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À Madagascar, la persistance des inégalités de genre qui accentuent notamment la vulnérabilité des femmes dans presque tous les domaines de la vie s’explique par la domination masculine dans la vie sociétale. Pourtant, culturellement, la Grande île est une société matriarcale et la nation est considérée comme une mère.

« Dans une famille malgache, l’élément principal n’est pas l’homme mais bien la femme, c’est elle qui transmet d’une génération à l’autre les traditions, les idées religieuses, l’éducation »112.

En outre, L’Indice de Développement de Genre (IDG, qui mesure sous forme de ratio l’inégalité du développement humain entre celui des hommes et des femmes) de Madagascar est de 0,948 en 2015. Il est plus élevé par rapport à l’ensemble des pays d’Afrique Sub-saharien (0,877) et permet de situer Madagascar dans les pays à inégalités moyennes entre les genres (groupe 3 sur 5)113. On peut aussi utiliser l’Indice d’Inégalités de Genre (IIG) qui prend en compte la santé reproductive mesurée par le taux de mortalité maternelle et le taux de fertilité des adolescentes, l’autonomisation, mesurée par la part de sièges parlementaires occupés par des femmes et la part de femmes et d’hommes adultes âgés de 25 ans et plus ayant atteint au moins un niveau d’éducation secondaire, le statut économique exprimé en participation au marché du travail et mesuré par le taux d’activité de la population active chez les femmes et les hommes âgés de 15 ans et plus. Plus la valeur de l’IIG est élevée, plus les disparités entre les femmes et les hommes sont importantes. En 2015, l’IIG de Madagascar était

112 Henri Raharijaona, La femme, la société et le droit malgache, p 2, in

http://madarevues.recherches.gov.mg/IMG/pdf/anal-droit4_1_.pdf (consulté le 6/04/19)

113 République de Madagascar, Rapport national sur le développement humain, Madagascar 2018, développement humain et mobilisations des ressources intérieures, p 15, in

https://www.undp.org/content/dam/madagascar/docs/rndh-

2018/Rapport%20National%20sur%20le%20D%C3%A9veloppement%20Humain%20(RNDH)%20-%20Madagascar%202018%20-%20R%C3%A9sum%C3%A9.pdf (consulté le 6/04/19)

de 0,550. A titre de comparaison, selon le Rapport mondial sur le développement humain (2016), les valeurs de l’IIG pour 2015 de l’ensemble des Pays en Développement, de l’Afrique Sub-saharienne, et des pays à développement humain faible étaient respectivement de 0,469, 0,572 et 0,590114.

1. Au plan politique

Si les femmes ont obtenu le droit de vote en même temps que les hommes (en 1959), leur représentation au sein du monde politique est bien plus que minoritaire. En 2018, seulement cinq femmes sur trente et un candidats se présentaient pour les élections présidentielles. De plus, le nouveau président élu avait promis la parité pour son gouvernement et seulement six femmes ont été nommées ministres sur vingt-deux ministères. Seulement 7% des partis politiques malgaches ont des femmes en position de leaders. Par ailleurs, il n’y a pas de loi spécifique qui garantit l’égalité des genres et lorsqu’un texte de loi pour permettre la parité hommes-femmes a été proposé par l’Assemblée nationale, il fut refusé par le Sénat, majoritairement masculin.

Pourtant, d’un point de vue légal et politique, les droits des femmes malgaches ont évolué positivement depuis l’indépendance du pays avec notamment le partage des biens après un divorce selon le « zara-zara », c’est-à-dire en deux parts égales contrairement au régime du « kitayteloandalana » qui signifiait qu’un tiers seulement du bien commun revenait à la femme. De plus, le pays dispose d’une Politique Nationale de Promotion de la Femme adoptée en 2000 dans le cadre du projet financé par UNFPA et qui vise notamment à « lutter contre les violences faites aux femmes et adolescentes et à assurer une meilleure intégration du concept de genre dans les programmes de santé et de reproduction »115. Les autorités malgaches ont également paraphé le Protocole d’accord de la Communauté de Développement d’Afrique Australe portant sur la parité femme-homme à Madagascar, ce qui n’empêche pas le non-respect des standards internationaux de 30% de femmes minimum. À cela s’ajoute une très grande avancée en terme de droits des femmes et d’égalité avec les

114 République de Madagascar, Rapport national sur le développement humain, Madagascar 2018, développement humain et mobilisations des ressources intérieures, p 15, in

https://www.undp.org/content/dam/madagascar/docs/rndh-

2018/Rapport%20National%20sur%20le%20D%C3%A9veloppement%20Humain%20(RNDH)%20-%20Madagascar%202018%20-%20R%C3%A9sum%C3%A9.pdf (consulté le 6/04/19)

115 UNFPA, Droits de l’homme et égalité des sexes, in https://madagascar.unfpa.org/fr/topics/droits-de-l%E2%80%99homme-et-%C3%A9galit%C3%A9-des-sexes (consulté le 17/03/19)

hommes puisque depuis 2017, les femmes malgaches peuvent enfin donner leur nationalité à leurs enfants.

2. Au plan sociétal

Selon une enquête sur la perception de la place des femmes dans la société, la majorité des personnes interrogées a répondu qu’elles doivent d’abord s’occuper de leur foyer. En effet, la femme malgache traditionnelle est décrite comme

« fanakamalemy », c’est-à-dire mobilier fragile. On est bien en présence d’un système patriarcal qui dénigre les femmes et leur impose sa supériorité.

Certaines régions de l’île sont confrontées à des inégalités sociales plus importantes comme la région du Sud-Est par exemple. Ainsi, malgré les lois en vigueur sur l’héritage et la succession des biens, les femmes n’y ont pas droit et tout revient aux hommes. Dans la vie quotidienne, les femmes ne sont pas autorisées à manger en compagnie des hommes et doivent se contenter des restes. Parfois, ce sont même des représentants de l’État qui bloquent l’application des droits des femmes. En effet, un chef de district avait refusé de distribuer des cartes d’identité aux femmes et avait même porté l’affaire devant le procureur, qui heureusement, a statué que les femmes avaient également le droit de disposer d’une carte d’identité nationale.

Par ailleurs, bien qu’interdit depuis 2007, Madagascar est l’un des pays avec un des plus hauts taux de mariages de mineurs, notamment des adolescentes puisque 41%

des filles âgées de 20 à 24 ans sont mariées ou en union avant 18 ans et 12% mariées avant l’âge de 15 ans116. En outre, ces mariages (mais pas que) conduisent à des grossesses précoces si bien qu’en 2012, le taux de grossesse précoce chez les filles de 15 à 19 ans est de 37% et cette propension est 2,5 fois plus élevée dans les zones rurales que dans les zones urbaines117.

À cela s’ajoute qu’un tiers des décès maternels sont liés à des grossesses chez les adolescentes118. Sachant que l’avortement est toujours criminalisé, de nombreuses femmes y ont recours clandestinement dans des conditions déplorables et ce sont près de 575 femmes par an qui meurent des complications d’un avortement

116 UNICEF, Défis et opportunités des enfants à Madagascar, octobre 2018, p 10

117 Id., p 4

118 Ibid.

clandestin119. Pourtant, malgré l’énorme tabou autour des avortements, des études de l’Institut National de Santé Publique et Communautaire de 2007 ont affirmé que 53,5%

des jeunes femmes entre 15 et 24 ans en milieu urbain ont réalisé au moins un avortement120. L’éducation sexuelle est très limitée et tout ce qui touche au corps des femmes est encore très tabou. Finalement, ce sont plus de 6 millions de filles de moins de 18 ans qui sont particulièrement privées d’accès équitable à des services sociaux de qualité.

En outre, si 85% des femmes de 15 à 49 ans ont une activité rémunérée, ce chiffre cache une dure réalité marquée par le sous-emploi et un niveau de revenu très faible121. En effet, l’égalité salariale est loin d’être présente. Pourtant, les femmes ont toujours été présentes dans le domaine de l’agriculture pour travailler dans les champs et seconder leur mari. De plus, en cas de disparition de ce dernier, la femme devient alors la seule source de revenus pour subvenir aux besoins de sa famille (bien que dans ce genre de situation, les enfants sont souvent amenés à travailler pour participer aux charges familiales). Par ailleurs, elles ne sont que 38% contre 62% d’hommes dans le secteur salarié non agricole122.

Cette explication du contexte malgache, par la situation historique et socio-économique et l’énonciation des inégalités de genre permet d’avoir une meilleure compréhension de la situation à Madagascar en ce qui concerne les violences basées sur le genre sur la Grande Île.

119 Book News, « Madagascar : Faut-il décriminaliser l’avortement provoqué ? », 29 septembre 2017, in https://www.booknews.today/madagascar-faut-il-decriminaliser-lavortement-provoque/ consulté le 22 mars 2019

120 Ibid.

121 A.H, « Madagascar est-il un pays des droits de la femme ? », in Madonline, 10 mars 2015, in https://www.madonline.com/madagascar-est-il-un-pays-des-droits-de-la-femme/ (consulté le 10 mars 2019)

122 INSTAT, Enquête nationale sur le suivi des objectifs du millénaire pour le développement à Madagascar, 2012-2013, 2013, p 43, in https://madagascar.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/OMD_Resume.pdf (consulté le 6/04/19)

II. Les Violences Basées sur le Genre à Madagascar