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Inobservables

Dans le document Émergence et entropie (Page 75-108)

Il a été vu qu’une définition d’une hiérarchie de niveaux pouvait recevoir différentes justifications. Le statut et la valeur de ces justifications varient selon la position épistémologique adoptée, généralement l’empirisme ou le réalisme. Le premier tente de «  sauver les phénomènes  », de décrire adéquatement ce qui est observable, tandis que le second s’autorise à inférer l’existence d’entités inobservables. La question de l’observabilité et de l’inobservabilité est donc celle de l’accessibilité empirique et de la légitimité de certaines justifications20. Elle est particulièrement importante dans la définition des

niveaux d’organisation qui, bien entendu, présentent divers degrés d’accessibilité empirique. Au final, c’est la légitimité de certaines explications scientifiques qui est en cause. À cet égard, l’exemple de la thermodynamique et de la mécanique statistique est probant puisque l’on tente, entre autres, d’expliquer des phénomènes observables, comme l’équilibre thermique, par des phénomènes inobservables, le comportement statistique de grands ensembles de molécules.

En corollaire vient la question de ce qui est observable en pratique ou en principe. D’abord, il est évident que des développements technologiques, qui sont contingents, peuvent étendre, en pratique, les possibilités de l’observation et donc de l’accessibilité empirique. Il n’y a qu’à penser au télescope ou au microscope, où les développements technologiques mais aussi théoriques ont permis de voir des entités de plus en plus éloignées et de plus en plus petites. Une inobservabilité en pratique est donc historiquement située. Elle n’apporte donc pas d’explication ou à tout le moins d’éclairage significatif sur le comportement de ces entités, sur les phénomènes, mais seulement, quoique ce soit déjà beaucoup mais impertinent ici, sur l’histoire de ces développements technologiques et théoriques. L’inobservabilité en principe est en revanche plus intéressante à la présente discussion. Elle peut découler d’un principe théorique stipulant que certaines entités, ou caractéristiques de ces entités, sont inobservables en raison de limites physiques particulières définissant les possibilités technologiques ou encore parce qu’il est jugé inutile ou en pratique impossible d’observer certaines caractéristiques physiques. En mécanique statistique, par exemple, l’inobservabilité des atomes est particulière. Elle est

20 La question de la réalité des entités, propriétés, états, etc., inobservables est très ancienne et très générale. Car à bien des

égards la réponse qu’on y apporte caractérise ce qui peut être appelé une «  époque scientifique  ». Par exemple, dans la tradition médiévale, les qualités «  occultes  » s’opposaient aux qualités «  sensibles  » et en somme référaient aux entités, propriétés, états, etc., inobservables (Hutchison 1982) ; et la révolution scientifique du XVIIe siècle semble offrir une approche

d’abord historiquement située puisque les atomes, à l’époque, n’étaient pas observables en raison des moyens technologiques disponibles et il n’était pas possible de calculer la trajectoire de leur nombre gigantesque impliqué dans un système observable. Une impossibilité pratique donc. Cependant, malgré des avancées majeures en puissance d’observation et de calcul, cette inobservabilité est et va demeurer

postulée par cette théorie. C’est-à-dire qu’il semble inutile ou non nécessaire de connaître dans le détail

toutes les caractéristiques de la myriade d’atomes des systèmes macroscopiques, précisément parce que ce serait la mobilisation de caractéristiques statistiques sur de grands ensembles, et non pas de caractéristiques individuelles, qui serviraient à l’explication du comportement des systèmes macroscopiques. En cela il s’agit d’une inobservabilité de principe, que l’on pourrait qualifier de méthodologique. En mécanique quantique, l’inobservabilité semble plus forte, dans le cas des variables conjuguées, puisqu’elle découle d’une impossibilité théorique impliquant des limitations au processus d’observation vu comme un processus d’interaction « causale » entre l’observateur (ou l’appareil de mesure) et le système observé, modifiant significativement ce système.

Ensuite, il est clair que certains aspects ou caractéristiques d’une entité particulière peuvent être observables alors que d’autres ne le sont pas  ; par exemple, la face cachée de la Lune peut être visible aux occupants d’une navette spatiale, ou encore la vitesse des molécules d’un gaz n’est pas observable bien qu’il soit possible de les détecter. Dans ce dernier cas, les modes d’accès sont plutôt indirects, à l’instar des ombres chinoises  ; par exemple, une chambre à bulles ne permet pas de voir les particules, mais plutôt la trace qu’elles laissent, un peu à la manière d’un avion, mais dans ce cas on ne peut voir l’équivalent de l’avion au bout de la trace, comme le fait remarquer van Fraassen(1980 : 17). En outre, une théorie peut postuler, en principe, le caractère inobservable de certaines entités, tandis que pour une autre théorie ces entités seraient observables  ; par exemple, la question de la structure de la matière est impertinente, en principe, dans le cadre de la thermodynamique, mais elle est tout à fait pertinente en biochimie. Enfin, il est aussi évident que la simple possibilité d’observer quelque chose n’implique pas que les circonstances soient toujours adéquates à son observation  ; par exemple, les satellites de Jupiter sont observables au moyen d’un télescope, mais aussi à l’œil nu si l’on se trouve suffisamment proche.

Ainsi, pour qu’une chose soit observable, elle doit pouvoir être observée lorsque les circonstances sont

adéquates. Ces circonstances sont doubles  : ce sont celles, d’une part, des moyens empiriques

d’observation et, d’autre part, de la conception théorique, et même ontologique, affectant l’interprétation des résultats d’observation. En effet, la thèse de la neutralité des énoncés scientifiques, à l’effet que les énoncés scientifiques ne dépendraient que de l’observation sans être contaminés par quelques présupposés que ce soit, est difficilement défendable. Ce n’est pas parce que deux personnes observent le même objet qu’elles en donneront nécessairement la même description. Ainsi,

l’inobservabilité que stipule une théorie peut découler d’une inaccessibilité empirique, soit comme une impossibilité technologique, soit comme une impossibilité théorique indépendante des moyens technologiques, ou encore d’une nécessité épistémologique, par exemple parce que la stratégie explicative prescrit une abstraction des détails que pourrait idéalement révéler une détermination complète du système. On peut en effet juger que l’inobservabilité a une certaine valeur explicative ou heuristique par rapport aux phénomènes observables  ; par exemple, la dynamique moléculaire (inobservable) expliquerait les phénomènes thermodynamiques (observables), ou encore des caractéristiques génétiques (inobservables) expliqueraient certains phénomènes évolutionnaires (observables). Par conséquent, l’inobservabilité implique souvent une sous-détermination des propriétés du système qu’une théorie peut jusqu’à un certain point compenser. Évidemment, cette compensation dépend du degré d’empirisme adopté car une déduction n’équivaut pas nécessairement à une observation (la signification de cette équivalence pouvant être subtile toutefois), après tout on tente bien de corroborer empiriquement les théories. Une position se coupant des inobservables (entités, états, propriétés, etc.) adopte un certain agnosticisme, qui peut être avisé ou non, mais ce faisant elle se coupe aussi de la possibilité de certaines explications. Comme le souligne Bunge (1997), on peut difficilement imaginer ce qu’aurait été la science physique du XVIIIe siècle si Newton s’était abstenu de traiter

d’inobservables comme la gravitation.

En revanche, un discours prétendant à une certaine valeur épistémologique, tant pour le réaliste que pour l’empiriste, devrait fournir les conditions de sa testabilité ou falsifiabilité, lesquelles reposent en fin de compte, même indirectement, sur des observables. Les raisons pour qualifier une chose d’inobservable sont donc nombreuses et relatives : elles dépendent d’un contexte expérimental, théorique et épistémologique qu’il faut préciser. Une position réaliste se garde la possibilité d’articuler un discours portant sur des inobservables au sein d’une stratégie explicative des phénomènes observables, ce que refuse un certain type d’empirisme. La question est ainsi de savoir si la prudence est de mise et si le prix à payer est acceptable selon les circonstances et les présupposés épistémologiques, et même ontologiques, qu’on est prêt à endosser.

2.2.4

Survenance

Une caractérisation de la relation entre niveaux d’organisation, célèbre mais problématique, est celle s’appuyant sur le concept de survenance (« supervenience ») : un ensemble de propriétés A « surviennent » d’un ensemble de propriétés B si et seulement s’il ne peut y avoir de différence en A sans qu’il y ait de différence en B (Teller 2009 ; McLaughlin & Bennett 2011). Une autre définition est celle de Butterfield

(2011) : soit un ensemble d’objets, O, duquel sont définis deux ensembles de propriétés, A et B ; alors A « survient » de B, si et seulement si deux objets dans O dont toutes les propriétés correspondent dans A, correspondent aussi dans B. Bien que ces définitions soient en termes de propriétés, il n’y a pas d’indication claire que d’autres relata puissent exemplifier ce concept. La survenance est ainsi un concept formel, modal : si l’on sait que les A surviennent sur les B, alors on sait que les B nécessite d’une certaine façon les A. Par exemple, les propriétés mentales « surviendraient » sur les propriétés physiques. La difficulté réside donc principalement dans la spécification et la justification de cette modalité, de cette nécessité. Cette modalité peut se présenter selon divers degrés en ce que l’impossibilité exprimée – « il ne peut y avoir » – peut signifier une impossibilité logique ou encore une impossibilité nomologique, par rapport aux lois de la nature ou par rapport aux lois scientifiques.

Bien que ce concept se soit avéré moins éclairant qu’on aurait pu le croire, sa présence dans littérature indique qu’il n’est sans doute pas totalement inutile. Pour Teller (2009), le concept de survenance offre un cadre général, en évitant les détails, à la compréhension de corrélation entre propriétés et fournit des informations sur la « structure » de cette corrélation. Par exemple, la deuxième loi de Newton, « F = ma », indiquerait que la force survient, avec une nécessité nomologique, sur les valeurs de masse et d’accélération. En ce sens, la survenance permet d’affirmer une relation de détermination (aussi appelée « définissabilité implicite »), de composition, de réalisation ou de dépendance (principalement ontologique), entre certaines propriétés (importante pour le concept d’émergence, section 2.3), sans toutefois en préciser davantage la nature, sans aller au-delà de ce cadre général, sans préciser la modalité au sein de ce concept. En somme, dire que certaines propriétés macroscopiques surviennent sur des propriétés microscopiques revient en quelque sorte à dire que les secondes sont plus fondamentales que les premières. En conséquence, les propriétés macroscopiques « survenantes » pourraient être expliquées d’une certaine façon par les propriétés microscopiques sur lesquelles elles surviennent. Mais le terme de « structure » évoqué par Teller semble trop fort puisque la relation de détermination que pose le concept de survenance reste largement imprécisée (Witmer 2006).

En outre, la survenance est souvent considérée comme une condition nécessaire à la réduction. Cela est trivial dans le cas d’une réduction qua identité, en sorte que si A se réduit à B, il ne peut y avoir de différence en A sans qu’il y ait de différence en B. La relation du concept de survenance avec celui d’émergence, en revanche, n’est pas toujours claire, bien qu’il soit considéré comme moins engageant que ce dernier du point de vue métaphysique. Certains voient plutôt la survenance comme une condition nécessaire mais non suffisante à l’émergence, en sorte que l’émergence impliquerait la survenance (Kim 1999). Ainsi, McLaughlin (2008), modifiant une conception de l’émergence proposée par van Cleve, propose une définition de l’émergence exigeant la survenance, définie par une nécessité

nomologique mais excluant la nécessité logique. On constate donc que, paradoxalement, le concept de survenance se présente autant comme une condition nécessaire à la réduction qu’à l’émergence, souvent considérée comme l’échec d’une réduction. Mais il n’y a rien de vraiment mystérieux ou paradoxal car la survenance n’est qu’une façon d’insister sur la relation de dépendance, l’« enracinement » (« goundedness ») entre niveaux d’organisation, évidemment très présente au sein du concept de réduction, mais aussi au sein de celui d’émergence qui renferme toutefois une certaine notion d’autonomie entre ces niveaux (section 2.3).

2.2.5

Réalisabilité multiple

Jusqu’ici, divers éléments utiles à la conceptualisation de systèmes complexes entendus comme un ensemble de sous-systèmes à différents niveaux d’organisation ont été présentés. On a vu que la relation entre ces niveaux peut exemplifier le concept de survenance où une différence à l’un de ces niveaux entraîne, selon une modalité qu’il faut préciser, une différence à un autre niveau. Bien entendu, ce n’est pas l’unique façon de caractériser une relation méréologique. La relation de détermination peut ainsi être incomplète, en un sens, et il n’y a donc pas de correspondance terme à terme entre les ensembles de propriétés à différents niveaux, ou encore ces ensembles peuvent être dits hétérogènes. Cette caractérisation fait appel au concept de réalisabilité multiple, qui définit des entités ou des propriétés de niveau supérieur (n) étant réalisées de plusieurs façons différentes par des entités ou des propriétés de niveau inférieur (n − 1). En philosophie de l’esprit par exemple, elle exprime l’idée qu’un type mental (propriété, événement, etc.) peut être instancié ou réalisé par plusieurs types physiques (connexions neuronales). Il est aussi exemplifié en physique, où plusieurs états dynamiques des molécules peuvent être compatibles avec une propriété thermodynamique donnée, en biologie, où plusieurs combinaisons génotypiques peuvent être associées à un trait phénotypique (ces deux derniers exemples seront discutés plus loin), ou encore en sociologie, où une certaine propriété comme «  être une démocratie  » peut être réalisée de multiples façons (Sawyer 2004). Il semble ainsi que plusieurs systèmes complexes puissent présenter des régularités pouvant être décrites avec peu de variables malgré la multitude d’états caractéristiques de leurs composants et la grande variabilité de ces mêmes états. Peut-on alors en conclure que la réalisabilité multiple soit un «  fait général de la nature  » (Wimsatt 1994) ?

Wimsatt (1994, 2006 et 2012) soutient que la réalisabilité multiple est une conséquence de l’existence des niveaux d’organisation. Puisque les descriptions des entités et des propriétés aux niveaux supérieurs le sont de manière plus «  grossière  » («  coarse-grained  »), il y a moins de descriptions de macro-états distinguables que de descriptions de micro-états distinguables. Les descriptions de niveaux inférieurs

(ou microscopiques) offriraient plus de détails mais seraient moins générales que celles de niveaux supérieurs (ou macroscopiques). La réalisabilité multiple serait donc définie (i) pour un nombre beaucoup plus grand d’états possibles et distinguables à un certain niveau (micro-états) que d’états à un niveau supérieur associé (macro-états), principalement en raison de la plus grande précision du vocabulaire employé pour décrire les micro-états, et (ii) de l’identité numérique du système de niveau supérieur avec le système de niveau inférieur ainsi décrit. De sorte qu’un état macroscopique (ou macro-état) du système à un niveau supérieur est associé à plusieurs états microscopiques (ou micro- états) possibles d’un système à un niveau inférieur. Un tout formé d’au moins deux parties à des niveaux différents est un cas de réalisabilité multiple si l’ensemble des états à un niveau, d’une part, et l’ensemble des états à l’autre niveau, d’autre part, sont en relation un-plusieurs («  many-one  »)  : une propriété P à un certain niveau n serait réalisée ou décrite par plusieurs propriétés à un niveau inférieur

n – 1, tel que P =  {A1 ou A2 ou A3 ou … Ai}. Cette relation est donc antisymétrique, puisqu’il y a toujours

plus de propriétés au niveau inférieur qu’au niveau supérieur (ou inversement), et disjonctive, en raison du fait que les propriétés Ai jugées équivalentes ne peuvent être conjointement ou simultanément

réalisées. (Voir aussi Kim 1992 ; Heil 1999 ; Gillett 2003.)

Il y aurait prétendument plusieurs conséquences et corollaires à la réalisabilité multiple (voir Sober 1999 ; Battermann 2000)  : (i) une non-déductibilité, à partir de P, car on ne peut pas savoir quelle propriété Ai est instanciée en raison de la disjonction  ; (ii) une acausalité, car une relation un-plusieurs

ne peut être causale étant donné que les propriétés P et {A1 ou A2 ou A3 ou … Ai} sont simultanées,

synchroniques  ; (iii) une non-explicabilité, puisque les propriétés de niveaux inférieurs ne peuvent pas expliquer les propriétés de niveaux supérieurs (P), parce qu’elles ne présentent pas une généralité suffisante, ou parce qu’elles ne peuvent satisfaire les critères d’une explication causale, ou parce qu’elles sont sans importance en regard du comportement global de P.

Si la non-déductibilité est bien une conséquence de la réalisabilité multiple, alors, selon la conception orthodoxe d’une réduction épistémologique, il ne faut s’étonner qu’on ait soutenu (par ex. Fodor 1968 et 1974) qu’elle implique l’irréductibilité. Cette dernière découlerait non pas du caractère disjonctif des propriétés au niveau inférieur (microscopique) réalisant une certaine propriété au niveau supérieur (macroscopique), mais plutôt de leur hétérogénéité. C’est-à-dire qu’il est à première vue impossible qu’il puisse y avoir des régularités macroscopiques « multiplement réalisées » par des propriétés microscopiques hétérogènes. Et une disjonction de types (« kinds ») hétérogènes ne serait pas elle-même un « vrai » type (Kim 1992). L’argument normatif veut aussi que ce qui ne constitue pas un vrai type ne puisse faire l’objet d’une véritable loi au sens de généralisation universelle supportant les contrefactuels. Afin de contrer cette objection à la réduction, d’autres (par ex. Walter 2006) ont soutenu que la disjonction des propriétés au niveau inférieur ne rendait pas la réduction impossible car elle

pouvait être reliée par des «  lois-ponts  », telles que  : pour tout x, Px ≡ (A1x ou A2x ou A3x ou … Aix). Un

contre-argument à cette stratégie fait aussi un appel normatif à la constitution des lois, et stipule que la disjonction ne peut représenter un « type scientifique », en sorte que les « lois-ponts » ne peuvent être des lois. À tout le moins, tel que discuté, les lois-ponts demande aussi une justification et celle-ci est d’autant plus nécessaire si elles doivent jouer un rôle explicatif.

Par conséquent, on peut défendre l’idée que la réalisabilité multiple implique l’émergence, ou qu’elle en est une condition nécessaire mais non suffisante, minimalement dans son acception épistémologique (section 2.3.1). De sorte que certaines disciplines scientifiques, comme la psychologie ou la biologie, ne pourraient être réduites à d’autres disciplines de niveau inférieur comme la physique. Sober (1999) soutient plutôt que la réalisabilité multiple ne mène pas nécessairement à l’échec de la réduction, sous une certaine forme du moins. Il avance que s’il y a bien asymétrie entre P et Ai, il n’y a

pas nécessairement asymétrie entre P et l’ensemble disjonctif {A1 ou A2 ou A3 ou … Ai}. De sorte

qu’une justification menant à l’affirmation que c’est le cas que P est équivalente à dire que c’est le cas que {A1 ou A2 ou A3 ou … Ai}, autrement dit que ces deux hypothèses sont confirmées de la même

façon. En conséquence de quoi l’évolution dans le temps de l’ensemble disjonctif {A1 ou A2 ou A3 ou …

Ai} peut bien expliquer l’évolution dans le temps de P. Ce type d’explication est une microexpliquation diachronique (discuté précédemment). La non-explicabilité ne concernerait ainsi que les microexpliquations synchroniques mais pas les microexpliquations diachroniques.

À propos toujours de l’explication, selon Wimsatt (1994), une conséquence intéressante de la réalisabilité multiple est l’autonomie dynamique et (donc) l’autonomie explicative des variables et relations causales de niveaux supérieurs, car il y aurait stabilité relative des caractéristiques de niveaux supérieurs malgré les changements incessants aux niveaux inférieurs. En effet, tel que discuté, ceux-ci sont vus comme des maxima locaux de régularité et de prédictibilité alors que des changements au niveau inférieur n’entraînent pas nécessairement de changement au niveau supérieur. Plusieurs sciences pouvant être considérées comme étant de niveau supérieur, comme la biologie évolutionnaire ou la thermodynamique, sont d’ailleurs à bien des égards autonomes et elles n’ont pratiquement pas besoin de se référer à d’autres sciences ni à la constitution des systèmes à l’étude. Ainsi, ces systèmes présentent des niveaux d’organisation dont les entités, propriétés, états, etc., sont « robustes ».

Malgré cette autonomie explicative toute relative, il importe de s’interroger sur la relation que peut entretenir un ensemble d’entités au niveau inférieur, des « réaliseurs », avec celles au niveau supérieur, les « réalisés ». Par exemple, pourquoi plusieurs systèmes différents à un certain niveau peuvent exemplifier une certaine régularité à un autre, comme avec les phénomènes thermiques de systèmes

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