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L’influence majeure du registre médical dans l’encadrement des violences faites aux enfants et le déplacement des frontières du tolérable

III LA PROSCRIPTION DES C HATIMENTS CORPORELS EDUCATIFS , UNE EVOLUTION IRRESISTIBLE ?

2- L’influence majeure du registre médical dans l’encadrement des violences faites aux enfants et le déplacement des frontières du tolérable

Si l’attention croissante portée à la souffrance physique et aux affects, comme la « sacralisation » de la condition enfantine, forment la trame de la « pensée anonyme et contraignante » contemporaine (Foucault, 1966)67, il ne faut pas négliger la participation des

« engagements successifs, jadis improbables, de multiples entrepreneurs de cause » à la transformation de l’ordre social (Traïni et Siméant, 2009). En effet, sont clairement établis les bénéfices des recherches ayant cherché à expliciter, à l’instar de Gusfield sur l’alcool au volant (1984), la manière dont les « formes culturelles » s’articulent à l’ordre politique, par l’intermédiaire de mobilisations et d’actions collectives, pour modifier la définition de la réalité d’un problème ou d’une condition sociale. La notion de « croisade morale » (employée dans une visée épistémique, et non pour disqualifier) peut être utile pour caractériser certains mouvements sociaux et donner à voir ce qui fonde leur singularité, à savoir leur « prétention à l’universalité », puisqu’ils visent non seulement « la défense des valeurs éthiques ou normes de comportement » les caractérisant socialement, « mais aussi, et surtout, à imposer celles-ci à l’ensemble de la population » (Mathieu, 2005). C’est précisément aux mobilisations engagées dans une « croisade morale » contre les « violences éducatives ordinaires » (selon l’expression utilisée par les organisations concernées) que nous consacrerons cette partie. Cependant, notre intention n’est pas de rendre compte ici de la mosaïque formée par les entrepreneurs de cette cause ou des actions qu’ils conduisent, mais de concentrer le propos sur un répertoire militant de plus en plus prégnant en la matière, à savoir le registre médical.

2.1. Mobilisations contre les sanctions physiques éducatives et production de savoirs experts L’efficience du recours à l’argumentation scientifique ou à une forme d’objectivation chiffrée pour légitimer et faciliter la publicisation d’un « problème » est largement documentée en sociologie politique (Martin, 2014). Ce registre de justification confère aux acteurs qui s’en saisissent « une objectivité, une force qui le soustrait au statut de point de vue pour le sublimer en vérité indiscutable » (Neveu, 2015). S’agissant des mobilisations relatives à l’« enfance malheureuse », les énoncés mettant en jeu une production de savoirs présentent la particularité de s’apparenter immédiatement, par la prégnance des dimensions affectuelles et évaluatives qu’ils engagent, à ce que Robert Castel a nommé l’« expertise instituante ». Ce concept a été forgé pour mettre en exergue l’existence d’un « modèle d’expertise », distinct de l’« expertise technique », au sein duquel le « savoir d’expert produit directement un ordre de normes », des « faits normatifs, des qualifications et des déqualifications qui prennent un statut de droit » (Castel, 1985 et 1991). En distinguant, à partir de ses travaux sur la psychiatrie, cette « expertise instituante », Castel nous invite à prendre frontalement pour objet (et non sous le biais détourné de l’instrumentalisation de la science) la richesse et la complexité de ces situations d’expertise qui sont « les plus denses et les plus lourdes d’effets », notamment dans le champ médico-social, au cours desquelles l’expert « définit la matière même, le "réel" » sur lequel portera l’intervention (Castel, 1985 et 1991). Ce constat du caractère productif de la norme articulée à l’irruption d’une forme inédite de savoir transparaît particulièrement dans les transformations qu’a subies la « cruauté envers les enfants » au cours de la seconde moitié du XXe siècle, à travers la reformulation dont elle a fait l’objet au sein des champs médical (notamment pédiatrique), psychologique et psychiatrique avec la « découverte » du « syndrome de l’enfant battu », puis de la « maltraitance infantile » (child

abuse) (Hacking, 2008 et 2006).

67 Cette conceptualisation permet de souligner l’historicité des réalités que nous croyons éternelles comme les limites

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Le fait d’examiner de manière systématique le contenu de ces discours d’expertise relatifs aux « violences éducatives ordinaires » (que ceux-ci soient proprement issus du champ scientifique ou qu’ils mobilisent une production de savoir leur étant extérieure) – soit, en d’autres termes, d’évaluer la part des disciplines scientifiques dans l’élaboration des énoncés normatifs – méritait à lui seul une étude approfondie. Cela nécessiterait d’expliciter les enjeux de nomination, mais également d’objectivation statistique, propres aux descriptions des conséquences somatiques et/ou psychiques des sanctions administrées ainsi que les champs disciplinaires auxquels elles se rapportent (pédiatrie, médecine légale, neurobiologie, psychiatrie, etc.). Parce que ce nouveau mode d’appréhension des violences faites aux enfants engage des transformations devant être pensées sur le registre de la métamorphose, il serait également indispensable d’interroger les formes d’apparentement, de croisement, de dérivation que ces productions discursives entretiennent avec les énoncés, antérieurs ou contemporains, caractérisant les effets et la symptomatologie de la « maltraitance infantile ».

Plus modestement, nous souhaitons simplement ici interroger la croissance, paraissant exponentielle depuis le début des années 2000, de productions militantes faisant explicitement référence à un mode d’appréhension médical de la problématique des sanctions physiques éducatives. Ces documents récents mettent fréquemment en exergue les résultats de travaux (notamment anglo-saxons) établissant une correspondance entre l’expérience vécue de châtiments corporels éducatifs et certaines spécificités du fonctionnement cérébral (observées via des techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle). D’autres écrits militants s’emploient à exposer le catalogue, sans cesse allongé, des études ayant souligné les impacts négatifs des violences vécues dans l’enfance, à moyen et long terme, sur la santé mentale (« augmentation du risque de pathologies psychiatriques, telles que les troubles dépressifs, anxieux, états de stress post- traumatiques, troubles addictifs, troubles de la personnalité, conduites à risque et suicides ») comme sur la santé physique (« augmentation du risque de pathologies somatiques telles que les troubles cardio-vasculaires, pulmonaires, digestifs, endocriniens, immunitaires, ainsi que du risque de développer un diabète, une obésité et des douleurs chroniques ») (Salmona, 2016). La mobilisation de ce répertoire est d’ailleurs observable dans l’exposé des motifs de la loi adoptée le 30 novembre dernier en première lecture par l’Assemblée nationale convoquant certains de ces travaux pour identifier le caractère répandu des châtiments corporels éducatifs à un « véritable problème de santé publique ». Il transparait également clairement dans les préconisations du Plan

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précédemment mentionnées.

Si ce prisme médical exerce aujourd’hui un ascendant important dans la remise en question contemporaine de la banalité des punitions corporelles sur les enfants, cela tient à notre sens à l’efficacité particulière dont dispose ce registre argumentatif, comportant un caractère plus impératif que la plasticité du seul discours « psy » aux références multiples et parfois contradictoires. En effet, lorsqu’il intervient dans le cadre d’actions de sensibilisation, la primauté des faits que revendique le mode d’appréhension médical peut constituer un puissant vecteur de normalisation, qui tend à effacer les jugements de valeur implicites à ce positionnement. Surtout, cet accent porté sur les conséquences médicalement objectivées des pratiques concernées permet d’affronter la contrainte que représente sur un plan argumentaire le fait de mettre en cause un comportement jugé précisément « ordinaire », là où l’enfance maltraitée s’était inscrite sur le registre de la reconnaissance d’actes « scandaleux » envisagés comme minoritaires à l’échelle de la population générale et commis au sein de familles « dysfonctionnelles ». Cette mise en cause de la banalité des sanctions physiques éducatives intervient là encore sur le double registre de la gravité et de la fréquence.

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Tout d’abord, mettre en avant les nombreuses répercussions sur la santé à long terme des faits de violence grave permet de jeter un trouble immédiat sur les punitions corporelles légères, et ainsi de réfuter la conception communément admise selon laquelle il existerait une différence de nature entre la pratique consistant à donner une claque ou une fessée et un acte proprement maltraitant. En effet, à partir du moment où la gravité ne s’exprime plus sur le seul registre de la présence / absence d’une lésion physique observable, mais sur celui de la probabilité de développer des pathologies à l’âge adulte, rien ne permet d’affirmer que des gestes impliquant une force d’un degré moindre n’engagent pas des processus physiologiques similaires entraînant des répercussions identiques sur l’avenir du mineur. Ce postulat de l’unicité des « violences sur enfant » s’appuie d’ailleurs souvent sur un argument complémentaire consistant à mettre chacun au défi de désigner la frontière entre les deux catégories de comportements, afin d’en souligner le caractère fluctuant, subjectif et finalement infondé. Mettre en exergue le risque d’escalade est également un procédé couramment utilisé, visant là encore à renforcer la présomption d’un continuum entre des gestes, pratiques et comportements couramment tenus pour étrangers :

« Il n’y a pas de petites violences sans conséquences traumatiques sur la santé de l’enfant à court, moyen et long termes. Et sur le risque de maltraitances : plus les punitions corporelles même légères, sont fréquentes et répétées sur une longue durée, plus le risque est grand que l’enfant subisse des traitements très violents »68.

« Si l’on représente par l’image d’un iceberg la violence infligée aux enfants dans un but éducatif, la maltraitance est la partie émergée de cet iceberg, celle que tout le monde voit et condamne. (…) Pourtant la maltraitance, qui consiste en correction jugées excessives, se situe dans la continuité de la violence éducative ordinaire (VEO). On peut passer insensiblement de l’une à l’autre par une escalade produite par la fatigue ou l’exaspération. (…) Pour faire diminuer la maltraitance, il est nécessaire de ne plus considérer comme acceptable la VEO, il faut informer sur ses dangers. (…) Comment savons-nous aujourd’hui qu’il faut renoncer aux punitions corporelles à cause de leurs dangers ? Nous en avons maintenant la certitude grâce aux recherches sur la formation et le fonctionnement du cerveau »69.

Ainsi la mobilisation de travaux invoquant les effets des sanctions physiques éducatives sur le développement du cerveau ou recherchant les marqueurs neurobiologiques d’une exposition au comportement incriminé poursuit une finalité identique. Il s’agit de faire ressortir, en l’absence d’un stigmate corporel immédiat, l’atteinte durable et profonde faite à un organe où siègent l’identitéet les potentialitésdusujet en devenir :

« Si les adultes connaissaient les répercussions de la VEO, un certain nombre d’entre eux élèveraient probablement autrement leurs enfants. Car les violences éducatives ont des conséquences redoutables aussi bien physiques que psychologiques sur l’enfant et ces effets persistent à l’âge adulte. Elles sont un des grands facteurs de stress pour l’enfant. (…) Le stress se traduit biologiquement dans tout son organisme par des bouleversements intenses qui ont une résonnance particulière chez l’enfant dont le cerveau encore en développement est particulièrement fragile »70.

68 Cf. Châtiments corporels et violences éducatives (Salmona, 2016). 69 Cf. La fessée. Questions sur la violence éducative (Maurel, 2015).

70 Cf. Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau

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S’agissant de la fréquence, le procédé argumentaire est strictement identique. À partir du moment où certaines études ont démontré les incidences des violences physiques « légères » chroniques vécues dans l’enfance sur la santé à l’âge adulte, leur caractère ponctuel n’offre aucune garantie que l’enfant soit préservé de ces futurs dommages présumés :

« -Journaliste : Ça peut être une gifle à la maison, vous savez ce qu’on dit "une bonne paire

de claques ça ne fait de mal à personne", vous l’avez entendue cette phrase ? [Oui…] Est- ce que là commence la maltraitance ?

-Médecin référent CRIP Setan : Effectivement, on peut encore entendre qu’une fessée n’a jamais fait de mal à personne, à aucun enfant. (…) Bien sûr je suis tout à fait opposée à ces propos banalisant le simple geste qui…simple geste pour certains, et qui pour moi a bien sûr des conséquences immédiates à moyen terme et à long terme sur la santé, si ce sont des gestes chroniques, répétés »71.

D’ailleurs, pour plus d’efficacité, le discours militant ne s’embarrasse pas toujours d’apporter cette précision contextuelle relative au degré d’occurrence du châtiment corporel :

« Il n’y a pas de violences acceptables, inoffensives, il n’y a pas de petite violence. Être pour ou contre la fessée n’est pas une question morale, c’est l’impact qui compte. Les études établissent en effet un lien fort entre les violences subies dans l’enfance – y compris les violences éducatives ordinaires – et de nombreuses pathologies physiques et psychiques, à court et à long terme »72.

Ce dernier extrait d’interview donnée par une psychologue exerçant au sein de l’Unité d’accueil

médico-judiciaire pédiatrique de Setan est intéressant, car il souligne explicitement combien

l’enjeu de ces énoncés visant la proscription des sanctions physiques éducatives est de désamorcer l’argument selon lequel il s’agirait d’une posture morale, par définition subjective et située, pour défendre la portée universelle de la cause. Cette rhétorique militante vise finalement à emporter la conviction du caractère néfaste du comportement concerné, quelles que soient les appartenances sociales et les héritages culturels, pour que chacun devienne un parent repentant qui n’accorde plus aucune légitimité à cette pratique éducative :

« La question est : est-ce qu’on pense que c’est bien. Il y a plein de parents qui pensent que les châtiments corporels c'est important, c'est bien, et que cela aide à bien grandir, que poser des limites cela ne peut être que comme ça. (…) Ce n'est pas la même chose un parent qui va donner une fois une fessée ou une claque et puis un parent pour lequel c'est une méthode éducative normale. C'est en cela je pense que l'interdiction et l'éducation, c'est de dire cela ne sert à rien et c'est pas bon pour la santé. (…) Le fait que la loi puisse venir dire les châtiments corporels c'est interdit parce que ce n'est pas bon pour les enfants, c'est poser un interdit non pas dans le sens de pénaliser quelqu'un qui transgresserait cet interdit, mais que si on fait autrement, si on est dépassé par la colère on se dise : "Là, j'ai fait une connerie. En fait ce n'est pas comme cela qu'on élève les

enfants. Ce n'est pas une bonne chose, ce n'est pas ce qu'il faut faire de bien" » (Pédiatre

coord. UMJP, Setan).

71 Interview donnée par le médecin référent de la CRIP de Setan à une radio locale.

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Ces premiers constats relatifs aux argumentaires défendant la proscription des sanctions physiques éducatives mériteraient de plus amples investigations, notamment sur la manière dont ils viennent s’adosser aux discours promouvant une « éducation positive » ou « bienveillante ». Soulignons simplement ici combien ils entrent en résonnance avec les catégories de jugement mobilisées dans le traitement administratif et judiciaire, précédemment analysé, des pratiques concernées. Ajoutons également que cette perspective est d’autant plus susceptible de se généraliser que les médecins, et les pédiatres en particulier, se sont positionnés au premier rang de la lutte contre les châtiments corporels éducatifs, et que cette mission leur a été pleinement reconnue par les pouvoirs publics au cours de ces dernières années. En effet, la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant instaure la désignation, dans chaque département, d’un médecin référent « protection de l’enfance » chargé d’améliorer la coordination entre les services départementaux, les CRIP et les médecins hospitaliers, libéraux ou de santé scolaire. Le Plan

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prévoit quant à lui une meilleure sensibilisation de ces professionnels de santé, devant le constat, en forme de leitmotiv, selon lequel les médecins ne sont à l’origine que de 5% des signalements effectués auprès des départements (« Très rares sont les médecins qui demandent aux enfants s’ils subissent des violences ou s’ils en ont subi, alors que cela devrait être systématique »73).

Finalement, ce mouvement, à la fois porté par des médecins et ciblant les médecins, n’est pas sans faire écho au rôle qu’ont pu jouer les professionnels issus du champ de la pédiatrie sociale dans la reprise de la problématique nord-américaine du « syndrome de l’enfant battu » en France à la fin des années 1970 (Serre, 2009). Si tout porte donc à croire que la légitimité médicale détenue par ces experts de la condition enfantine, mobilisée dans un travail de catégorisation qui tend à naturaliser la « violence » subie (en l’envisageant et la traitant comme une pathologie entraînant des effets à long terme) leur permet d’exercer, aujourd’hui encore, un rôle prépondérant dans la disqualification des sanctions physiques éducatives, reste à interroger la manière dont se manifeste concrètement cette influence.

2.2. Une dynamique exemplaire : relations d’interdépendance et circularité des savoirs dans un département du nord-ouest de la France

Comme nous l’avons rappelé dans l’introduction générale, un des principaux obstacles rencontrés par les travaux prenant pour objet la formation des sensibilités est de parvenir à se situer – au cours d’une même entreprise de recherche – en différents points du processus de normalisation pour expliciter les mécanismes de diffusion et d’intériorisation des contenus normatifs. Cela nécessite en particulier de pouvoir « substituer à l’unité de lieu caractéristique de l’enquête monographique une pratique du terrain ouverte à la multiplicité des sites, des acteurs et des instruments » (Bérard, 2010). Ainsi, la conduite de nos divers chantiers de recherche nous a amenés à considérer sous un autre jour la question des investissements militants, en nous concentrant sur le « travail effectif et situé de normalisation » (Darmon, 1999) à l’œuvre dans les échanges interinstitutionnels prenant place au sein d’un dispositif local d’intervention en faveur de l’enfance en danger. En effet, porter le regard sur les relations d’interdépendance nouées entre des acteurs exerçant dans des espaces professionnels distincts nous a permis d’identifier une circulation de savoirs experts constituant un puissant vecteur de convergence dans l’assimilation des châtiments corporels à une déviance majeure. Cette dynamique observée dans un département du nord-ouest de la France (autour d’une métropole régionale) peut être qualifiée d’« exemplaire », car elle forme un modèle idéal, un archétype, susceptible, à l’avenir, de se généraliser sur l’ensemble du territoire français.

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Au cœur du dispositif, l’unité d’accueil médico-judiciaire pédiatrique

Le travail d’investigation nous a conduits à approcher une dernière scène professionnelle dont nous ne soupçonnions pas l’importance dans l’encadrement des sanctions physiques éducatives, à savoir celui des unités spécialisées en protection de l’enfance. Reconnue sous la qualification administrative d’Unité d’accueil médico-judiciaire pédiatrique (UMJP), leurs équipes ont une large composante pluridisciplinaire, puisqu’outre des pédiatres (disposant parfois d’une capacité de médecine légale), elles réunissent fréquemment des psychologues, des assistants sociaux, des puéricultrices, des cadres de santé, etc. L’UMJP de Setan a été créée en 2001, de manière informelle initialement, dans la perspective de « mieux dépister » les situations de maltraitance et de constituer « une équipe ressource pour les autres professionnels » (exerçant au CHU ou en libéral), sur le modèle des équipes hospitalières spécialisées dans la prise en charge des maladies chroniques. Sous l’impulsion d’un procureur et du service de médecine légale, il a été décidé, après quelques années de fonctionnement, de confier à cette unité la réalisation des examens sur réquisition judiciaire. En 2010, elle a été dotée d’une salle d’audition filmée dans laquelle le mineur présumé victime est rencontré par les enquêteurs de la police judiciaire (« le fait d’être reçu dans un lieu de soin permet de limiter les séquelles à distance et permet d'avoir une meilleure coordination des services, et donc une meilleure évaluation du danger »74). Il s’agit d’une configuration relativement singulière sur le territoire français, car, si les pouvoirs publics œuvrent actuellement au développement d’une expertise de cet ordre au sein de chaque hôpital pédiatrique75, le plus souvent les unités spécialisées dans le dépistage des faits de maltraitance sur enfants ou adolescents ne disposent pas de cette compétence à intervenir sur mandat judiciaire.