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CHAPITRE 1. ETAT DES CONNAISSANCES, ENJEUX ET PROBLEMATIQUES 5

II.2.4. Impact de la culture de TTCR sur les organismes du sol

II.2.4. Impact de la culture de TTCR sur les organismes du sol

Dès les années 90, Makeschin (1992, 1994) attire l‘attention sur le manque de prise en compte des critères écologiques dans les systèmes de production intensive de biomasse. Une

Sur sols appauvris, les TTCR constituent des puits potentiels de carbone. Les quantités stockées et la répartition du carbone en profondeur sont variables. Une meilleure compréhension des mécanismes est nécessaire pour choisir des sites

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vue complète et globale des conséquences écologiques de la production de bois énergie est nécessaire en particulier sur le long terme afin de produire une énergie renouvelable et compétitive avec les combustibles fossiles. L‘itinéraire cultural des TTCR de saules requiert très peu d‘intrant (II,1,3). Les saules sont seulement replantés tous les 10 à 20 ans (selon la santé des plantations, les réglementations nationales, le marché du bois). Ces longues périodes de culture en rotation, sans labour, permettent aux systèmes racinaires de se développer amplement. Par conséquent, ce système de culture peut favoriser certains processus écologiques influençant la qualité du sol comme la séquestration du carbone, la modification des matières organiques (II,2,2) et du cycle des éléments nutritifs (II,2,1). Ces modifications vont avoir des effets sur les organismes du sol qui sont des régulateurs du cycle des nutriments et de la décomposition des MO et qui peuvent offrir une protection contre les pathogènes et les maladies et favoriser la nutrition des saules.

Makeschin (1994) montre une augmentation des opilions (genre d‘araignée) et des cloportes après la conversion de terres arables en TTCR. L‘abondance des carabes et araignées (Araneida) diminue sans toutefois affecter leur diversité. Les communautés de mille-pattes (chilopodes et diplopodes) ne sont pas modifiées après la conversion. En revanche, l‘abondance et la diversité des acariens sont négativement affectées par la mise en place du TTCR, puis elles ré-augmentent avec le temps de plantation (Minor et al. 2004). L‘abondance lombricienne est également stimulée par les taillis (Makeschin, 1994, Lagerlöf et al. 2011) (figure 1.12). Les communautés de micro-organismes sont également influencées : L‘arrêt du travail du sol a augmenté la biomasse microbienne dans l‘horizon de surface mais l‘a diminuée en profondeur (Makeschin 1994). La diversité des champignons saprophytes dans la rhizosphère dépend de la variété de saules cultivés dans les plantations de TTCR (Šlapokas and Granhall, 1991, Baum and Hrynkiewicz, 2006).

52 Figure 1.12 : Abondance totale de vers de terre dans une culture énergétique (noir) et dans un champ agricole planté avec une culture annuelle (blanc) (Lagerlöf et al. 2011).

Peu d‘études concernent les populations bactériennes des plantations. En revanche, de nombreuses recherches se sont concentrées sur les champignons mycorhiziens des parcelles. La formation d‘ectomycorhizes (ECM) serait favorisée par l‘augmentation de Corg dans l‘horizon de surface (Kahle et al. 2005, Becklin et al. 2012). Les Fagaceae, Myrtaceae et Salicaceae peuvent former des associations mycorhiziennes avec les deux types de champignons, les ECM et les mycorhiziens à arbuscules (MA) (Lodge 1989, Molina et al. 1992). La colonisation mycorhizienne du saule varie considérablement entre les génotypes et dépend également des paramètres environnementaux, des propriétés du sol (e.g humidité, disponibilité en nutriments) (tableau 1.4). L‘association symbiotique s‘effectue principalement avec les champignons ectomycorhiziens, la symbiose MA étant généralement inférieure à 5% (van der Heijden 2001, Püttsepp et al. 2004). Des espèces ectomycorhiziennes des genres Lactarius, Cortinarius, Entoloma, Hebeloma, Laccaria, Russula, Inocybe, Tuber, Paxillus, Tomentella et Tricholoma peuvent mycorhizer les saules, avec des spécificités d‘hôte entre espèces de saules et espèces de champignons (Khasa et al. 2002, Gehring et al. 2006, Püttsepp et al. 2004, Baum et al. 2009a). Le potentiel endomycorhizien est élevé dans les sols agricoles (si la fertilisation phosphatée n‘est pas trop élevée) là où la proportion de basidiomycètes est plutôt faible. Les ECM se développent après l‘introduction de

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hôtes. L‘introduction d‘arbres sur sols agricoles pourrait avoir des effets écologiques importants en modifiant la diversité microbienne. Les basidiomycètes étant les principaux décomposeurs des composés récalcitrants de la litière végétale, des changements dans leur diversité peuvent modifier la dynamique de décomposition de la MO(Watling et al. 1982).

Tableau 1.4 : Mycorhization de différentes espèces de saules par ECM et MA.

espèces de saules remarques sol % colonisé par ECM MA

Salix viminalis

(Püttsepp et al. 2004) Plantation estonienne,

block 16m × 16m, fertilisation avec N, P, K Gleyic Podzoluvisol 75% (6 taxons) _ Salix dasyclados

(Püttsepp et al. 2004) 94% (11 taxons) _

Salix sachalinensis

(Hashimoto and

Higuchi 2003) plaine inondable de la rivière Satsunai

(Japon)

Prédomine sur sols graveleux secs augmente pendant de fortes pluies (typhon) 20-->40% (sols secs) 20-->36% (sols humides) < 1% Chosenia arbutifolia (Hashimoto and Higuchi 2003)

Prédomine sur sols

sableux humides < 1%

Salix Repens

(van der Heijden 2001)

Très répandu en Europe de l'ouest. Etude sur boutures en

pot, en décembre faible P (N/P=13) et en mars, P haut (N/P=5) types de sols variés, habitats influencés par le vent et les fluctuations d'eau. Sol pauvre en nutriments Hebeloma leucosarx 70% Glomus mosseae < 5%

La colonisation mycorhizienne modifie le métabolisme carboné de la plante, en augmentant le transfert du carbone vers l‘ensemble du système racinaire (Gobat et al. 2010). Les champignons utilisent ce C pour la construction de nouvelles structures fongiques ou pour la sécrétion d‘exsudats. Ils contribuent donc, à plus ou moins long terme, à enrichir le pool de carbone organique du sol (Kahle et al. 2005). Cette symbiose joue un rôle central dans l‘agrégation du sol, l‘apport nutritionnel, la santé des plantes, la tolérance à la sécheresse, la protection contre les pathogènes. Elle stimule l‘activité microbienne et la diversité biologique (Zhu and Michael Miller 2003, Olsson and Johnson 2005, Van der Heijden et al. 2008, Rooney et al. 2009) (figure 1.13). Par exemple, les mycorhizes forment des interactions symbiotiques avec d‘autres organismes du sol affectant l‘écologie du sol et la biodiversité

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(e.g. mycorrhiza helper bacteria et les PGPR, plant growth-promoting rhizobacteria) (Frey-Klett et al. 2005, Zimmer et al. 2009, Hrynkiewicz et al. 2010).

Figure 1.13 : Effets potentiels de la mycorhization sur les TTCR de saules (Rooney et al. 2009).

L‘effet des deux types de mycorhization sur la croissance des plantes en TTCR semble différer dans le temps. La symbiose MA semble primordiale dans l‘établissement des jeunes plants (Hashimoto and Higuchi 2003), Glomus mosseae a un effet bénéfique pendant les 12 premières semaines sur l‘absorption de nutriments et la croissance alors que Hebeloma leucosarx a un effet bénéfique sur du long terme (van der Heijden 2001). Le pourcentage de colonisation par ECM augmente quand les concentrations en MO et N sont élevées et faibles en P et K et quand le pH du sol est faible (Püttsepp et al. 2004, van der Heijden 2001). Cependant, l‘effet d‘un apport en azote sur la mycorhization de saules en culture de TTCR peut être plus variable. La fertilisation augmente ou réduit la colonisation mycorhizienne racinaire : celle-ci dépendrait du type de sol ou d‘autres caractéristiques du site (Baum et al. 2002). La faible disponibilité en azote du sol est un facteur limitant majeur de la croissance des saules mais aussi de la croissance des champignons. Le champignon ECM peut favoriser

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l‘absorption d‘azote de l‘arbre mais aussi être en compétition avec son hôte pour cet élément et ralentir la croissance des plantations (Baum et al. 2009b).

Selon ces mêmes auteurs, ce n‘est pas l‘intensité de la mycorhization mais l‘identité du champignon qui détermine les effets sur la croissance des saules et la chimie foliaire. Cette dernière est également dépendante de l‘influence des caractères génétiques de l‘hôte et de la réserve nutritive du sol (Hayashi et al. 2005, Heiska et al. 2005). Les modifications de chimie foliaire liées à la mycorhization influencent la résistance aux ravageurs (figure 1.13) et peuvent également affecter la décomposition de la litière et modifier la dynamique des nutriments (Baum et al. 2009b). La production de sidérophores, de phosphatase acide ou d‘auxines par les ECM dans la rhizosphère semble contribuer à la suppression de certains pathogènes et/ou favoriser la croissance des plantes (Hrynkiewicz et al. 2010). Ces paramètres ou ces processus peuvent être envisagés pour sélectionner des champignons ectomycorhiziens pour l‘inoculation des plantations de TTCR.

Le degré de mycorhization des TTCR et la diversité fongique semblent être inférieurs à ceux des peuplements naturels adjacents (Toljander et al. 2006) et l‘inoculation des parcelles avec des ECM peut augmenter significativement la production de biomasse de saule (van der Heijden, 2001, Baum et al. 2006, Toljander et al. 2009). Bien que l‘association plante-champignon ait été observée dans de nombreuses cultures de saules ou de peupliers (Baum et al. 2002, Khasa et al. 2002, Püttsepp et al. 2004), les informations sur son rôle fonctionnel dans les TTCR sont peu nombreuses. L‘importance des interactions et les principaux facteurs d‘efficacité de la symbiose mycorhizienne sur la pousse des saules et sur les caractères chimiques de leurs parties aériennes restent obscurs (Baum et al. 2009b). Le rôle de la mycorhizosphère en interactions avec de nombreux organismes (communautés bactériennes ou faune du sol) sur la résistance des cultures ouvre un large champ de recherche

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pour la bioprotection des plantations pour la production de biomasse (Quoreshi and Khasa 2008, Vestergård et al. 2008, Rooney et al. 2009).

Ainsi, les plantations de saules en TTCR ont un impact direct sur l‘écologie des sols. Les saules modifient le cycle des nutriments et du carbone. Ces changements dans les traits fonctionnels des végétaux et l‘hétérogénéité des sources de C, sélectionnent les décomposeurs (Coleman and Whitman 2005). La culture modifie les communautés microbiennes et la colonisation mycorhizienne, provoque des changements d‘abondance et de diversité dans la faune du sol.

Bien que l‘effet des cultures ait été déterminé sur de nombreux taxons, les données concernant les communautés microbiennes sont rares ou inexistantes. Et les effets sur les groupes écologiques de vers de terre n‘ont jamais été déterminés.