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CHAPITRE 1. ETAT DES CONNAISSANCES, ENJEUX ET PROBLEMATIQUES 5

I.1. Les sols, compartiments terrestres essentiels et une ressource sous pression

I.2.2. Indicateurs de qualité des sols

Les indicateurs doivent détecter les variations des SE (perturbations, dégâts, progrès ou tendance) et s‘appuient sur l‘évaluation des structures et processus du sol considérés comme indispensables à son bon fonctionnement, sa capacité de résilience (Berthelin et al. 2011b) et à la fourniture des services écosystémiques (Faber and Van Wensem 2012) (figure 1.2). Les indicateurs biologiques, biochimiques, physiques et chimiques utilisés dans l‘évaluation de la qualité des sols sont présentés de manière non-exhaustive dans le tableau 1.1. Les indicateurs sont extrêmement nombreux : plusieurs méthodes différentes peuvent mesurer le même paramètre (e.g dosage de l‘ergostérol, quantification du nombre de copies de gènes d‘ARNr 18S, fumigation après inhibition sélective ou encore analyse des phospholipides membranaires « PLFA » pour estimer l‘abondance fongique). Le choix des paramètres appropriés pour l‘évaluation d‘un processus ou d‘une fonction est alors une étape délicate. Un indicateur unique ne permet pas d‘évaluer une fonction : un ensemble d‘indicateurs est

nécessaire pour apporter des interprétations robustes (recoupement /

complémentarité)(Andrews et al. 2004). Pour choisir un ensemble minimum d‘indicateurs, des critères ont été répertoriés par de nombreux auteurs (Stenberg 1999, Bispo et al. 2011, Feix et al. 2012). Ils doivent:

- être liés au fonctionnement : intégrer des propriétés physiques, chimiques et biologiques bien corrélées avec des processus de fonctionnement du sol (cycle hydrologique, décomposition, symbiose, cycle nutritif) qui sont plus difficiles à mesurer directement. - être sensibles aux variations de gestions et aux variations climatiques à long terme

- être connus scientifiquement et avoir une pertinence écologique: les variations « naturelles » dans l‘espace et le temps tels que les saisons ou les variations de population doivent être maîtrisés (la biologie et l‘écologie des espèces : alimentation, voies d‘exposition aux polluants, reproduction, place dans la chaîne trophique, dynamique

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proies prédateurs…) pour contrôler les interférences avec les effets des facteurs mesurés (pratiques agricoles, changement climatique).

- être reproductibles : faciles à utiliser et peu onéreux (échantillonnage et détermination) pour permettre un grand nombre d‘analyses et présenter des bonnes qualités de mesure (précision, fiabilité, robustesse), faciles à mesurer dans un large éventail de types de sols et de conditions et être facilement utilisables tant par les spécialistes que par les gestionnaires des sols et les producteurs.

- être interprétables : ce qui nécessite de disposer de valeurs seuils de référence, de faire partie des référentiels existant sur les sols, et d‘avoir un caractère universel (large distribution géographique, processus ubiquistes au sol). Le traitement des résultats doit permettre de mesurer l‘impact d‘un itinéraire cultural, d‘une pollution ou d‘une gestion territoriale. Les termes résultats, effets et impacts donnent lieu à une grande diversité d‘utilisation, d‘où une fréquente confusion et la difficulté d‘identifier exactement ce qu‘est l‘impact. Par exemple, l‘implantation de ligneux en sol agricole a pour résultat d‘augmenter l‘abondance fongique mais l‘impact en serait la modification de l‘humification et du cycle du carbone. L‘impact ou l‘effet correspond donc à un changement dans le fonctionnement de l‘écosystème défini par le franchissement d‘un seuil (Briske et al. 2006). L‘interprétation des données obtenues avec les indicateurs doit alors fournir aux gestionnaires des recommandations sur les paramètres qu‘il faudrait modifier ou non pour maintenir ou améliorer le fonctionnement du sol.

17 Tableau 1.1 : Liste d’indicateurs fréquemment utilisés pour évaluer certains processus liés à la qualité des sols et impliqués dans la fourniture de services écosystémiques. Les V représentent les indicateurs retenus et sélectionnés dans ce travail.

Paramètres physiques Processus écosystémiques bibliographiques Références Capacité de rétention en eau Resistance à l'érosion, rétention et

mobilité de l'eau et des nutriments, habitats pour la macro et microfaune, capacité potentielle de stockage du C, épuration pouvoir tampon, structure du sol, stabilité

(Larson and Pierce 1991) (Karlen and Stott 1994)

(Arshad et al. 1996) (Singer and Ewing 2000)

(Six et al. 2000) (Six et al. 2002)

X

Stabilité et distribution des agrégats X

Densité apparente V

Porosité totale X

Texture V

Minéralogie X

Paramètres chimiques Processus écosystémiques bibliographiques Références Azote total (Ntot)

Disponibilité des nutriments, productivité de l'écosystème,

fertilité du sol, cycles biogéochimiques

(Larson and Pierce 1991) (Drinkwater et al. 1996)

V

Azote inorganique (NH4+ , NO3-) V

Phosphore disponible V

Capacité d'échange cationique (CEC) V

pH V

Eléments échangeables

(Mn,Al,Fe,K,Na,Mg,Ca) V

MOS (teneur) Corg total Structure du sol, stabilité, résistance à l'érosion, rétention des nutriments, réserve en carbone, fertilité potentielle, pouvoir tampon

(Reeves 1997) (Carter 2002)

V

MOS (stocks) V

MOS (qualité) groupes fonctionnels, composés (lipides, sucres,

phénols…) Corg extractible, C/N

Cycles biogéochimiques, disponibilité/récalcitrance des substrats organiques, capacité de

stockage du sol

(Ghani et al. 2003) (Crow et al. 2009) V

Pollution chimique ou organique transferts dans l'environnementRisque potentiel de toxicité et (Bourrelier and Berthelin 1998) X

Paramètres biologiques Processus écosystémiques bibliographiques Références

Respiration du sol Activité globale, minéralisation du C V

Activités enzymatiques Activités microbiennes spécifiques des cycles biogéochimiques

(Stork and Eggleton 1992) (Kennedy and Papendick

1995) (Karlen et al. 1997) (Andrews et al. 2004)

V

Amonification, Nitrification,

Dénitrification Fonctionnement du cycle de l'azote V

Abondance des communautés microbiennes

Humification

Etat sanitaire du sol, état des matières organiques disponibles, fonctionnement des systèmes

sol-plante

V

Diversité et structure des

communautés microbiennes V

Communautés macrofaune trophiques, état sanitaire du sol Structure du sol, réseaux V

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Les deux programmes Bioindicateurs de l‘ADEME ont largement progressé sur ces concepts (Bispo et al. 2009, Feix et al. 2012). Cependant, d‘un point de vue pratique, les indicateurs ne sont validés que dans une problématique bien définie, dans un contexte pédologique et d‘usage donné avec des variations très importantes et des comportements contradictoires selon les cas. D‘autre part, de nombreux auteurs pointent le manque de valeurs de référence (Arshad and Martin 2002, Failing and Gregory 2003, Chaer et al. 2009).

Par conséquent, des critères d‘applications et/ou d‘utilisation doivent être définis pour chaque indicateur. Les indicateurs possèdent tous leurs propres facteurs de réponse aux perturbations (temps et sens de variation), leurs propres échelles d‘application (espaces de comparaisons possibles) et leurs propres valeurs seuils à partir desquelles le fonctionnement du sol est perturbé (Karlen and Stott, 1994) (figure 1.3).

Figure 1.3 : Les différents niveaux de réponse des indicateurs de qualité des sols d’après Feix et al. (2012).

Pour de nombreux indicateurs la totalité des critères requis n’est pas validée et des recherches sont encore nécessaires.

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La sensibilité des indicateurs n‘est pas équivalente. Le temps de réponse rapide des indicateurs biologiques et microbiologiques fait d‘eux des « alerteurs » potentiels dans un programme de surveillance des sols (Jordan et al. 1995). Les bioindicateurs sont très nombreux, allant des populations microbiennes et de leurs activités à la faune et macrofaune du sol jusqu‘à la végétation. Leurs champs d‘application, leurs limites et leurs utilisations sont moins bien définis que ceux des indicateurs physiques et chimiques (Stenberg 1999). Ils font l‘objet de nombreuses recherches et leurs perspectives d‘application sont prometteuses : ils permettent d‘aller au-delà des paramètres de fertilité et d‘aborder la résilience du sol (Havlicek 2012, Heger et al. 2012, Cluzeau et al. 2012). Ils sont par ailleurs très sensibles à des variations saisonnières (température, humidité, flux saisonniers de nutriments…) dont les effets doivent être pris en compte. Les perspectives et les enjeux des recherches concernant les indicateurs rencontrent trois grands domaines:

Tendre vers l’universalisation: Des changements d‘échelle doivent être envisagés pour une meilleure prise en compte des variabilités spatiales (ensemble des contextes et usages), des dynamiques temporelles (équilibre, franchissement des seuils) et des sensibilités aux différentes contraintes. Construire un référentiel commun permettant de lier les bases de données aux processus du sol et à leurs conséquences sur les services écosystémiques est un véritable défi scientifique.

Etablir une méthodologie commune : L'abondance de tests est impressionnante. Par conséquent, les bases de données doivent être harmonisées et une synthèse des nombreuses méthodologies est nécessaire pour développer des protocoles fiables, rapides et économiquement abordables. La normalisation des tests est un champ émergeant des recherches sur la QS. Seule une approche pluridisciplinaire devrait permettre de pallier les biais méthodologiques inhérents à chacune des méthodes.

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Rendre opérationnelle l’évaluation de la QS pour les praticiens, des agriculteurs aux acteurs de l’aménagement du territoire : Le calcul d‘indices, permettant de rendre opérationnelle sur le terrain la notion de qualité du sol, apparaît comme essentiel. Les recherches sur la « qualité des sols » sont nombreuses (> 30 000 références sur web of Knowledge). Peu d‘entre elles tentent de construire des indices (environ 3000 références avec le terme indices de qualité des sols). Ceci souligne qu‘il est encore difficile de quantifier la qualité d‘un sol avec des indices dont la base est encore subjective. Des auteurs ont tenté de développer des méthodes d‘évaluations de la qualité du sol, destinées aux agriculteurs et aux enseignants en sciences du sol (Liebig et al. 1996, Ditzler and Tugel 2002). Ces tentatives de rendre opérationnels les indicateurs de qualité des sols pour les usagers sont des premiers pas vers une gestion plus durable.

La mise en place d‘indicateurs universels, applicables à toutes situations ou à de nombreuses situations présentera une étape ultime et doit être fondée sur des paramètres bien validés. Ils doivent établir des valeurs seuils du fonctionnement et de la stabilité des écosystèmes (Van Bruggen and Semenov 2000). D‘autres resteraient plus spécifiques d‘une situation géographique, d‘un contexte d‘occupation, d‘un climat, d‘un type ou d‘une histoire du sol. Les matières organiques occupent une place centrale dans le fonctionnement des sols de la planète et assurent directement ou indirectement de nombreuses propriétés et des services écosystémiques indispensables aux sociétés humaines (Saenger 2013). Elles sont aussi fortement corrélées à de nombreuses propriétés du sol (chimiques, physiques et biologiques) et constituent par voie de conséquence un indicateur intégrateur du fonctionnement et des qualités d‘un sol et d‘un écosystème.

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