1994, Rosso & Pelletier 1994, Lery et al. 1999, pour n’en citer que quelqu’uns).

Mod`eles d’accr´etion-´ejection

Tous ces mod`eles sont assez robustes. Ils assurent une bonne collimation et une acc´el´eration efficace des jets. Ils supposent cependant que les ´equations dans le disque sont r´esolues ind´ependamment. Ils prennent donc des solutions de disque connues comme conditions aux limites et supposent l’existence de mati`ere au-dessus du disque. Il ne font donc pas le lien entre l’accr´etion et l’´ejection. En particulier, ils n’expliquent pas comment la mati`ere qui s’accr`ete horizontalement vers l’objet compact peut ˆetre redirig´ee en une ´ejection verticale de mati`ere. De mˆeme, ils ne prennent pas en compte l’influence du jet, et notamment le couple qu’exerce le champ magn´etique sur l’accr´etion de mati`ere.

Or, plus que mod´eliser l’´ejection isol´ee de mati`ere, l’enjeu actuel des mod`eles de jet est de faire ce lien entre l’accr´etion et l’´ejection. Cette probl´ematique commence `a ˆetre trait´ee depuis une dizaine d’ann´ees. On peut notamment citer les mod`eles de MAES, pour Magnetized Accretion-Ejection Structures (Ferreira & Pelletier 1995, Ferreira 1997, 2003). Ces mod`eles gardent l’id´ee d’un champ magn´etique dipolaire structur´e `a grande ´echelle et ancr´e dans le