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Chapitre 4 Décoration des substrats PPF par des nanoparticules d’argent

4.2. Etude du mécanisme formation des dépôts d’argent AgNP(C ; t)/Substrat

4.3.2. Caractérisation des propriétés optiques des dépôts

4.3.2.2. Identification des pics et effet de blinking

Afin de nous affranchir des dépôts carbonés et donc d’isoler les pics de l’amidine adsorbée sur les nanoparticules d’argent, nous avons réalisé des dépôts de nanoparticules d’argent, non plus sur PPF mais sur un substrat de silicium pur. En effet, le silicium a l’avantage de présenter en spectroscopie Raman un unique pic situé à 521 cm-1 et un massif de faible intensité peu avant 1000 cm-1 ( Figure 4-27)

149 aussi sera-t-il moins susceptible de parasiter l’observation des pics de l’amidine que le PPF. Afin de garantir une surface propre, le silicium a été nettoyé et désoxydé comme pour la préparation d’un film PPF (Chapitre 3 et Chapitre 6). Les dépôts de nanoparticules ont été réalisés à 2 mmol/L de [Ag(Bu-amd)] et en considérant la face polie des substrats comme la face d’intérêt. Les échantillons ont été analysés en MEB-FEG (Figure 4-26) et en spectroscopie Raman (Figure 4-27).

Figure 4-26 Clichés MEB-FEG de AgNP(2 mM ; t)/Si

La morphologie des dépôts des structures d’argent sur le silicium est similaire à celles déposées sur les substrats PPFH2 avec un étalement des agrégats favorisé à la surface du substrat. Cependant, les ilots

d’argent sont plus larges, à temps égal, sur silicium que sur PPFH2. Ainsi, AgNP(2 mM ; 1 min)/Si

présente une importante densité de nanoparticules similaires à celles observées sur AgNP(2 mM ; 5 min)/PPFH2 et, à l’autre bout du spectre, les entrelacs formés sur silicium tendent encore

davantage vers le film continu que ceux observés sur AgNP(2 mM ; 60min)/PPFH2. Le développement

plus rapide des dépôts d’argent sur silicium est vraisemblablement lié à une meilleure affinité de l’argent encore supérieure pour le silicium que pour les substrats PPFH2 ou PPF. Des études plus approfondies

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Figure 4-27 Spectre Raman de AgN(2 mM ; t)/Si et du silicium

Les spectres Raman présentent un comportement similaire aux observations précédentes : les spectres des dépôts réalisés en 1 et 5 minutes sont proches du spectre du silicium seul et ce n’est qu’à 15 et 60 minutes que l’exaltation du signal apparaît, révélant les pics de l’amidine. Le dépôt AgNP(2 mM ; 60 min)/Si, malgré sa structure proche de AgNP(2 mM ; 60 min)/PPFH2, présente un

spectre dont l’intensité est similaire à celle du spectre de AgNP(2 mM ; 15 min)/Si. Néanmoins, les pics semblent mieux résolus pour AgNP(2 mM ; 15 min)/Si, aussi ont-ils été utilisés pour l’identification des pics de l’amidine.

L’absence des signaux de l’amidine sur les spectres des dépôts réalisés (sur silicium mais aussi sur PPF et PPFH2) pour des temps courts et le fait qu’elle n’apparaisse qu’avec l’effet SERS prouvent que

l’amidine n’est présente qu’à la surface des dépôts et en faible quantité. Des études, menées pour des dépôts de cuivre par hydrogénolyse de l’amidinate [Cu(Me-amd)], ont en effet prouvé que les dépôts ainsi obtenus étaient extrêmement purs. Cette pureté est permise par la libération de l’amidine en solution lors du dépôt des nanoparticules, empêchant le piégeage de composés organiques dans le dépôt.12

La comparaison des spectres Raman de AgNP(2 mM ; 15 min)/Si, AgNP(2 mM ; 15 min)/PPF et AgNP(2 mM ; 15 min)/PPFH2 (Figure 4-28) nous a permis de mettre en évidence certains pics communs

aux trois spectres et repérés par une flèche. Nous avons proposé une attribution de ces pics (Tableau 4-10).

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Figure 4-28 Comparaison des spectres Raman des dépôts AgNP(2 mM ; 15 min)/Substrat

Tableau 4-10 Proposition d'identification des pics communs

Position du pic Attribution Intensités théoriques a Intensités observées b

70 cm-1 Diffusion de Rayleigh 1000 cm-1 ν(C-C) m vs 1140 cm-1 ν(C-N-C) m/w w 1380 cm-1 δ(CH), δ(CH 2), δ(CH3) vw, m, s/m m 1600 cm-1 ν(C=N) m/w vs 2930 cm-1 ν(C-H), ν(N-H) vs/s, m/w w 3060 cm-1 w

vs : très forte ; s : forte ; m : moyenne ; w : faible ; vw : très faible

a Sur la base de la littérature

b Sur la base du spectre AgNP(2 mM ; 15 min)/Si

Cette proposition d’identification doit toutefois être considérée avec précaution. En effet, l’adsorption des molécules sur des surfaces (comme dans notre cas avec les nanoparticules d’argent) peut modifier la position absolue des pics et les intensités relatives de ceux-ci par rapport à la signature de la molécule en phase liquide ou par rapport aux positions relevées dans les tables. 24 En outre, si

plusieurs modes d’adsorption peuvent coexister pour une même molécule sur une surface, des signaux différents peuvent apparaître pour chacun de ces modes d’adsorption. 25 Dans notre cas, l’amidine libre

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Figure 4-29 Modes de coordination possibles de l'amidine à la surface de l'argent

La comparaison des intensités théoriques et observées pour les différents pics relevés révèle deux pics aux comportements surprenants. Ainsi, les pics situés à 1000 cm-1 et à 1600 cm-1 sont les pics les

plus intense des spectres alors que les intensités des pics liés aux liaisons C-C et C=N sont, en théorie, d’intensité moyenne à faible. Cet écart entre théorie et résultat expérimental peut s’expliquer, pour le pic à 1000 cm-1, par le nombre important de liaisons C-C dans la molécule d’amidine.

Le cas du pic à 1600 cm-1 est plus complexe : l’amidine ne compte qu’une seule liaison C=N,

laquelle est censée donner des pics d’intensité moyenne à faible. Pourtant les spectres Raman révèlent un pic intense et bien résolu. L’hypothèse la plus à même de résoudre ce paradoxe est l’exaltation du signal de la liaison C=N par l’effet SERS. Cette hypothèse implique que l’amidine soit liée aux nanoparticules d’argent par sa fonction imine, laquelle est alors d’autant plus exaltée qu’elle est proche de la nanoparticule. Si cette hypothèse venait à être vérifiée, cela impliquerait que la liaison de l’amidine avec l’argent ne se fait pas par la fonction amine : les pics pouvant être liés à la liaison N-H (2930 cm-1

et 3060 cm-1) n’ont ni l’intensité ni la résolution du pic à 1600 cm-1.

Cette hypothèse trouve un écho dans une étude par simulation numérique menée dans notre équipe par S. Fadiga et C. Lepetit. Cette étude a permis de calculer l’énergie de liaison des fonctions amine et imine de l’amidine à un atome d’argent isolé. Elle a ainsi révélé que la liaison Ag-N(amine) avait une énergie de liaison de 3,4 kcal/mol et que la liaison Ag-N(imine) possédait une énergie de liaison de 9,9 kcal/mol. L’amidine était donc plus vraisemblablement lié à l’argent par sa fonction imine.

Même si ces résultats ne peuvent pas être transposés sans précautions à l’amidine adsorbée sur une nanoparticule d’argent de plusieurs nanomètres, ils corroborent nos observations des spectres Raman. Une étude théorique plus approfondie et adaptée à la coordination sur une nanoparticule d’argent serait cependant nécessaire pour confirmer cette hypothèse.

Un autre phénomène a été observé lors de la caractérisation de nos dépôts par spectroscopie Raman : dans le cas des dépôts présentant un effet SERS, un effet dit de « blinking » a été observé. Cet effet est un phénomène complexe qui se traduit par des fluctuations aléatoires de l’intensité de certains pics du spectre Raman au cours du temps. Parmi les causes proposées se trouvent la migration des molécules vers et hors des points chauds, des changements d’orientation des molécules dans le champ électrique et leur modification chimique (protonation/déprotonation26), par exemple, suite à l’émission de paires

électrons-trous photo-induits. Ces modifications du système induiraient des modifications du signal Raman.

Afin de limiter l’impact du blinking, nous avons délibérément opté pour un temps d’acquisition de nos spectres de 10 secondes répété trois fois. Cette triple acquisition et le temps d’acquisition, relativement long, ont permis de moyenner le signal enregistré et de limiter l’influence du blinking sur le spectre à des changements mineurs d’intensités et de position des pics (Figure 4-30).

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Figure 4-30 Effet du blinking sur les spectres du dépôt AgNP(2 mM ; 15 min)/Si

Ainsi, si plusieurs pics (mis en évidence par une flèche) voient leurs intensités modifiées et même si un pic mineur apparaît vers 2150 cm-1, les pics communs présentés dans le Tableau 4-10 sont demeurés

relativement stables, ce qui a permis leur identification.

Le développement d’un capteur, quel qu’il soit, passe par la détermination de ses conditions de conservation et d’utilisation, choisies de manière à conserver ses performances.