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Chapitre 4 Décoration des substrats PPF par des nanoparticules d’argent

4.2. Etude du mécanisme formation des dépôts d’argent AgNP(C ; t)/Substrat

4.3.2. Caractérisation des propriétés optiques des dépôts

4.3.2.1. Influence du temps de dépôt et effet SERS

La caractérisation en spectroscopie Raman de nos dépôts a pour but de déterminer si des molécules organiques se trouvent adsorbées à leur surface et donc de mieux comprendre l’environnement chimique de nos nanoparticules. En outre, cette caractérisation pourra mettre en évidence les éventuelles propriétés liées à l’organisation des nanoparticules d’argent, plasmoniques, à la surface des substrats PPF et PPFH2.

Parmi ces propriétés particulières, nous pouvons nous attendre à observer une exacerbation des signaux en spectroscopie Raman du fait d’un effet SERS. Cet effet, lié aux propriétés plasmoniques des nanoparticules d’argent et à leur organisation peut, sous certaines conditions, être utilisé pour la détection en spectroscopie Raman de quantités infimes de molécules.23 Cet effet peut être observé sur

des matériaux présentant des nanoparticules dotées d’une résonance de plasmon de surface localisé (comme nos nanoparticules d’argent) et organisées de manière à présenter des distances interparticulaires nanométriques. La nature et les conditions permettant l’apparition d’un tel phénomène sont détaillées dans le Chapitre 6, de même que les conditions opératoires choisies pour la caractérisation en Raman des dépôts.

Dans la mesure où nos nanoparticules mesurent plus de 5 nm (la coloration des surnageants témoigne de leurs propriétés plasmoniques) et dans la mesure où l’organisation des dépôts leur impose une proximité dépendant des conditions de dépôt, il est donc possible de s’attendre à observer un effet SERS.

Les spectres Raman des substrats AgNP(2 mM ; t)/PPF et AgNP(2 mM ; t)/PPFH2 ont été enregistrés

(Figure 4-23 et Figure 4-24). La comparaison de ces spectres nous renseignera sur l’influence du temps de réaction et du choix de substrat (et donc de l’organisation des nanoparticules et structures d’argent) sur la signature Raman des dépôts. PPF et PPFH2 présentant des spectres Raman identiques, nous avons

utilisé le PPF comme échantillon de référence pour tous les dépôts.

Contrairement à la plupart des spectres montrés dans le chapitre précédent, nous avons réalisé ces spectres avec un faisceau incident d’une puissance moindre, de l’ordre de 0,01 mW (Chapitre 6).

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Figure 4-23 Spectres Raman de AgNP(2 mM ; t)/PPF

Figure 4-24 Spectres Raman de AgNP(2 mM ; t)/PPFH2

L’observation des spectres montre une corrélation claire entre le temps de réaction et l’allure du spectre Raman du substrat. Les dépôts réalisés en 1 minute, sur PPF comme sur PPFH2, ne présentent aucune différence significative avec le spectre des substrats PPF initiaux.

Les spectres des dépôts de 5 minutes (Figure 4-25) présentent des changements légers avec l’apparition d’une bande aux bas nombres d’onde (vers 70 cm-1). Cette bande est causée par la diffusion

de Rayleigh du faisceau incident par le substrat : la radiation incidente est absorbée et réémise sans changement de fréquence (donc à 0 cm-1) par le dépôt. En théorie, le spectromètre est équipé d’un filtre

passe-haut qui élimine la raie de Rayleigh en deçà d’un certain nombre d’onde. La bande à 70 cm-1 est

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Figure 4-25 Spectres Raman de AgNP(2 mM ; 1 min)/Substrat et AgNP(2 mM ; 5 min)/Substrat comparés au PPF

C’est à 15 et 60 minutes que les changements sont les plus marqués : plusieurs pics apparaissent, principalement dans les régions situées entre 1000 et 2000 cm-1 et entre 2500 et 3200 cm-1. Le pic lié à

la diffusion de Rayleigh voit son intensité gagner un ordre de grandeur. L’apparition de nouveaux pics prouve la présence d’espèces organiques adsorbées à la surface des nanoparticules : l’amidine produite par l’hydrogénolyse du précurseur [Ag(Bu-amd)] et qui fait office d’agent stabilisant pour les nanoparticules en solution.

L’observation de ces pics, invisibles avec des dépôts préparés en 1 ou 5 minutes, est rendue possible par l’amplification du signal Raman de l’amidine par l’apparition d’un effet SERS. En effet, les spectres des dépôts préparés en 15 et 60 minutes présentent une intensité globale supérieure à celle des spectres du PPF ou des dépôts préparés à des temps plus courts.

Afin d’évaluer cette exaltation du signal, nous avons comparé l’intensité de la bande D et de la bande G de chacun de nos dépôts avec l’intensité de ces bandes sur le spectre du PPF (Tableau 4-9).

Tableau 4-9 Evolution des maxima d'intensités dans les bandes D et G des AgNP(2 mM ; t)/Substrat

Substrat IDa Facteur d’exaltation b IGa Facteur d’exaltation b PPF 46 1,0 43 1,0 AgNP(2mM ; 1 min)/PPF 36 ± 2 0,79 ± 0,03 34 ± 2 0,81 ± 0,04 AgNP(2mM ; 5 min)/PPF 39 ± 2 0,85 ± 0,04 42 ± 6 0,99 ± 0,13 AgNP(2mM ; 15 min)/PPF 293 ± 40 6,4 ± 0,9 508 ± 73 11,9 ± 1,7 AgNP(2mM ; 60 min)/PPF 260 ± 73 5,7 ± 1,6 551 ± 151 12,9 ± 3,5 AgNP(2mM ; 1 min)/PPFH2 44 ± 2 0,95 ± 0,04 45 ± 3 1,1 ± 0,1 AgNP(2mM ; 5 min)/PPFH2 75 ± 10 1,6 ± 0,2 86 ± 13 2,0 ± 0,3 AgNP(2mM ; 15 min)/PPFH2 290 ± 82 6,4 ± 1,8 390 ± 105 9,1 ± 2,4 AgNP(2mM ; 60 min)/PPFH2 82 ± 17 1,8 ± 0,4 114 ± 27 2,7 ± 0,6

a Hauteur maximale relevée sur la bande D ou G (pour un nombre d’onde proche de

1345 cm-1 ou de 1600 cm-1)

148 Globalement, la comparaison des facteurs d’exaltation est cohérente avec l’observation des spectres précédemment réalisée : pour les temps courts, les intensités restent globalement du même ordre que pour le PPF (à l’exception de AgNP(2 mM ; 5 min)/PPFH2 où l’intensité est doublée) alors que pour les

dépôts réalisés en 15 minutes, des intensités 6 à 12 fois supérieures sont mesurées. Pour 60 minutes une divergence de comportements est observée : sur PPF, les intensités mesurées sont maintenues alors qu’elles décroissent pour le dépôt sur PPFH2.

Cette évolution est cohérente avec les organisations de nanoparticules observées en MEB sur les différents dépôts. Si les dépôts préparés en 1 minute présentent des nanoparticules suffisamment grandes pour présenter un plasmon de surface, les distances interparticulaires sont trop importantes (plusieurs dizaines de nanomètres) pour que des points chauds puissent exister et donc pour que l’effet SERS puisse apparaître.

A 5 minutes, la même observation peut être faite pour AgNP(2 mM ; 5 min)/PPF : même s’il est plus dense, le dépôt de nanoparticules présente des distances interparticulaires trop importantes (supérieures à 10 nm). L’apparition d’un effet SERS léger pour AgNP(2 mM ; 5 min)/PPFH2 est peut-

être la conséquence de la formation des premières nanoparticules anisotropes par agglomération des nanoparticules de 5 nm. Ces nanoparticules anisotropes restent minoritaires, ce qui explique que l’exaltation du signal Raman, si elle est perceptible, reste limitée.

Ce n’est que pour 15 minutes que l’agglomération des nanoparticules devient réellement importante et donne des films denses de nanoparticules de plus de 10 nm. Les faibles distances interparticulaires favorisant l’apparition de nombreux points chauds, l’effet SERS se développe et donne lieu à l’exaltation du signal Raman.

A 60 minutes, des différences de morphologies sont visibles entre les deux dépôts. Sur PPF, les nanoparticules, si elles ont continué à croître, ont conservé une organisation comparable à ce qui pouvait être observé à 15 minutes, formant un dépôt dense de nanoparticules de taille variable séparées les unes des autres. Pour AgNP(2 mM ; 60 min)/PPFH2, les nanoparticules ont fusionné en un vaste réseau

d’entrelacs d’argent séparés par quelques canaux de 5 nm de large. Les entrelacs occupent alors la majorité de la surface du substrat. Il est donc raisonnable d’affirmer que AgNP(2 mM ; 60 min)/PPFH2

compte moins de points chauds potentiels que AgNP(2 mM ; 60 min)/PPF ou

AgNP(2 mM ; 15 min)/PPFH2. Cette différence expliquerait le facteur d’exaltation moindre observé

pour AgNP(2 mM ; 60 min)/PPFH2.

Il est toutefois surprenant de constater que les bandes D et G présentent des facteurs d’exaltation différents : comme le montre le Tableau 4-9, la bande G est toujours deux fois plus exaltée que la bande D lorsque l’effet SERS est marqué. L’observation des spectres obtenus pour les temps d’hydrogénolyse les plus longs (sur la Figure 4-24 et, de manière plus visible encore sur la Figure 4-23) révèle un changement de l’allure de la bande G : en plus de grandir celle-ci devient très fine. Ce changement d’allure de la bande G pourrait être dû au développement d’un pic de l’amidine situé à la même position que la bande G.

A cause du recouvrement partiel des signaux de l’amidine et du PPF, leur discrimination est rendue difficile. Cette discrimination est cependant nécessaire au développement d’un éventuel capteur optique : il sera alors nécessaire de distinguer les pics de l’analyte de ceux de l’amidine et du PPF.