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4.2 Les optiques diffractives binaires

4.2.2 Indice effectif et modes de Bloch

Nous allons maintenant définir de façon plus quantitative l’indice effectif associé à des structures périodiques sub-λ. Nous nous intéressons plus particulièrement aux structures périodiques bidimensionnelles, dont la Figure 4.7(a) donne deux exemples. Ces structures sont périodiques dans les directions x et y, et invariantes dans la direction z.

Nous nous plaçons tout d’abord dans le cadre de la limite statique, c’est-à-dire lorsque la longueur d’onde est très grande par rapport à la période des structures. Cette limite est un cas important pour lequel il existe des résultats analytiques gé- néraux issus de la théorie des milieux effectifs, Effective Medium Theory en anglais. Nous abordons ensuite le cas plus général où la longueur d’onde peut être du même ordre de grandeur que la période. Ce cas est plus proche des structures qui sont réel- lement fabriquées mais nécessite le recours à la résolution numérique des équations de Maxwell. Nous introduisons le concept de mode de Bloch d’une structure pério- dique, puis nous faisons le lien entre les deux approches, c’est-à-dire entre modes de Bloch et théorie des milieux effectifs.

Théorie des milieux effectifs

Le principal résultat de la théorie des milieux effectifs est de démontrer, dans la limite des grandes longueurs d’onde, l’équivalence entre une structure périodique et un matériau artificiel homogène. En général, ce matériau artificiel est anisotrope. Des structures périodiques unidimensionnelles sont équivalentes à un matériau uni- axe, c’est la biréfringence de forme [Bor64], et des structures périodiques bi- ou tridimensionnelles sont équivalentes à un matériau biaxe.

Pour des structures unidimensionnelles, il existe des expressions simples donnant les indices effectifs ordinaire no et extraordinaire ne du matériau artificiel :

no =phεi et ne = s  1 ε !−1 , (4.13)

où ε est la permittivité relative de la structure périodique et les crochets font réfé- rence à la moyenne spatiale.

Pour des structures bidimensionnelles, il n’existe pas d’expressions analogues, sauf dans le cas particulier d’une onde polarisée suivant la direction z et se propa- geant dans le plan de périodicité (x, y) pour laquelle l’indice effectif vaut phεi. Pour le cas qui nous intéresse plus particulièrement, celui d’une onde se propageant dans la direction z, il existe des expressions simples donnant une borne inférieure et une borne supérieure pour les deux indices effectifs principaux [Cor68].

Pour disposer de résultats quantitatifs dans le cas de structures bidimensionnelles et parce que la limite statique reste un cas d’école, même pour les techniques de

nanofabrication les plus performantes, il est nécessaire d’avoir recours au calcul numérique pour évaluer l’indice effectif.

Modes de Bloch d’une structure périodique

Les modes propres d’une structure périodique bidimensionnelle, voir Figure 4.7(a), sont des modes de Bloch, c’est-à-dire des fonctions pseudo-périodiques en x et en y. Chaque composante du champ électromagnétique est de la forme

ψ(x, y, z) = X

m,p

cmpei[(kx+mKx)x+(ky+pKy)y]eikzz, (4.14)

où ~K = Kx~ux+ Ky~uy est le vecteur réseau et kx, ky et kz sont les trois composantes

du vecteur d’onde.

Dans la littérature, il est souvent fait la distinction entre les modes de Bloch se propageant dans le plan de périodicité, avec kz = 0, et ceux se propageant perpen-

diculairement à ce plan, avec kz 6= 0. Cette distinction vient de la communauté des

cristaux photoniques qui s’est formée dans les années 90 [Joa95]. En effet, pour les ondes se propageant dans le plan (x, y) et pour certaines valeurs de longueur d’onde, il n’existe pas de modes propagatifs dans la structure, tous les modes de Bloch sont évanescents. Cet intervalle de longueurs d’onde est appelé bande interdite photo-

nique. Cette bande se rétrécit puis disparaît complètement lorsque la valeur de kz

augmente [Mar94, Rob96]. Pour le constater, il suffit de calculer la longueur d’onde λ des modes propagatifs pour kx, ky et kz fixés.

Le problème qui nous intéresse ici est différent : la structure est éclairée par une onde plane de longueur d’onde λ dont l’incidence est définie par les deux composantes kxet kyde son vecteur d’onde. Il s’agit donc de calculer les vecteurs d’onde kz 6= 0 des

modes de Bloch se propageant dans la structure pour λ, kx et ky fixés. La résolution

numérique de ce problème fournit tous les modes de Bloch de la structure, à la fois les modes propagatifs (kz réel) et les modes évanescents (kz complexe). Dans le cas

de structures diélectriques, il existe toujours au moins un mode propagatif, il n’y a donc pas de bande interdite.

Equivalence entre un réseau sub-λ et un matériau artificiel homogène

Le lien entre les modes de Bloch et l’indice effectif de la théorie des milieux effectifs apparaît naturellement lorsque l’on se pose la question de l’équivalence entre un réseau bidimensionnel de hauteur h et une couche homogène de même hauteur. Si les trois conditions suivantes sont remplies :

1. Seul l’ordre 0 du réseau est propagatif,

2. La hauteur h est suffisamment grande pour pouvoir négliger l’influence des modes évanescents,

3. Un seul mode de Bloch est propagatif dans le réseau,

alors la réflexion et la transmission du réseau en champ lointain sont semblables à celles d’une couche homogène de même hauteur et dont l’indice effectif n est égal à la constante de propagation normalisée de l’unique mode de Bloch propagatif,

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soit kz = 2πλ n. Autrement dit, le réseau peut être vu comme un matériau artificiel

homogène.

Le nombre de modes de Bloch propagatifs dépend bien sûr de tous les paramètres du problème : ng, Λs, kx, ky, λ, d, ainsi que la géométrie du réseau. Lorsque le réseau

est sub-λ (Λs<λ), il n’y a qu’un petit nombre de modes propagatifs, et lorsque Λs

est plus petit qu’une certaine valeur Λc appelée cut-off structurel, il n’y a qu’un seul

mode de Bloch propagatif [Lal98b, Lal99b].

De façon générale, le cut-off Λc est plus petit que λ. Pour des réseaux carrés

éclairés en incidence normale (kx = ky = 0), tels que ceux considérés ici, on démontre

analytiquement que le cut-off structurel vaut Λc = λ/ng quelle que soit la taille des

structures qui composent le réseau. La valeur de Λc est très importante : elle définit

la période limite au-dessus de laquelle le concept de matériau artificiel n’est plus valable. PSfrag replacements (a) (a) (b) d d d d ng ng ng ng Λs Λs Λs Λs 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1 1.2 1.4 1.6 1.8 2 2.2 d/Λ s Indice effectif n PSfrag replacements (a) (b)

Figure 4.7: Indice effectif d’un matériau artificiel en fonction de la

fraction de matériau gravé, pour kx = ky = 0. (a) Illustration des

géométries calculées. Un réseau carré de trous d’air ronds et un réseau carré de piliers carrés gravés dans un matériau d’indice ng = 2.1 avec

une période Λs = λn0g, d est le diamètre des trous ou le côté des piliers.

(b) Indice effectif du réseau de trous (trait plein) et du réseau de piliers (pointillés) en fonction de d/Λs.

Dans toute la suite de la deuxième partie de la thèse, l’indice effectif n d’un matériau artificiel est défini comme la constante de propagation normalisée du mode de Bloch fondamental. Il est calculé en résolvant le problème aux valeurs propres défini dans la référence [Li97].

La Figure 4.7(b) montre la variation de l’indice effectif en fonction de la taille d des structures pour deux types de réseaux très importants en pratique : un réseau carré de trous ronds (Figure 4.7(a) en haut) et un réseau carré de piliers carrés (Figure 4.7(a) en bas). Le calcul a été réalisé pour kx = ky = 0.

Cette figure illustre parfaitement le principe sur lequel repose le fonctionnement des optiques diffractives binaires. En contrôlant localement la fraction de matériau gravée, il est possible de réaliser une variation graduelle de l’indice, et par conséquent une variation graduelle de la phase.