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C HAPITRE 1 : Synthèse de dérivés α-O-sialyles

D. Les dérivés 2-dialkylphosphates

V. Influence de l’acétonitrile comme co-solvant

Lors du traitement d’un imidate de glucopyranosyle β par un acide carboxylique, la formation d’un imide β II-005β, favorisée en présence de CH3CN, avait d’abord été postulée par Sinaÿ260 et Schmidt.261 Puis, en 1990, Ratcliffe et Fraser-Reid262 reprennent cette étude, mettant en évidence la formation d’un nitrilium en α II-006 par mesure des valeurs des constantes de couplage des produits obtenus (J1,2(H1) = 5,1 Hz, caractéristique d’un couplage Hax-Héq pour II-005α) et par des études NOE. II-006 avait été suggéré par Lemieux263 en 1979 ainsi que par Pavia264 en 1981 (Schéma 122).

Schéma 122 : formation d’un imide  en présence d’acétonitrile et d’acide carboxylique. Schmidt265 étudie, en 1990, l’influence du solvant sur la sélectivité des O-glycosylations, mettant en évidence qu’en présence d’un nitrile (et principalement avec l’acétonitrile), le composé  est principalement formé. Une proposition de mécanisme est faite, basée sur une étude réalisée

255(a)

Crich, D. J. Org. Chem. 2011, 76, 9193 ; (b) Gong, J.; et al. Carbohydr. Res. 2012, 361, 91. 256

Schreiner, E.; et al. Carbohydr. Res. 1992, 216, 61. 257 Gervay, J.; et al. Tetrahedron Lett. 1997, 38, 1493. 258

Fujita, S.; et al. Carbohydr. Res. 1992, 228, 347. 259

Sugata, T.; et al. J. Carbohydr. Chem. 1997, 16, 917. 260 Pougny, J.-R.; et al. Tetrahedron Lett. 1976, 17, 4073. 261

Schmidt, R. R.; et al. J. Carbohydr. Chem. 1985, 4, 141. 262

Ratcliffe, A. J.; et al. J. Chem. Soc. Perkin Trans. 1 1990, 747. 263 Lemieux, R. U.; et al. Can. J. Chem. 1979, 57, 1244.

264

Pavia, A. A.; et al. J. Org. Chem. 1981, 46, 3158. 265

par la même équipe (dans laquelle, aussi bien le produit  que l’anomère , sont observés), montrant que le conjugué nitrile-nitrilium α, conduisant au produit β, est formé plus rapidement que le conjugué nitrile-nitrilium thermodynamique β qui conduit au composé α (Schéma 123). L’introduction de l’acétonitrile en position axiale est justifiée par l’effet anomérique.

Schéma 123 : proposition de mécanisme pour l’obtention des produits α ou β en présence d’acétonitrile.

Avec de bons groupements partants, en travaillant à basse température et en mettant le nucléophile au départ dans le milieu réactionnel, le passage par un intermédiaire α conduisant au produit β a pu être montré avec de nombreux composés. Par exemple, les trichloroacétimidates de O-glycosyle α et β ont été mis en réaction avec différents accepteurs dans l’acétonitrile et le propionitrile comme solvant avec une quantité équimolaire de TMSOTf, de -40 °C à -80 °C, et ont conduit au disaccharide β. Les rendements et ratio α:β sont quasiment indépendants de la configuration du produit de départ, montrant que l’intermédiaire est attaqué sur la face α très majoritairement (Schéma 124).

Schéma 124 : exemple de glycosylation d’un trichloroacétimidate dans un solvant nitrile. En 1993, l’équipe de Sinaÿ266 réalise une étude sur le nitrilium intermédiaire par RMN 1H, 13C et

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N en le générant à -30 °C dans l’acétonitrile deutérié et par modélisation moléculaire, confirmant sa configuration α. Il conduit donc au produit de glycosylation β à la suite d’une attaque du nucléophile avec inversion de configuration, ce qui est appuyé par différentes études.264,267

266

Braccini, I.; et al. Carbohydr. Res. 1993, 246, 23. 267

Dans le cas des dérivés sialides, Whitesides268 propose l’intervention de l’acétonitrile pour expliquer la formation majoritaire du produit α et, en se basant sur des calculs d’enthalpie, explique que l’intermédiaire II-007, plus stable que II-008, est formé en premier et que II-008, plus réactif, est attaqué par l’alcool dans le milieu (Schéma 125).

Schéma 125 : influence de l’acétonitrile sur la sélectivité de la glycosylation en partant d’un chlorure de sialyle avec PhS en C3.

Crich269 montre que sur le KDN, protégé sous forme de 4,5-O-carbonate, la présence d’acétonitrile dans le milieu favorise la sélectivité α. Il propose le passage par l’intermédiaire II-009 (Figure 42) qui serait stabilisé par la présence du groupement 4,5-O-carbonate. Ce dernier, augmentant le moment dipolaire de façon plus importante que deux groupes esters indépendants, rendrait C2 plus déficient en électron, stabilisant ainsi l’adduit nitrilium et limitant la formation du produit d’élimination.

Figure 42 : intermédiaire nitrilium II-009.

VI. Conclusion

Les acides sialiques ayant un rôle biologique important, les O-sialosides ont été envisagés comme cibles thérapeutiques et ont donc fait l’objet de nombreuses études. En effet, les composés naturels étant les anomères α, les principaux problèmes de synthèse sont liés au fait que l’épimère β est plus stable que le α, à la présence d’un groupement électroattracteur en C2 et à celle du méthylène en C3. Ces derniers augmentent le risque de formation du glycal et limitent le contrôle de la stéréochimie. Pour résoudre ce problème, le groupement partant a été changé, un groupement temporaire en C3 ou participant en C1 ont été introduits, et différents groupements protecteurs sur l’azote en C5 ainsi que différents promoteurs ont été étudiés. Afin de limiter les étapes de synthèse, l’introduction de groupements en C1 et C3 est de moins en moins utilisée. Le thioglycoside d’adamantyle et son équivalent portant un dibutylphosphate comme groupe partant sont les plus réactifs ; la présence d’un groupement électroattracteur sur l’azote favorise la formation du produit α, ce qui est accentué lorsque la réaction est réalisée dans l’acétonitrile. Enfin, l’utilisation de la

268

Martichonok, V.; et al. Carbohydr. Res. 1997, 302, 123. 269

5-N,4-O-oxazolidinone limite probablement, de par la contrainte due à la jonction de cycles trans, la formation du glycal et favorise l’obtention d’α-O-sialosides. Ces études ont donc permis de déterminer les donneurs les plus aptes à favoriser une sélectivité α (Figure 43).

Figure 43 : donneurs les plus aptes à favoriser une sélectivité α.

Les O-sialosides sont sensibles à l’hydrolyse enzymatique alors que leurs homologues carbonés et soufrés le sont moins. Ces deux familles constituent donc des mimes des O-sialosides permettant des études cristallographiques des interactions enzyme-substrat, en remplaçant le substrat par un inhibiteur compétitif.