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Les indicateurs du mode de fonctionnement : sujets présents, sujets absents et l’ordre des sujets

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 113-118)

LES REPRESENTATIONS DE L’ALTERITE ; CONSTRUIRE UNE PLACE POUR L’AUTRE DANS L’IDENTITE EUROPEENNE

2.4.2 Les indicateurs du mode de fonctionnement : sujets présents, sujets absents et l’ordre des sujets

Il est intéressant, afin d‟examiner la présence ou non d‟un mode de fonctionnement commun, que les pays européens mettraient en place pour représenter l‟Autre et créer une identité européenne entre des peuples historiquement et culturellement différents, de regarder les représentations de la Chine dans les deux grands quotidiens qui composent notre corpus. Est-ce que la presse européenne promeut des représentations identiques de l‟altérité ? Est-ce que

le Chinois représenté comme Autre par la presse en France est semblable au Chinois représenté dans la presse en Grèce ? Nous trouvons-nous devant une image de l‟Autre Chinois partagée par l‟ensemble de la communauté européenne ? La presse française et grecque nous servira d‟exemple pour vérifier si l‟identité chinoise est représentée de la même façon dans les deux pays.

Dans un premier temps, l‟enquête sur l‟ordre chronologique des sujets nous montre le changement de la hiérarchie intérieure de la couverture journalistique pendant la période étudiée ; dans Le Monde nous avons observé que les sujets qui font leur apparition assez tôt, c‟est-à-dire depuis le début de l‟année 2008, se focalisent sur les droits de l‟Homme, les relations sino-asiatiques, ainsi que quelques sujets génériques, tels que le travail et le cinéma. Viennent ensuite, les reportages portant sur la croissance économique chinoise et les relations économiques de la Chine avec les Français et les Européens en général, pour se concentrer plus tard sur les préparatifs des Jeux Olympiques, les échanges culturels entre la Chine et la France et les informations sur la crise économique et son influence en Europe.

Pour Elefterotypia, le cadre d‟apparition des sujets est assez différent ; le journal se concentre à partir du début de l‟année sur les informations relatives à la préparation des Jeux Olympiques, et les échanges culturels entre la Chine et la Grèce. Les reportages sur la croissance économique de la Chine et ses conséquences pour le reste du monde, apparaissent également assez tôt dans Elefterotypia. Nous y retrouvons ensuite les articles culturels, portant sur la civilisation, les spectacles, l‟environnement. Plus tard, nous constaterons que l‟intérêt des articles se focalise surtout sur les sujets spécifiques, centrés plutôt sur les rapports économiques et sociaux entre la Chine et la Grèce.

La façon dont apparaissent les sujets, tout au long de l‟année 2008, constitue un élément puissant dans la construction de l‟altérité chinoise. En France, pendant l‟année 2008, la Chine était premièrement décrite comme un Autre opposé « éthiquement », qui ne partage pas les valeurs démocratiques et humanitaires de l‟Europe. Ensuite, l‟identité chinoise était parue sous l‟image d‟un

pouvoir économique, associé tantôt égal, tantôt plus puissant que l‟Europe.

L‟image éventuellement positive de la Chine, comme organisateur des Jeux Olympiques, tradition et valeur formée par le logos occidental, vient cependant s‟éclipser devant les événements du Tibet. La presse européenne trouve là encore une raison pour dépeindre la Chine sous les traits d‟un Autre totalitaire et oppressant. L‟année 2008 s‟achève pour le Monde avec l‟image d‟un Autre qui inquiète à cause de son influence économique mondiale. De cette façon, la menace chinoise se mondialise.

Dans une étude des titres qui ont fait la Une dans les grands magazines français et qui sont consacrés à la Chine, Dominique Colomb [COLOMB, 2008 ; 172] évoque trois périodes auxquelles correspond une vision portée sur le pays.

Une approche étonnée, au début des années quatre-vingt, face à l‟essor économique, ensuite jusqu‟à la fin des années quatre-vingt-dix, une vision euphorisante sur ce nouvel Eldorado émergent. A partir des années deux mille, dans un contexte économique européen déstabilisé par les délocalisations, l‟entrée de la Chine au sein de l‟Organisation mondiale du commerce (OMC) a renforcé l‟appréhension face à ce pays désormais qualifié d‟hégémonique, mettant à nouveau en avant le fameux syndrome du « péril jaune ». Enfin, avec la tenue des J.O. de Pékin en 2008, la recherche de la faille du système, de la rupture ou des incidents viennent contredire en permanence les images lissées d‟une Chine tournée vers les normes internationales.

La construction de l‟altérité chinoise dans la presse française est apparemment un peu différente des représentations de l‟Autre Chinois dans la presse grecque. Ainsi, côté grec, la Chine se définit premièrement comme un Autre avec qui le pays entretient beaucoup d‟échanges culturels. L‟identité chinoise prend alors une image d‟abord culturelle qui est plutôt valorisante aux yeux du public. Cette image vient se mélanger avec la puissance économique et la représentation de la Chine via les changements qu‟elle apporte à l‟économie mondiale. Les deux images se complètent pour construire la représentation d‟une Chine puissante culturellement et économiquement. Ces deux traits évoquent

l‟admiration et l‟émerveillement du lecteur grec devant l‟Autre Chinois.

Néanmoins, comme nous allons le constater pendant l‟analyse détaillée des articles concernant les Jeux Olympiques, une comparaison constante entre les deux cultures, grecque et chinoise, est entretenue par la presse grecque, en faveur de la supériorité des œuvres culturelles grecques par rapport à celles de la Chine. Le sentiment d‟admiration va changer vers la fin de l‟année et va laisser place à un sentiment d‟hostilité et de réprobation alors que les accords commerciaux entre les deux pays deviennent plus étroits. Nous nous trouvons devant une représentation de l‟Autre Chinois comme dangereux pour la stabilité du système économique grec. Le lecteur éprouve le besoin de protéger la société du travail et les droits acquis des syndicats face à une Chine qui envahit le marché national.

Dans un deuxième temps, un facteur complémentaire pour définir le mode de construction des représentations de l‟altérité dans la presse écrite, est le nombre des sujets apparus dans un journal mais absents dans l‟autre. L‟exemple le plus significatif est le sujet du Cinéma. Le Monde accorde une grande importance aux sujets relatifs aux nouveautés dans les films chinois, le développement cinématographique en Chine, les règles de tournage, ainsi que le traitement des acteurs selon les règles établies par le pouvoir chinois. C‟est pour cette raison que nous retrouvons 24 articles relatifs au le cinéma, contrairement à Elefterotypia où ce sujet n‟est jamais évoqué. Nous constatons donc que le Cinéma constitue un élément fort de la construction des représentations du public français. Par l‟intermédiaire du Cinéma, le public français peut, non seulement s‟informer sur les films chinois à l‟affiche, mais a aussi droit à la réalité cachée derrière la réalisation du film, telle qu‟elle est présentée par le biais des informations sur les acteurs et les producteurs, la censure qu‟ils subissent, les difficultés que chaque film doit affronter avant son apparition sur les écrans. De cette façon, la représentation du pouvoir chinois comme totalitaire est plus évidente, car le Cinéma constitue pour le monde européen une valeur inoffensive et totalement dépourvue de tous les formes d‟oppression.

Les relations économiques entre la Chine et les Etats-Unis constituent encore un sujet présenté par Le Monde mais absent dans Elefterotypia. Nous constatons ainsi la diversité apparente dans le journal français qui juge nécessaire de représenter la Chine aussi par ses relations à d‟autres pays occidentaux. Au contraire, Elefterotypia n‟éprouve pas le même besoin de diversité concernant la représentation de la Chine. Le journal grec insiste plutôt sur les relations de son propre pays avec la Chine et laisse de côté les relations de la Chine à d‟autres pays.

Ainsi, nous sommes devant une représentation limitée de la Chine par Elefterotypia, qui se contente de représenter la Chine en relation avec la Grèce et manifeste son désintérêt pour ce qui se passe entre la Chine et d‟autres pays.

En revanche, le seul sujet présent dans Elefterotypia mais manquant dans Le Monde est le sujet de la Criminalité, mais nous y comptons seulement un seul article. Nous n‟y accordons pas alors grande importance.

En résumé et malgré les différences, nous observons qu‟un mode de fonctionnement identique de la représentation de l‟altérité dans la presse européenne fait son apparition entre les lignes de la presse écrite grecque et française. Le fait que les valeurs européennes sont souvent présentées à l‟opposé de la politique chinoise, constitue un point commun aux deux journaux. Les droits de l‟Homme, la culture, le pouvoir économique, sont seulement une partie des sujets traités se rapportant à la Chine, tant dans le Monde que dans Elefterotypia.

Néanmoins, une différence subtile s‟impose dans la représentation de l‟altérité chinoise entre les deux journaux ; là où Elefterotypia met en avant l‟image culturelle de la Chine et le rapprochement culturel entre la Chine et la Grèce, Le Monde représente la Chine plutôt comme un danger pour la démocratie et les droits de l‟Homme. Cependant, après un tournant au milieu de l‟année, les deux journaux se dirigent plutôt vers une représentation de la Chine comme pouvoir économique qui doit être mis sous contrôle ou sous examen éthique. Le sentiment qu‟un tel pouvoir aboutira à un renversement des valeurs humanistes européennes se propage tant dans les articles du Monde que dans ceux d‟Elefterotypia.

Nous y voyons cependant une indifférence du côté de la presse, qui ne fait qu‟illustrer le manque de politique commune au sein de l‟Union Européenne. Les affaires bilatérales de chaque pays avec la Chine, figurent seulement dans la presse du pays, et c‟est seulement quand une affaire touche la communauté internationale qu‟elle est jugée digne de publication par la presse d‟un autre pays52. Ce phénomène nous conduit à penser que l‟identité européenne est construite primordialement sur des valeurs humanistes, entendues comme universelles, face à une identité chinoise représentée comme capable, et par conséquent dangereux, de renverser l‟ordre établi occidental.

Nous allons étudier par la suite dans quelle mesure la presse en France et en Grèce laisse la place aux Chinois eux-mêmes pour s‟exprimer. Il s‟agit d‟un élément important dans notre travail, car nous considérons que le dialogue entre cultures ne peut pas vraiment exister, si l‟Autre n‟arrive pas à se faire entendre personnellement, et s‟il reste uniquement représenté par les membres de la communauté européenne.

2.5 La prédominance de la voix officielle. Qui se

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